La polémique déclenchée par la fameuse loi de février 2005 glorifiant les « bienfaits » de la présence française outre-mer (une « grosse connerie », comme a dit Chirac) portait sur son alinéa 4. Alinéa finalement retiré à la demande de l’Elysée. Mais un train peut en cacher un autre, et derrière cet alinéa litigieux figure un article 13 non moins dicté par ces mêmes organisations politiques de rapatriés d’Algérie et d’anciens membres de l’OAS. Rappelons que cet ex-mouvement terroriste compte 2 200 victimes a son tableau de chasse. Pêle-mêle : fonctionnaires et officiers loyalistes, appelés du contingent, femmes de ménage algériennes…
Signé Raffarin
Cet article 13 indemnise les ex-OAS, aimablement qualifiés, pour la circonstance, d’« exilés politiques ». Du moins les civils, puisque les chefs militaires avaient déjà recouvré leurs droits à la retraite en 1982 grâce a Mitterrand.
En clair : sur la base annuelle de 5 036 euros, cette indemnité – défiscalisée… – ira aux anciens activistes, volontiers tueurs et plastiqueurs sans uniforme, qui, en 1962, s’étaient enfuis en Argentine ou en Espagne pour échapper à la justice. C’est le cas, par exemple, de Joseph Ortiz, réfugié à Majorque entre 1962 et 1968. Le lobby Algérie française a été si efficace que le décret d’application de cet article a été signé en hâte par Raffarin dès le 26 mai 2005, quatre jours avant son départ de Matignon. Un « exilé politique », lui aussi.
L’indemnisation – « une forme d’hommage », plaisante L’Humanité (23/2) – se fera sur dossier, soumis à une commission de sept membres dans laquelle le gouvernement a nommé, comme représentant des rapatriés, l’ancien patron de bar d’Oran Athanase Georgopoulos, dit « le roi de trèfle » 1.
Amusant : cette semaine, paraît (aux éditions Tiresias) « La bataille de Marignane »2. Ce document explique comment, en 1961, Georgopoulos avait –
dans un garage », a-t-il précisé au Canard – créé secrètement la zone 3 de l’OAS oranaise, avant d’y accueillir le général putschiste Edmond Jouhaud. Après quoi il s’était enfui à Torremolinos, en Espagne : donc, s’il le souhaite, un bon candidat à sa propre indemnisation !
Ce livre implacable est signé par deux proches de victimes de l’OAS : Jean-François Gavoury, fils du commissaire assassiné chez lui à coups de couteau, en 1961, par l’un des escadrons de la mort des « Deltas » algérois ; et le Dr Ould Aoudia, dont le père figurait (en compagnie notamment de l’écrivain Mouloud Feraoun) parmi les six fonctionnaires de l’Education nationale enlevés par l’OAS, pour être alignés contre un mur et déchiquetés au fusil-mitrailleur.
Signé Frêche
Les deux auteurs racontent comment ce néorévisionnisme a progressé. Depuis l’indécrottable Georges Frêche déclarant à un congrès de rapatriés, en 1962, qu’il « pouvait comprendre les gens ayant rejoint l’OAS », jusqu’à la récente caution qu’ont apportée certains ministres et parlementaires, par leur présence à des inaugurations de monuments et stèles à la gloire des « héros » de l’OAS, de Nice à Marignane. Liste non exhaustive : Jacques Médecin, Jacques Dominati, Jean-Claude Gaudin, Renaud Muselier, Jean-Paul Alduy, etc. Sans qu’on puisse toutefois préjuger des monuments en préparation : un « Mur des disparus » à Perpignan (Alduy)3, un mémorial à Marseille (Gaudin) 4, un musée Algérie à Montpellier (Frêche)5, un cénotaphe à Cagnes-sur-Mer (Louis Nègre, UMP)…
La plupart de ces réalisations devraient être inaugurées au début de 2007. Tiens, 2007, ça nous dit quelque chose…
Serge Richard
Le sénateur Guy Fischer écrit au Premier ministre6
M. Guy Fischer appelle l’attention de M. le Premier ministre sur la nomination d’un membre de l’OAS (Organisation de l’armée secrète), bien connu pour ses activités durant la guerre d’Algérie, au sein de la commission d’indemnisation créée par l’article 13 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005. Cet article, qu’il avait déjà eu l’occasion de dénoncer lors de l’examen de la loi au Sénat, permet d’indemniser les civils de cette organisation criminelle qui avaient fui à l’étranger plutôt que de se soumettre à la justice de notre pays et sont rentrés en France après les lois d’amnistie. Si le fait de les indemniser – donc de les réhabiliter – constitue déjà un scandale, il est proprement injurieux pour les descendants des victimes de ces bourreaux de voir une telle personne devenir juge et partie au sein de la commission nationale. Un tel mépris des victimes étant incompatible avec les principes fondateurs de notre République, il lui demande de revenir dans les meilleurs délais sur la nomination de cet individu.
- Voir notre page 1160.
- Une présentation de l’ouvrage.
- Lire 746.
- Voir : 777.
- Lire 975.
Question écrite n° 22194 de M. Guy Fischer, sénateur communiste du Rhône, publiée dans le JO Sénat du 16/03/2006 – page 746.