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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
90 Roms, dont une trentaine d'enfants, campent sur les pelouses du quartier de la porte d'Aix, à Marseille. (Photo La Provence)

les Roms qui seront expulsés de Marseille sont nos frères

La ville de Marseille a pris lundi 8 août un arrêté municipal, validé mardi par le tribunal administratif, pour évacuer plusieurs dizaines de Roms installés dans le quartier de la porte d'Aix. Plus de 90 personnes, dont une trentaine d'enfants, qui avaient été délogées de squats, occupent depuis un mois les pelouses "dans des conditions d'indignité, d'une extrême précarité, d'insécurité et d'insalubrité, sans eau ni sanitaires", relève le maire UMP Jean-Claude Gaudin dans le document transmis à l'AFP. "Considérant que cette occupation est de nature à générer un trouble grave à l'ordre public qui s'accentue chaque jour", la ville ordonne "l'évacuation sans délai des espaces verts et autres espaces publics situés à la porte d'Aix". "Ces gens-là, il y en a trop dans cette ville, nous souhaitons qu'ils aillent ailleurs", avait déclaré M. Gaudin vendredi. Rappelons les paroles prononcées par Monseigneur Saliège en une autre occasion : «Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain.»
[Mis en ligne le 9 août 2011, complété le 10 avec le communiqué de la LDH.]

90 Roms, dont une trentaine d'enfants, campent sur les pelouses du quartier de la porte d'Aix, à Marseille. (Photo La Provence)
90 Roms, dont une trentaine d’enfants, campent sur les pelouses du quartier de la porte d’Aix, à Marseille. (Photo La Provence)

Communiqués de la Fédération des Bouches-du-Rhône de la LDH 1

ROMS : STOP AUX EXPULSIONS

Marseille, le 9 août 2011

En réponse aux propos de Monsieur Gaudin, Maire de Marseille, recueillis par le journal la Provence du samedi 6 août, La Ligue des Droits de l’Homme réaffirme son indignation sur le traitement réservé aux Roms.

Des familles roms, pour certaines arrivées à Marseille depuis de nombreuses années déjà, tentant de survivre dans des campements précaires, font l‘objet d’expulsions régulières les conduisant à se déplacer de lieux d’infortune vers des espaces publics comme la porte d’Aix, ou des trottoirs de la ville.

Leur visibilité semble émouvoir Monsieur le Maire, mais ce qui n’est plus supportable pour nous, ce sont ces conditions d’existence, l’absence de toute sécurité élémentaire, d’installation sanitaire…

Alors, arrêtons l’hypocrisie, la démagogie, l’irresponsabilité politique qui tend à faire croire que l’on peut résoudre les difficultés en les faisant disparaître. «Il faut que les roms partent ailleurs», déclare Monsieur Gaudin, mais de quel ailleurs est-il question ?

Cette politique de l’expulsion relève de la méconnaissance de cette population, et s’inscrit dans la ligne droite du discours de Grenoble prononcé par Monsieur SARKOZY, politique sécuritaire et xénophobe totalement inefficace, exacerbant des tensions sociales pouvant se traduire à tous moments par des actes de violence.

Citoyens européens, migrants économiques, fuyant pour certains les persécutions, ils ne vivent pas en bidonvilles par idéal mais par nécessité. Contrairement à l’idée reçue ce ne sont pas des familles isolées ou désocialisées relevant des dispositifs d’accueil d’urgence.

Pourtant, l’urgence est réelle et des réponses sont possibles, pour peu que la volonté politique s’exprime. Alors arrêtons de vouloir faire disparaître les difficultés plutôt que des les traiter. A l’instar d’autres grandes villes de France, il est grand temps qu’œuvrent ensemble les collectivités territoriales et les services de l’Etat. Des associations comme la Ligue des Droits de l’Homme sont prêtes à apporter leur contribution.

Dans l’immédiat :

  • Nous exigeons l’arrêt de toute expulsion et démantèlement des lieux de vie.
  • Nous exigeons la mise à disposition d’espaces publics, pour permettre à ces populations, à minima, de se « poser » et aux associations travaillant à leur côté de mener à bien leurs missions.
  • Nous en appelons à la prise de conscience et à la mobilisation citoyenne, et affirmons qu’à travers le traitement réservé à ces populations, c’est toute notre humanité qui est en cause, ce sont les droits de l’homme qui sont bafoués.

Aux persécutions historiques dont ont été victimes les Roms, n’en n’ajoutons pas de nouvelles !

