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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2025

Les prix de la 22e édition du prix littéraire « Fetkann ! Maryse Condé »

par Eric Mesnard pour histoirecoloniale.net

Les prix de la 22ᵉ édition du prix littéraire « Fetkann ! Maryse Condé », organisée par l’association Cifordom (Centre d’Information, de Formation, Recherche et Développement pour les originaires d’Outre-mer), ont été remis au café de Flore jeudi 28 novembre, en présence de collégiens et de collégiennes  qui, avec leurs professeures ont choisi la lauréate de la catégorie « jeunesse » : Amina Luqman-Dawson pour Les enfants de Freewater publié par Milan. Une mention spéciale distingue Andrée Poulin pour Quand ils sont venus aux Éditions de l’Isatis.

Dans la catégorie « Mémoire », le prix revient à Yanick Lahens pour Passagères de nuit, publié chez Sabine Wespieser. Une mention spéciale est décernée à Jean-Christophe Folly pour Benoit Blues, édité par Mémoire d’encrier.

En « Poésie », le prix « Fetkann ! Maryse Condé » est revenu à Caroline Despont pour La femme qui attendait la pluie, édité par Tarmac.

Cinq livres avaient été retenus lors du dernier dernier vote du  jury pour le prix de la  «  Recherche »,

• Ana Lucia Araujo : Réparations  Combats pour la mémoire de l’esclavage – XVIIIe – XXIe siècle, Le Seuil, 2025.

• Elara Bertho, Un couple panafricain. Miriam Makeba et Stokely Carmichael en Guinée, Rot Bo Krik, 2025.

• Laurent Dornel, Indispensables et indésirables. Les travailleurs coloniaux de la Grande Guerre, La Découverte, 2025.

• Flore Pavy  : Voukoum. Esprits rebelles du carnaval guadeloupéen, éditions de la MSH, 2025

• Alain Ruscio, La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852, La Découverte, 2024.

Le prix « Fetkann ! Maryse Condé » a été attribué à  Flore Pavy pour VoukoumEsprits rebelles du carnaval guadeloupéen, paru aux éditions de la Maison des sciences de l’Homme en 2025.  

Ce livre rédigé par l’ethnologue Flore Pavy est issu d’une thèse primée par la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage. L’autrice a enquêté sur Voukoum (« désordre » en créole) collectif carnavalesque fondé dans un quartier populaire à Basse-Terre en 1988 en Guadeloupe. Plus qu’un simple groupe de carnaval, il se positionne comme un mouvement culturel et politique engagé.

L’autrice a pratiqué pour sa recherche l’observation participante. Elle décrit très précisément les activités d’un groupe qui intervient de diverses manières lors du carnaval guadeloupéen en se distinguant d’autres formations par son refus des « codes » du carnaval « officiel » et touristique. Les fondateurs du groupe revendiquent leur « résistance culturelle » et leur recherche d’une « spiritualité » qui passe par la « réinvention » de mythes, de pratiques corporelles et musicales nourries par la langue créole, le gwoka, les influences d’autres îles de la Caraïbe (Cuba et Haïti, notamment) et de « l’Afrique ».

L’ouvrage est d’une  belle facture : photographies et légendes, cartes, notes, mise en page, bibliographie et autres annexes, sont d’une grande qualité. Le terrain et les méthodes sont clairement  présentés. Ce livre pourrait servir d’introduction à l’anthropologie puisque sont cités les classiques de la discipline comme les auteurs les plus récents. La thèse de l’autrice est explicite  et se déroule au fil des pages avec un réel souci de la démonstration et de la distance scientifique, sans pour autant adopter un point de vue surplombant. A partir de sa monographie, F. Pavy ouvre un questionnement plus large sur l’expression culturelle des conflits dans la société guadeloupéenne contemporaine et sur les spécificités des Antilles françaises qui, n’ont pas connu le même processus de décolonisation que d’autres territoires de la Caraïbe (La Dominique, Haïti, Cuba). L’autrice par son propos contribue à « éclairer » le lecteur qui ne connaitrait pas la société guadeloupéenne et ses pratiques carnavalesques.

Une mention spéciale a été attribuée à Ana Lucia Araujo pour Réparations – Combats pour la mémoire de l’esclavage,  – XVIIIe – XXIe siècle, Le Seuil, 2025.

« Comment réparer les crimes de l’esclavage ? » Ana Lucia Araujo montre que depuis la période de l’esclavage, les abolitionnistes blancs et noirs, ycompris les esclaves eux-mêmes, se sont interrogés sur les manièresde réparer les injustices de l’esclavage. Cette ambitieuse synthèse d’un considérable travail de recherche (voir sources et bibliographie) couvre 5 siècles d’histoire sur 3 continents : la lutte pour les réparations a une longue histoire.Seule une approche transnationale, sur le temps long, peut rendre compte des débats et combats, dans le cadre de demandes collectives ou individuelles. Bien que la traite atlantique et l’esclavage soient des atrocités commises dans le passé, leur héritage reste d’actualité, et les débats, conférences, manifestes, procès et manifestations demandant réparation ne cessent d’augmenter. Dans ce contexte, marqué en France par les initiatives prises pour commémorer le bicentenaire de l’Ordonnance de Charles X, le livre d’Ana Lucia Araujo sera précieux pour contribuer à éclairer les débats sur la « dette », les « indemnisations », les « réparations », le « remboursement ». 


Lire aussi sur notre site : Dans la bibliothèque du Paris noir : « Réparations », avec Ana Lucia Araujo


Pour en savoir plus sur le prix littéraire « Fetkann ! Maryse Condé » :  


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