Découverte officiellement en 1469 par les Portugais, la Côte-d’Ivoire était en fait déjà visitée depuis fort longtemps par des marchands dieppois venus y faire le commerce de l’ivoire.
La traite des esclaves
Mis à part l’ivoire des défenses d’éléphants, la principale activité qui a attiré les Portugais et les Français dans cette région fut le commerce des esclaves. Un trafic humain qui dura près de deux siècles. Préférant ne pas s’aventurer dans les jungles profondes du continent africain pour y capturer des esclaves, les Européens confiaient cette tâche à des tribus à qui ils achetaient ensuite les esclaves capturés. Une pratique qui exacerba rapidement les tensions ethniques et tribales jusqu’au cœur du continent noir. C’est ainsi qu’en deux siècles, plusieurs dizaines de millions d’esclaves ont été capturés en Afrique et vendus aux esclavagistes.
La période coloniale
À partir du milieu du XIXème siècle, les Français et les Anglais se disputent le territoire. En 1889, la Côte-d’Ivoire devient un protectorat français.
Les Français se heurtèrent à la résistance farouche des populations, et il leur faudra plus de vingt ans pour assurer leur domination sur l’ensemble de la Côte d’Ivoire. Dans son entreprise de conquête de l’intérieur des terres, la France se heurta dans le Nord au célèbre Samory Touré.
En 1904, la Côte d’Ivoire est intégrée à l’Afrique occidentale française.
En 1932, un jeune médecin du nom de Félix Houphouët-Boigny entreprend de militer pour la défense des travailleurs agricoles exploités par les Français.
En 1944, outré par le travail forcé imposé aux planteurs de café et de cacao, il crée le premier syndicat agricole d’Afrique. Le 11 avril 1946 est votée la loi abolissant le travail forcé. Houphouët-Boigny fonde, en 1946, le Parti démocratique de Côte-d’Ivoire, branche ivoirienne du Rassemblement démocratique africain.
En 1956, Houphouët-Boigny entre au Parlement français puis devient membre du gouvernement français. Il occupe l’année suivante le poste de président du Conseil de l’AOF et déclare sa volonté de voir naître une Côte-d’Ivoire républicaine et indépendante.
Le 7 août 1960, l’indépendance de la Côte-d’Ivoire est proclamée et Félix Houphouët-Boigny en devient le président – il le demeurera jusqu’à sa mort.
Une fin de 20e siècle tourmentée
Pendant les 25 années qui ont suivi son indépendance, la Côte-d’Ivoire connaît un essor économique et social qui en fait un exemple pour les autres nations africaines. Mais les années 90 marquent le début d’une longue et lente détérioration économique et politique (chute des cours du café et du cacao, chômage et endettement…). Le gouvernement ivoirien adopte un plan d’austérité, concocté avec le FMI, plan qui sera rapidement abandonné sous la pression populaire. Le 21 mars 1983, Yamoussoukro, ville natale du Président située dans le centre du pays, devient la capitale de la République de Côte d’Ivoire.
En 1993, décès de Félix Houphouët-Boigny. Henri Konan Bédié, alors président de l’Assemblée nationale, lui succède à la tête de l’État. Il sera élu président du pays deux ans plus tard. Dans un pays où près d’un tiers de la population est d’origine étrangère, venue des pays voisins, le chef de l’État fait l’apologie de l’« ivoirité ». Par démagogie, il monte les « autochtones » contre les « allogènes ».
Les troubles
En décembre 1999, le général Robert Gueï renverse le gouvernement de Bédié et prend le pouvoir ; il le gardera jusqu’à l’élection présidentielle d’octobre 2000. Entre temps, la Côte-d’Ivoire se sera dotée d’une nouvelle constitution.
Le 22 octobre 2000, Laurent Gbagbo remporte les élections présidentielles devant le général Gueï et devient le premier président de la deuxième république de Côte-d’Ivoire. Des affrontements violents se développent en raison de l’exclusion des élections présidentielles et législatives du candidat de l’opposition, Alassane Ouattara, sous prétexte qu’il n’était pas de souche ivoirienne.
La dégradation de la vie politique a engendré un climat de violence permanente, dans les discours et dans les actes. La guerre civile s’installe ; des factions rebelles prennent le contrôle du Nord et de l’Ouest du pays.