Bernard Eynaud, président de la Fédération LDH 13

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La chasse aux Roms continue …

Marseille le 10 août 2011

ILS ONT 24 HEURES POUR « DEGAGER », telle est la décision du tribunal administratif qui n’a pas perdu de temps puisque la notification leur a été communiquée hier soir vers 21 H 30.

Les Roms doivent donc quitter la Porte d’Aix, mais pour aller où ?
Sur cette question là, la ville de Marseille ne répondra pas, et continue à s’enferrer dans une politique d’exclusion, de pourrissement de la situation, une politique indigne et inhumaine.

Une politique politicienne et démagogique qui tend à nous faire croire que c’est en évacuant la question qu’on la traite, qu’en chassant la misère, elle disparaît.

Il y a urgence pour une prise de conscience des Marseillais et des Marseillaises !

Il y a urgence pour une politique offensive, courageuse, ancrée sur les valeurs du respect de la dignité humaine, de la solidarité, du respect des droits de l’homme !

Il est grand temps que les institutions prennent leurs responsabilités en arrêtant toute expulsion sans proposition d’espaces d’accueil.

Il est urgent que l’Etat et les collectivités territoriales travaillent ensemble.

Et nous réitérons notre disponibilité et notre engagement pour contribuer à l’élaboration et la mise en œuvre de réponses concrètes.

Bernard Eynaud, président de la Fédération LDH 13

Marie-Christine Vergiat : « Il faut passer aux actes »

Élue députée européenne Front de Gauche pour le Sud-Est en 2009, Marie-Christine Vergiat dénonce la politique cynique de la France qui empêche les Roms d’accéder à la citoyenneté. Elle appelle les élus locaux à s’emparer des fonds européens pour aider les Roms à trouver leur place dans la société française. Ci dessous un large extrait de l’entretien qu’elle a donné à La Marseillaise du 1er août 20112 :

«Les Roms roumains et bulgares sont des citoyens européens depuis le 1er janvier 2007, ils sont pourtant exclus d’un certain nombre de droits, pourquoi ?
10 à 12 millions de Roms vivent en Europe. La plupart sont sédentaires. Les minorités roms sont les premières à subir les discriminations à travers le continent, ce sont les premières victimes du libéralisme.

«La France pratique une politique cynique en adoptant des clauses qui empêchent l’accès à la citoyenneté européenne, particulièrement dans le domaine du travail. Le gouvernement français utilise le racisme et la xénophobie pour masquer ses propres carences en matière économique et sociale. Si on applique les règles européennes, on doit tout faire pour accompagner ces populations vers l’intégration. Si jamais on considère qu’elles seraient mieux dans leur pays, il faudrait travailler avec les pays respectifs afin de mieux les aider à vivre chez eux.

«Les Roms ne sont pas nombreux, mais on leur nie le minimum d’humanité, ce sont des choix politiques et de société à changer. J’ai, à plusieurs reprises, interrogé Viviane Reding à ce sujet, je suis atterrée par ses réponses qui ne règlent pas les problèmes de discrimination. Je vais travailler avec les associations pour lui répondre point par point avec des exemples à l’appui. J’ai toujours milité pour les droits de l’Homme. L’Europe ne doit pas se contenter de discours. Il ne suffit pas d’avoir adopté la charte des droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l’Homme, il faut passer aux actes, car il est insupportable que les gens survivent dans ces conditions. »

Marie-Christine Vergiat

Le communiqué de la section LDH d’Aix-en-Provence repris ci-dessous montre – s’il en était besoin – que Marseille n’est pas la seule ville du midi méditerranéen où les Roms ne sont pas les bienvenus :

Communiqué de la section LDH d’Aix-en-Provence 3

Aix, le 5 juillet 2011

Mme Joissains et les roms : nous sommes indignés

Lors du dernier conseil municipal, Madame Joissains s’en est prise violemment aux Roms-migrants (qui viennent des pays de l’Est) et a réclamé au Président de la République de rétablir les frontières intérieures de l’Union européenne.

Oui, la mendicité nous dérange, même si on ne peut la dire agressive.

Oui, la majorité des enfants Roms du Centre Ville ne sont pas scolarisés.

Oui, les Roms-migrants constituent une population difficile à accueillir et à gérer.

Oui, il existe en France des réseaux mafieux et des gangs « bien de chez nous ». La Police les connaît. Ils ne sont pas « LA population Rom ».

