Gardanne : le maire s’explique sur l’accueil des Roms
«Pas d’expulsions sans solutions». Roger Meï, le maire de Gardanne, a présidé, hier matin, une réunion sur les Roms. Derrière lui, la banderole portant la phrase de François Hollande, déjà brandie vendredi lors de la manifestation qui a précédé le conseil municipal (La Provence du 13 octobre).
« Devant la situation difficile et les remous, il faut s’expliquer encore une fois », a dit le maire qui a rappelé dans quelles conditions il avait décidé, il y a un mois, d’accueillir temporairement les Roms expulsés de Marseille. « Quand Manuel Valls est venu, je lui ai dit que ce n’était pas acceptable de traiter les gens comme ça. Et le préfet nous a envoyé un fonctionnaire pour vérifier que nous les traitions bien, alors qu’il les flanque dehors ! C’est honteux. » Gardanne est la seule ville des Bouches-du-Rhône à avoir organisé l’accueil de ces familles et leur intégration.
« Pas plus de vols »
Georges Felouzis, directeur du centre communal d’action sociale, a fait un état des lieux : « Le camp est installé depuis une trentaine de jours. La priorité a été d’assurer la sécurisation de l’endroit et les conditions sanitaires de base : apporter de l’eau, des sanitaires, un groupe électrogène… On est dans le droit commun. Ces familles ont été déménagées brutalement maintes et maintes fois. C’est compliqué sur le plan administratif. C’est un peu comme si votre maison brûlait tous les 15 jours. »
Christian Huc, responsable de la police municipale, a précisé que 11 foyers (62 personnes) sont sur le site du puits Z, mis à leur disposition par la municipalité. « La collaboration que nous avons avec la gendarmerie me permet de vous affirmer qu’il n’y a pas plus de vols qu’avant », a-t-il commenté.
Roger Meï ayant posé pour condition la scolarisation des enfants, « garçons et filles », a-t-il insisté, une quinzaine d’entre eux sont accueillis dans les établissements gardannais, quatre au collège (Gabriel-Péri et Pesquier), le reste en primaire et maternelle. « La mobilisation de l’Éducation nationale a été exemplaire, a souligné Angèle Planidis-Dumont, responsable du secteur éducation municipal. Nous avons fait en sorte que les familles fassent elles-mêmes la démarche de venir inscrire leurs enfants, dont certains mangent aussi à la cantine, comme les autres Gardannais. »
Suivi médical difficile
La Maison départementale de la solidarité, structure du Conseil général, assure la surveillance sanitaire dans le cadre de la Protection maternelle infantile (PMI) et la protection de l’enfance. « Nous avons fait des consultations sur le site, a informé Annie Venaud-Prouset, sa directrice, avec un dépistage antituberculose et la vaccination de certains enfants. En l’absence de carnet de santé, le suivi médical de ces familles est toujours difficile. »
Les différents responsables associatifs présents hier ont tous salué la décision du maire de Gardanne. « Une initiative réaliste parce qu’on ne parviendra pas à intégrer cette population si on ne la stabilise pas », pour Cendrine Labaume de Médecins du monde. « Un traitement très humaniste dans le souci de ne pas enfermer ces gens dans un assistanat », selon Hélène Mayer, du Secours catholique diocésain. « La première fois qu’il y a une initiative de cette nature dans le département », d’après Dominique Michel de l’Addap qui vient de publier un rapport sur la situation des Roms en France. « C’est tellement rare d’avoir des élus qui prennent leurs responsabilités », pour Fathi Bouaroua de la Fondation Abbé-Pierre.
Un collectif d’associations, emmené par Christine Verihac, du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), s’est constitué dès leur arrivée à Gardanne. Attac, par le biais de Didier Bonnel et Jean-Luc Debard, s’est aussi beaucoup mobilisé.
Roxandra Rappuzzi, roumaine de naissance, a également apporté son témoignage. « Je suis allée les rencontrer. Ils viennent de Transylvanie, une région où on travaille beaucoup. Ils savent leur responsabilité vis-à-vis de ceux qui les accueillent. Ils sont disposés à s’intégrer. »
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La nouvelle vie des Roms de Gardanne
Installés par la municipalité de Gardanne sur un terrain au nord de la ville, 62 roms vivent à l’abri des expulsions. Une solution temporaire pour la mairie qui renvoie la préfecture à ses responsabilités.
Une alternative aux expulsions. Depuis un mois et demi, la mairie de Gardanne a mis à disposition un terrain au nord de la ville pour 11 familles roms. D’apparence, le campement installé sur cet ancien site minier ressemble à n’importe quel autre, avec des caravanes et des abris de fortune. A quelques exceptions près. A l’entrée, un ballon d’eau de 20 000 litres jouxte des sanitaires mobiles, tandis que des groupes électrogènes tournent à plein régime.
Une véritable bouée de sauvetage pour Virginia, en train de faire une lessive. « Pas la police ici, pas la police ! dit-elle dans un français un peu hésitant. Ici, c’est bien, on peut rester, ce n’est pas comme à Marseille. Là-bas, c’est la police tout le temps, se remémore-t-elle en espérant des jours meilleurs. Je veux trouver un emploi pour le ménage, je peux faire ». Une projection vers l’avenir encore « impossible » il y a quelques temps, confie Pavel, 12 ans. « Avant, on ne pouvait rien faire. Maintenant, je vais pouvoir aller au collège, dès la semaine prochaine. J’aimerais apprendre à bien lire le français pour pouvoir travailler plus tard ».
Une solution encore provisoire
L’espoir de Pavel ? « Un exemple d’intégration possible », répond Christian Huc. Chef de la police municipale, il veille sur la sécurité du campement en tenant un discours humaniste et ferme à la fois. « C’est un travail quotidien, nos équipes viennent le matin et le soir pour vérifier si tout va bien. Il y 62 personnes, pas une de plus. On ne peut pas accepter d’autres Roms. C’était la condition au départ » assure-t-il en jetant un coup œil sur un groupe d’hommes partant chercher de la ferraille. « Ça leur rapporte entre 300 et 400 euros par mois » explique Georges Felouzis, directeur du centre communal d’action sociale (CCAS) de Gardanne.
Dans quelques semaines, ses services installeront des mobile homes sur le campement pendant la période hivernale. « Une solution temporaire, rappelle le maire communiste de la ville, Roger Meï. Nous apportons une réponse humanitaire, c’est dans la culture de la ville. Mais ce n’est pas à nous de faire ce travail, c’est à l’Etat de prendre ses responsabilités. C’est à lui de trouver une solution pour ces familles ». D’un montant de 30 000 euros, le coût de l’installation du campement a été pour le moment pris en charge par la ville, mais le maire entend bien envoyer la facture à la préfecture.