COMMUNIQUÉ
Paris, le 5 mars 2008
Discrimination au logement contre les Gens du voyage : l’Etat doit faire respecter la loi
A la veille du 1er tour des élections municipales, seulement 59 % des maires sortants osent se déclarer défavorables à l’accueil des Gens du voyage sur leur commune1.
Pourtant depuis 2000, la loi Besson oblige toutes communes à réaliser des aires de stationnement et à répondre aux besoins d’habitat dans leur politique locale d’urbanisme.
La HALDE a dénoncé en janvier dernier la situation de discriminations généralisées qui frappent ces populations en raison de leur mode d’habiter2.
La CNCDH vient de publier une étude, dont la LDH était rapporteur, qui confirme l’urgence à agir. En 8 ans, un quart des places d’accueil prévues ont été ouvertes, contraignant tous les voyageurs à des stationnements irréguliers faute de lieux disponibles.
Il est donc nécessaire que l’Etat reconnaisse enfin la caravane comme un logement, avec tous les droits liés. Un droit à l’emplacement doit être instauré pour permettre que la liberté de circulation des personnes vivant en caravane soit effective, tout voyageur pouvant alors demander au préfet de trouver un lieu régulier de stationnement. La loi sur le droit au logement opposable doit aussi pouvoir s’appliquer sans discrimination selon le mode de vie.
Enfin et surtout, l’Etat doit contraindre les futurs maires à enfin respecter la loi.
Le respect des droits des personnes est essentiel pour l’égalité comme dans la lutte contre les discriminations.
Une séance de « Questions au Gouvernement » à l’Assemblée nationale en mai 2006 3
M. Éric Woerth. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, préoccupe nombre de mes collègues, ici, sur ces bancs.
Nos concitoyens comprennent bien que les gens du voyage, comme tous les Français, ont le droit de vivre en paix sur notre territoire. Il ne s’agit évidemment pas dans mon esprit de stigmatiser ou de montrer du doigt telle ou telle catégorie de population, mais il n’est pas acceptable qu’au mépris de toutes les règles, des caravanes occupent illégalement des terrains publics ou privés.
Malgré leurs efforts, les communes et leurs maires doivent souvent faire face à ces occupations illégales et ils se trouvent alors extrêmement démunis. Il est très rare, en effet, que la justice autorise l’évacuation forcée d’un terrain et a fortiori que la force publique soit employée. C’est donc en toute impunité que les gens du voyage peuvent s’installer où ils le souhaitent, ce qui entraîne immanquablement des problèmes de cohabitation avec les populations riveraines, ainsi que des problèmes d’hygiène, liés à l’absence d’infrastructures adaptées, voire parfois d’insécurité.
Monsieur le ministre d’État, dès 2002, vous vous êtes préoccupé de cette situation.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous nous en étions préoccupés bien avant !
M. Éric Woerth. Force est de constater que les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage marquent le pas. En effet, ils suscitent souvent des réticences, voire des conflits entre les élus locaux. Les préfets eux-mêmes ne déploient pas toujours l’énergie nécessaire pour les faire adopter.
Les maires attendent de vous que vous poursuiviez votre action déterminée pour remédier à ces difficultés qui exaspèrent leurs administrés. J’ajoute que, pour mieux s’entendre et se comprendre avec les gens du voyage, il serait nécessaire de mieux connaître leurs modes de vie exacts.
Au regard des difficultés d’application de la législation en vigueur, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour mettre un terme à ces situations souvent préjudiciables à toutes les parties ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.
M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, les gens du voyage ne sont pas en dessous, mais ils ne sont pas non plus au-dessus des lois. Ils ont la liberté de vivre selon leur choix, mais de nombreux maires, de toutes sensibilités politiques, n’en peuvent plus d’être confrontés à des occupations illégales de terrains. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Il y a deux points à changer dans le cadre actuel. D’abord, les décisions judiciaires d’évacuation mettent trop de temps à être exécutées. Le dire, ce n’est critiquer personne, c’est simplement faire un constat. Bien souvent, une commune engage une procédure mais quand elle obtient, après beaucoup de frais, une décision d’évacuation, celle-ci n’est exécutable que lorsque les gens du voyage sont déjà partis !
La proposition que fait le Gouvernement est simple : désormais, c’est le préfet qui pourra, sur la demande des maires, ordonner l’évacuation forcée des terrains dans les communes qui ont rempli leurs obligations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Deuxièmement, la loi Besson est un échec parce qu’elle représente 8 000 places. Les obligations imposées aux communes sont telles qu’une place de stationnement coûte 23 000 euros ! Comme c’est trop cher, elles en créent trop peu. Il faut donc créer des places qui soient dignes, certes, mais sans engager les communes, notamment les communes rurales, dans des dépenses inutiles.
Voilà les deux modifications que nous envisageons. Les gens du voyage seront respectés, mais ils devront respecter la loi, et chacun y trouvera avantage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
- Sondage TNS sofres Secours catholique février 2008.
- Voir : 2466.
- Le compte-rendu des débats, à l’Assemblée nationale, mercredi 31 mai 2006.