Que doit faire un maire devant une telle situation ? Assurer la sécurité des citoyens, bien sûr. Mais sont-ils en danger ? distiller la peur remplace-t-il une politique ? et la sécurité de cette population que l’on redoute, qu’en fait-on ? Le rôle d’un maire est aussi d’accueillir toute population, qu’elle lui plaise ou non :

Qu’a fait la maire pour aider l’accès au travail ? Pour corriger l’effet de réglementations et de lois (qu’elle a votées) interdisant de fait à ces Roms d’être embauchés ?

Qu’a fait la maire pour la scolarisation des enfants ?

Qu’a fait la maire pour permettre à ces gens, quel que soit leur statut administratif, de disposer du minimum en-dessous duquel les conditions de vie sont infrahumaines ? Au contraire, Madame Joissains, avec ses collaborateurs M Susini et Mme Draouzia, produit un discours où les affirmations les plus éculées, les plus basses, sont reprises comme en un temps qu’on pensait révolu. Elle parle d’agressions, de « professionnels », de » réseaux », de « méthodes », d’enfants pour lesquels « il y a forcément des produits pour qu’ils se tiennent tranquilles », de « pratiques indignes », de la peur des personnes âgées (elles ont bon dos !), etc. Elle fait un numéro de « grand cœur », « ému par le sort de ces enfants ». Mais là, quand on sait son attitude, son (in)action, sa hargne, l’écœurement est total. D’autres habitants d’Aix, et des institutions, sont préoccupés de ce sort et tous se heurtent à ce rejet orchestré par la maire.

On a voulu faire l’Europe, source de richesse. Dans le panier se trouvaient aussi des pauvres : 15 000 Roms (sur environ deux millions) sont venus en France, peut-être 2 à 300 à Aix. Et il n’y a rien d’autre à faire que les rejeter, les stigmatiser, les expulser ?

Voilà pourquoi nous sommes indignés. Et la honte nous submerge.

Comme la majorité à laquelle elle appartient Mme Joissains défigure la République ; elle participe et contribue à la xénophobie, se défausse sur des groupes ethniques de l’insécurité que le régime met en scène.

Oui, il faut en finir avec cette politique de la peur et de la discrimination. Et reconstruire une République où chacun peut être fier d’être citoyen, la République « libre, égale et fraternelle » qui est la nôtre.

LDH, section d’Aix-en-Provence


A Marseille, les Roms sont passés des bidonvilles à la rue

par Patricia Jolly, Le Monde 30 juillet 2011

Médecins du monde parle de  » traque  » et évoque l' » urgence sanitaire « 

La symbolique est forte. Il y a une quinzaine de jours, une centaine de Roms ont trouvé refuge au pied d’un arc de triomphe, sur la pelouse de la Porte d’Aix, en plein Marseille. Dans des poussettes, ils ont apporté ce qu’ils sauvent régulièrement des tractopelles : vêtements, couvertures, récipients… Des matelas aussi pour lutter contre l’épuisement dû aux expulsions. Les corps s’y entassent ; trois ou quatre ensemble, des couvertures tirées sur les têtes. La police veille à ce qu’aucune tente distribuée par les associations humanitaires ne soit dressée, même en cas d’orage. Pourtant, un an après le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy ordonnant le démantèlement « de 300 camps illicites dans un délai de trois mois » et l’expulsion de plusieurs milliers d’entre eux, les Roms résistent à la mathématique sécuritaire du chef de l’Etat.

Alexi, 33 ans, a multiplié les allers-retours France-Roumanie, mais il revient « toujours ». Sédentaire, il a déserté un habitat en dur pour les trottoirs ou les dessous de passerelles d’autoroute. « On tire toujours de quoi vivre des poubelles ici, explique-t-il. Parfois même jusqu’à 30 euros par jour. » Son français reste approximatif. Par l’entremise de Nicolas Martin, réalisateur de films et interprète bénévole pour Médecins du monde (MdM), il dit la difficulté de rester scolarisé lorsqu’on est continuellement délogé.

Roumains pour 90 %, les Roms sont libres depuis janvier 2007 de circuler dans l’espace Schengen, mais ils sont soumis jusqu’en 2014 à des restrictions draconiennes en matière d’accès à l’emploi : un régime dérogatoire qui les empêche de justifier de ressources régulières et facilite les expulsions.