Les étrangers sont l’objet d’exactions, d’extorsions et d’injustices de toutes sortes. Certaines étant même orchestrées par les forces de l’ordre, comme en font foi les 4000 familles burkinabées jetées à la rue à la suite de razzias policières et étudiantes menées dans certains quartiers d’Abidjan.
Depuis deux ans
19 septembre 2002. Une tentative de coup d’Etat fomentée par des supporters de Robert Gueï et des soldats nordistes, avec l’aide apparente de gouvernements étrangers (Burkina notamment), échoue à Abidjan. Les rebelles se retirent dans le Nord et font de Bouaké, deuxième ville du pays, leur fief.
24 janvier 2003. Sous la houlette de la France, des accords de paix sont signés à Marcoussis. Ils doivent aboutir à de nombreuses réformes et à la tenue d’une élection présidentielle en 2005 à laquelle les principaux acteurs de la vie politique, dont Ouattara, pourraient se présenter.
25 mars 2004. La violente répression d’une manifestation de l’ensemble de l’opposition fait au moins 200 morts à Abidjan. L’opposition quitte le gouvernement de réconciliation nationale.
4 avril 2004. Début de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci). 6240 soldats du Bénin, du Bangladesh, du Maroc, du Togo et du Sénégal doivent, en coordination avec les 5200 militaires français présents sur place, veiller au respect du cessez-le-feu conclu en mai 2003.
novembre 2004. Les avions ivoiriens bombardent un camp français à Bouaké: 10 morts. En représailles, les Français détruisent toute l’aviation ivoirienne. Début des émeutes et des pillages à Abidjan.
Une poudrière ethnique
Le sud du pays est plus riche que la moitié nord ; les capitales économique (Abidjan) et politique (Yamoussoukro) s’y trouvent. À l’époque où l’économie ivoirienne était florissante, les grandes exploitations agricoles du sud (ouest, centre-ouest, est et le sud littoral) et l’industrie ont fait appel à la main-d’œuvre étrangère en provenance du Burkina Faso et du Mali, et à des populations venues du nord de la Côte d’Ivoire (sénoufo, malinké, appelés communément Dioulas.)
Avec le temps, ces travailleurs et immigrants se sont massivement installés en Côte-d’Ivoire, y ont fondé des familles, ouvert des commerces, etc. Bref, ils sont devenus une partie importante de la société ivoirienne.
Au recensement de 1998, la Côte d’Ivoire comptait 26% d’étrangers. La communauté étrangère la plus importante est celle des Burkinabés (56% des étrangers) suivie des Maliens et des Guinéens. 1
Ces populations venues du nord du pays, ou du Burkina et du Mali, ayant des pratiques cultuelles et culturelles très proches, certains mauvais esprits du sud du pays les ont vite regroupées en les considérant comme des sous-hommes.
L’ivoirité au cœur de la discorde
La politique d' »ivoirité » vise à distinguer les Ivoiriens de souche (origine ivoirienne depuis au moins deux générations) des Ivoiriens dits « étrangers ». Elle instaure une hiérarchie sociale basée sur l’origine raciale des citoyens. Elle développe une hostilité à l’encontre des étrangers et des Ivoiriens musulmans du Nord.
En 1998, une loi foncière réserve le droit de propriété de la terre aux seuls «Ivoiriens de souche». Des milliers de paysans d’origine burkinabée du Nord furent expulsés.
Ce concept d’ivoirité, développé en réaction au sentiment que les étrangers sont devenus «trop nombreux», est considéré comme l’une des causes des exactions commises ces dernières années en Côte d’Ivoire.
Plus destinée à protéger le pouvoir en place qu’à unifier le pays, cette politique a fait émerger un racisme institutionnalisé qui, en une décennie à peine, a relégué nombre d’étrangers et d’Ivoiriens du nord au rang de sous-citoyens.
La constitution adoptée en juillet 2000
Le concept d’ ivoirité s’est également manifesté dans le domaine politique. C’est ainsi que l’article 35 de la Constitution de 2000 impose des conditions « ethniques » pour les candidats à l’élection pr&sidentielle.
Le candidat à l’élection présidentielle doit être […] ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine.
Il doit n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne.
Il ne doit s’être jamais prévalu d’une autre nationalité.
Il doit avoir résidé en Côte d’Ivoire de façon continue pendant cinq années précédant la date des élections et avoir totalisé dix ans de présence effective.[…]