4 000 articles et documents

Édition du 15 septembre au 1er octobre 2025

Les travailleurs indochinois en Dordogne 1939-1949

Journées d’hommage, conférences et exposition sur les Travailleurs indochinois en Dordogne les 8, 9 et 11 octobre (voir le programme complet à la fin de l’article)

Photo tirée de l’exposition « Les travailleurs indochinois en Dordogne » présentée au Pôle d’interprétation de la préhistoire des Eyzies – Galerie Bondier-Lecat

En septembre 1939, le gouvernement français a fait venir de gré ou de force 20 000 paysans vietnamiens afin de les utiliser comme ouvriers dans les usines d’armements. Débarqués à Marseille, ces « Travailleurs indochinois » passent leurs premières nuits dans les cellules de la prison des Baumettes. Organisés en compagnies de 250 hommes commandées par un encadrement français imprégné de préjugés coloniaux, ils sont envoyés dans toute la France sur des sites relevant de la défense nationale – la plupart du temps des poudreries.

Une main d’œuvre gratuite pour des entreprises françaises

A Bergerac, un premier contingent de 1 500 Travailleurs indochinois arrive le 13 février 1940 pour être immédiatement mis au travail. Ils sont logés à l’intérieur de la poudrerie, dans des hangars glacials situés à proximité des stocks de poudre. Pendant quatre ans, ils souffrent de la promiscuité, du froid, de la faim et de l’oppression exercée par les cadres français.

Un service est créé au sein du ministère du Travail : le service de la Main-d’œuvre indigène et coloniale (MOI). En juin 1940, la défaite militaire de la France entraîne l’arrêt des usines d’armements. La MOI loue alors la force de travail de ces hommes à toutes les entreprises françaises qui en font la demande. Les Travailleurs indochinois sont envoyés dans tous les secteurs de l’économie française : agriculture, forestage, construction de route, assèchement de marais, industrie chimique ou textile, etc. Parmi tous les travaux effectués par ces hommes, celui qui marquera le plus les esprits est la relance de la riziculture en Camargue. A chaque fois, l’entreprise verse le prix de cette location de main d’œuvre à la MOI, qui ne redistribue aucun salaire aux ouvriers vietnamiens.

En Dordogne, des groupes de Travailleurs indochinois sont envoyés dans de nombreuses communes du département et des départements voisins. Ils sont affectés au ramassage des châtaignes, à la récolte des pommes de terre et des topinambours, aux vendanges, au nettoyage des étables, à des usines de cuir, etc. Le projet de plus important pour lequel ils vont être utilisés est l’assainissement de la vallée des Beunes. Traversée par deux cours d’eau principaux, la Grande et la Petite Beune, qui se rejoignent aux Eyzies, cette vallée est aujourd’hui connue pour abriter d’importantes grottes préhistoriques. En 1940, elle était devenue impropre à toute culture tant l’obstruction des deux cours d’eau, au fil des décennies, avait transformé les terrains agricoles en un vaste marécage. Au printemps 1941, le préfet de Dordogne lance un vaste projet de curetage des deux rivières, avec pour objectif de relancer la culture du chanvre.

Une main d’œuvre très importante et peu couteuse est nécessaire à la viabilité de ce projet pétainiste de « retour à la terre » : ce sera les Indochinois de Bergerac. Fin mai 1941, 750 d’entre eux arrivent dans la vallée, construisent leurs baraquements, et démarrent le travail. Le 24 juillet 1941, les services de la préfecture organisent une visite officielle du chantier par le préfet. La presse est largement invitée, et de nombreux articles paraissent dans les médias locaux, et même nationaux.

La poudrerie de Bergerac

Au printemps 1944, des bombardements alliés sur la poudrerie forcent la MOI à déménager les Vietnamiens vers le camp de Creysse, à deux kilomètres de là. Un ultime bombardement causera la mort de six Vietnamiens.

En 1945, le gouvernement du général de Gaulle réquisitionne tous les bateaux en partance pour l’Extrême-Orient afin d’envoyer la troupe française mater les désirs d’indépendance du peuple vietnamien, empêchant le rapatriement de ces hommes. Comme leurs camarades des autres régions de France, les Vietnamiens de Creysse se mobilisent en faveur de la lutte menée par Ho Chi Minh : manifestations, meetings, grèves, distribution de tracts. La répression policière est sévère, avec l’emprisonnement des « meneurs ». En avril 1948, tous les Vietnamiens de Creysse sont expulsés dans le département voisin, le Lot-et-Garonne, enfermés dans les camps de Bias et de Moulin-du-Lot, ceux-là même qui accueilleront plus tard les familles rapatriées d’Indochine, puis harkis. En 1949, des bateaux sont enfin organisés pour leur retour au pays. Certains restent en France, et fondent une famille.

En partenariat avec Michel Lecat, qui a hérité de son grand-père bergeracois d’un fonds photographique exceptionnel, Pierre Daum mène depuis trois ans un projet de recherche sur l’histoire des Travailleurs indochinois passés par la Dordogne. Une partie de ce projet (hommage aux 62 décédés et exposition de photos) va être montré les 9, 10 et 11 octobre prochain. La sortie d’un livre est prévue en janvier 2026, suivie de l’inauguration d’un important mémorial.


• Jeudi 9 octobre à 18h00

Conférence de Pierre Daum et Michel Lecat sur les Travailleurs indochinois en Dordogne.

Lieu : Espace Dordonha, 1 rue de la Mission à Bergerac.

• Vendredi 10 octobre à 17h00

Dévoilement de la plaque en hommage aux 62 Vietnamiens morts à Bergerac et inhumés sous le mausolée indochinois de Beauferrier.

Lieu : Cimetière Beauferrier à Bergerac.

• Vendredi 10 octobre à 18h00

Vernissage de l’exposition « Les Travailleurs indochinois en Bergeracois »

Lieu : Espace Dordonha, 1 rue de la Mission à Bergerac.

• Samedi 11 octobre à 11h00

Conférence de Pierre Daum et Michel Lecat sur les Travailleurs indochinois en Dordogne.

Lieu : mairie de Creysse, 12 Grand Rue à Creysse.

Nota bene : un dîner vendredi 10 et un déjeuner samedi 11 sont proposés sous forme de grandes tablées avec menu unique et prix unique : 22 € chaque repas, vin et café compris.

Inscription obligatoire par mail à


Facebook
Email

Abonnez-vous à la newsletter

Envoyer un mail à l’adresse
, sans objet, ni texte.
Vous recevrez sur votre mail une demande de confirmation qu’il faudra valider.

Ou alors, remplissez ce formulaire :