Cendrine Labaume, coordinatrice MdM à Marseille, dénonce, une véritable « traque » des Roms de la cité phocéenne. Pourtant, selon les associations, leur nombre (1 000 à 1 500) est stable depuis dix ans. « Les expulsions se multiplient avec une véritable intention de nuire, constate-t-elle. Depuis début juin, vingt sites regroupant 80 % des 800 Roms régulièrement visités par MdM à Marseille ont été évacués. Et au moins 300 Roms, dont un tiers d’enfant, ont subi deux à quatre expulsions. » Mme Labaume parle d’« urgence sanitaire ».

Privés de points d’eau, de toilettes et de poubelles, les Roms développent en effet des pathologies dermatologiques, infectieuses ou parasitaires. Les traitements contre l’hypertension ou le diabète sont systématiquement interrompus par les expulsions, tout comme une récente campagne de vaccination contre la rougeole. Et les carnets de santé fournis par l’ONG, qui disparaissent souvent dans ces déménagements forcés, rendent tout suivi illusoire.

Certaines familles sont venues grossir un bidonville à flanc de colline en surplomb d’un boulevard très fréquenté du 3e arrondissement. Des cabanes de planches et tôles disjointes, meublées de sofas, tapis de récupération et guirlandes de Noël, dans lesquelles s’entassent une centaine de personnes. Depuis janvier, ici, pas d’expulsion. Le propriétaire est tolérant, et la topographie hostile aux engins de déblayage. Mais à chaque orage, le contenu de la latrine bricolée en haut du terrain dévale vers les cabanes…

Pour revendre au poids le cuivre qu’il en extrait, un homme fait fondre des pièces de téléviseurs, produisant une fumée très toxique. « Des métaux lourds », le met en garde le docteur Rémi Laporte, pédiatre de MdM en tournée. « La précarité est telle ici qu’on dispense les mêmes conseils qu’au Darfour ou au Soudan », se désole le médecin humanitaire. Un adolescent émerge, couvert de boutons : le quatrième cas de varicelle cette semaine. Audrey Floersheim, l’infirmière MdM, prévoit la contagion de tous les bambins et des femmes enceintes. Une fillette se « vide » sur la terre battue : intoxication au lait périmé… Pour laver les vêtements déjà souillés, il faut recueillir l’eau au bord du caniveau, depuis une canalisation ouverte à la sauvette. A côté, d’autres enfants déjeunent de Coca-Cola. Ça cale… Une femme balaie et rassemble ses ordures ménagères dans un carton. Faute de benne à ordures, elles échoueront de part et d’autre du terrain transformé en décharge au grand dam des voisins. Chaque jour, MdM recueille des témoignages d’agressions envers les Roms : incendies, attaques…

Samia Ghali, maire (PS) des 15e et 16e arrondissements de Marseille, a autorisé l’installation provisoire d’un camp dans une zone industrielle. Mais elle prédit de « graves problèmes ». « Il y a des gens prêts à tout pour faire partir les Roms alors que nous sommes en capacité d’en accueillir un certain nombre en viabilisant des terrains », dit-elle. Comme elle, Gaëlle Lenfant, vice-présidente du conseil régional PACA – qui collabore étroitement avec les associations pour l’intégration des Roms – réclame la tenue d’une table ronde sur la question. Le conseil général, les élus socialistes de secteur sont tous d’accord. Mais le maire (UMP) de Marseille, Jean-Claude Gaudin, et le préfet font la sourde oreille. « Les Roms ne vont pas disparaître, prévient Mme Lenfant. Les expulsions sont un écran de fumée qui ne sert qu’à précariser des familles déjà misérables. »

Expulsion des Roms : la guerre des chiffres

Selon le ministère de l’intérieur, 9 300 Roumains et Bulgares ont été expulsés de France en 2009, 9 529 en 2010, et 4 714 au premier trimestre 2011. Toujours selon le ministère, les trois quarts des campements illicites ont été démantelés.

De leur côté, les associations estiment que le nombre de Roms vivant en France – de 10 000 à 15 000 personnes arrivées après 1990 – reste stable.

A Marseille, la population roms représente de 1 000 à 1 500 personnes.

  1. Fédération des Bouches-du-Rhône de la LDH, 34 cours Julien, 13006 Marseille – 06 80 95 22 39 – .">..
  2. L’entretien est publié dans son intégralité sur le site internet de La Marseillaise : http://www.lamarseillaise.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=23810&Itemid=42 .
  3. Source : http://www.ldh-aix.org/spip.php?article65.
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