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Édition du 15 mars au 1er avril 2025

les personnes vivant en campements doivent pouvoir bénéficier de la “trêve hivernale”

Le tribunal de grande instance de Nantes invoque dans un jugement du 15 octobre 2012, la Charte sociale européenne et la circulaire du 26 août 2012 pour suspendre des expulsions de campements. Dans son jugement, le juge nantais considère que la caravane est un logement par destination auquel s’applique l’article L 412 du code des procédures d’exécution : « le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. Le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions ». Il s’appuie pour ce faire sur la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris et s’inscrit ainsi dans la lignée de récente jurisprudence des TGI d’Orléans, de Lyon, de Mougins, de Nice qui ont refusé d’expulser des groupes de caravanes faute de proposition de terrains adaptés pour les recevoir1. S'exprimant dans le même sens, le Défenseur des droits demande, dans un courrier adressé début octobre au Premier ministre, la suspension des évacuations de campements durant l'hiver – une demande que de nombreuses associations ont relayée.

Une trêve hivernale pour les Roms ?

[Libération avec AFP, le 18 octobre 2012]

Le Défenseur des droits souhaite l’arrêt des évacuations de campements durant l’hiver.

Le Défenseur des droits a demandé au Premier ministre de suspendre les évacuations de campements roms pendant l’hiver, selon le principe de la «trêve hivernale» qui s’applique en matière d’expulsion locative, a-t-on appris jeudi auprès de ses services.

Dominique Baudis relève, dans un courrier adressé début octobre à Jean-Marc Ayrault, que «plus d’une trentaine d’évacuations de campements illicites sont intervenues avec le concours de la force publique» depuis l’adoption d’une circulaire, à la fin août, sur l’accompagnement de ces opérations.

Les expulsions ont entraîné la déscolarisation «pure et simple» d’une cinquantaine d’enfants, poursuit M. Baudis, en évoquant une «situation éminemment préoccupante».

De plus, écrit-il, dans la majorité des cas, les préfectures n’ont pas été en mesure de le renseigner sur les mesures d’accompagnement de ces expulsions.

«Dans ce contexte», le Défenseur des droits suggère «de suspendre ces opérations d’évacuation en étendant aux personnes concernées le bénéfice du dispositif dit de « trêve hivernale » qui s’applique en matière d’expulsion locative ou d’accès à l’énergie».

«Cette solution d’urgence permettrait d’envisager plus sereinement la situation campement par campement et de rechercher les solutions appropriées d’ici le printemps prochain», estime-t-il.

Son courrier n’avait pas encore reçu de réponse jeudi après-midi, ont précisé ses services.

Le gouvernement avait décidé, lors de sa réunion interministérielle du 22 août, d’assouplir les conditions d’embauche des Roumains et Bulgares, principales nationalités des Roms, et d’engager un diagnostic en amont des démantèlements des lieux de vie.

Sept associations, dont la Ligue des droits de l’Homme ou le Secours catholique, ont relayé jeudi l’appel du Défenseur des droits.

Dans un communiqué commun, elles demandent au gouvernement d’arrêter les évacuations «dès maintenant». Selon elles, «l’Etat français se rend coupable de graves violences» contre les enfants roms, «en interrompant les soins engagés», en «les déscolarisant» et en «les stigmatisant».

Plus de 15 000 Roms vivent en France. Depuis juillet, de nombreux campements illégaux ont été évacués par les forces de l’ordre, jetant plus de 2 000 personnes à la rue, selon des associations de défense des Roms.

Communiqué commun

Assez ! L’Etat doit cesser de s’acharner sur les enfants des campements « illicites » !

L’Etat s’empresse depuis quelques temps d’évacuer les campements « illicites » visés par une décision judiciaire d’évacuation. La circulaire interministérielle du 26 août demandant aux préfets d’anticiper ces opérations et de prévoir des mesures d’accompagnement des familles concernées en termes de relogement et de scolarisation n’est souvent pas appliquée.

Des réunions de concertation ici ou là et de vagues « diagnostics » sur fond de médiatisation du manque de places en hébergement d’urgence servent de prétextes à l’exécution de ces évacuations par les forces de l’ordre sans accompagnement d’aucune sorte, quand les intimidations policières quotidiennes n’ont pas fait fuir les familles d’elles-mêmes avant l’échéance fatale.

Dans ces campements vivent des enfants, des bébés souvent ; ils n’ont pas choisi de naître là, de vivre dans l’insalubrité, de ne pas aller à l’école, de connaître la malnutrition, de vivre dans une extrême pauvreté. Pour ceux qui ont réussi à être scolarisés, à avoir accès aux soins et à vivre dans des conditions d’hygiène minimales, ils ne comprennent pas pourquoi les policiers viennent régulièrement parler de détruire leurs affaires ; pourquoi ils sont remis à la rue, arrachés à leurs écoles, pourquoi leurs caravanes sont confisquées ou détruites.

Ces enfants, quelle que soit la situation administrative de leurs parents, ont droit à la protection contre les violences et contre l’exploitation, à l’accès aux soins, à la scolarisation et à un hébergement digne. Telles sont les obligations de l’Etat au titre de la Convention internationale des droits de l’enfant et dans notre droit national.

Au lieu de cela, c’est l’Etat français lui-même qui se rend coupable de graves violences contre eux, en interrompant les soins qui avaient pu être engagés, en les déscolarisant, en leur enlevant leurs abris de fortune et leurs caravanes, en les stigmatisant et les désignant avec leurs familles à la vindicte populaire. Comme pour perpétuer le cercle infernal des discriminations et des persécutions que certains subissaient déjà dans leur pays, pour confirmer, s’il en était besoin, le constat du Conseil de l’Europe que ce sont là – au moins pour les populations Roms – les plus discriminées d’Europe.

Nous disons : ASSEZ ! Ces évacuations ne règlent pas les problèmes ; elles ne font que les déplacer en les empirant. Cette politique est encore plus insupportable venant d’un gouvernement qui prétend avoir une approche humaniste de ces situations difficiles. L’accumulation de campements dans certains départements est à prendre en compte. Mais c’est à l’Etat, avec les collectivités territoriales, de chercher des solutions pour une insertion de ces familles, mieux répartie sur le territoire, à commencer par la scolarisation de tous les enfants. Des financements de l’Union européenne sont disponibles : il suffit de s’en saisir.

Il est encore temps d’éviter que la France ne soit montrée du doigt voire condamnée une fois de plus par le Conseil de l’Europe. Surtout il est temps pour l’Etat de prendre enfin en compte les droits de ces enfants, en évitant déjà de contribuer à les exposer encore plus à la pauvreté, à toutes sortes de maladies, à l’exploitation voire au risque de délinquance. Pour ce, il faut faire appliquer le principe de l’école gratuite et obligatoire pour toutes et tous jusqu’à 16 ans, et permettre à leurs parents de s’insérer dans le monde du travail.

Le Défenseur des droits a demandé au Premier ministre un arrêt des évacuations durant la trève hivernale. C’est dès aujourd’hui qu’elles doivent cesser et que des solutions pour l’amélioration des conditions de vie de ces familles doivent être trouvées !

Signataires :

Défense des Enfants International-France (DEI-France)

Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti)

Hors la rue

Ligue des droits de l’Homme (LDH)

Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP)

Réseau Education Sans Frontières (RESF)

Secours Catholique / Réseau mondial Caritas […]

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