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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Les essais nucléaires français étaient-ils quasiment inoffensifs ?

C'est la première question qui vient à l'esprit quand on prend connaissance des conclusions de la Commission d’Indemnisation des Victimes des Essais Nucléaires (CIVEN) : elle vient de rejeter 127 demandes d’indemnisation sur les 129 dossiers qu'elle a examinés. Mais ce n'est pas l'avis de l'Association Vétérans des essais nucléaires, qui se battent avec les forces qui leur restent pour obtenir une indemnisation de toutes les personnes contaminées au cours de ces essais. Ce n'est pas non plus l'avis du Docteur Christian Sueur qui met en cause, dans un article très documenté, le manque d’impartialité dont a fait preuve l'État français en confiant le suivi sanitaire des essais nucléaires au Ministère de la Défense : «Il est donc urgent de mettre en place, de façon indépendante des autorités militaires et du Service de Santé des Armées, une telle enquête scientifique, afin d’objectiver la réalité de ces pathologies génétiques transmises de façon transgénérationnelles, et de prévoir la mise en place des structures sanitaires de dépistage et de soins médico-psychologiques, et des structures médico-éducatives nécessaires pour ces enfants et leurs familles.»2

Les vétérans du nucléaire ont une santé rayonnante

Le Canard enchaîné du 24 août 2011

Les essais atomiques français, effectués entre 1946 et 1995 dans le Sahara puis en Polynésie, étaient pratiquement inoffensifs. C’est la merveilleuse conclusion du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui vient de rendre publique une première mouture de ses travaux. Bilan explosif, rapporté par Les Dépêches de Tahiti (13/8) : sur les 129 premières demandes d’indemnisation présentées par des malades, 127 ont été refusées.

Panique à la tribune

Stupeur de l’Association des vétérans des essais nucléaires, qui pensait disposer de dossiers en béton. Ainsi, celui d’un marin présent lors de nombreux tirs polynésiens entre 1970 et 1992. Au terme d’un savant calcul, le Comité, dont tous les membres sont nommés par les ministres de la Défense et de la Santé, a estimé que son cancer de l’œsophage n’avait que 0,14 % de « chances » d’être lié à ces événements. Ou ce militaire qui cumule six ans et demi de présence à Mururoa, avec six tirs au menu. La probabilité que ses deux cancers soient d’origine nucléaire n’est que de 0,13 %. Pas de bol, le seuil d’indemnisation se situe à 1 %.

Lors de la discussion de la loi Morin qui a créé, en janvier 2010, le Comité d’indemnisation, les parlementaires s’étaient pourtant refusés à imposer ce genre de calcul de probabilité liant la maladie d’un vétéran à son exposition aux essais. Seule comptait, comme dans plusieurs législations anglo-saxonnes, la présence avérée de la victime à proximité d’un tir.

Cette loi avait donné des espoirs à nombre de vétérans. En janvier 1995, Le Canard avait révélé l’indifférence de la République devant le drame vécu par beaucoup d’entre eux. Malgré de forts soupçons d’irradiation, reconnus par le ministère de la Défense. Comme dans le cas des 19 victimes d’une explosion dans une cuve de plutonium, en 1962. Ou des témoins de l’essai du 1er mai 1962 à In Ekker (Algérie). Devant l’arrivée inattendue d’un gros nuage noir et radioactif, les officiels, présents sur une tribune d’observation, avaient détalé à toutes jambes. Parmi eux, le futur Premier ministre, Pierre Messmer, ainsi que Gaston Palewski, alors ministre de la Recherche. Mort d’une leucémie en 1984, ce dernier a toujours soutenu que sa maladie était dûe à cet essai nucléaire1.

Mais, en juin 2010, le décret d’application de la loi Morin a tout changé. Il a introduit la fameuse règle de probabilité et a ajouté une liste, pour le moins restrictive, des maladies ouvrant droit au titre de victime. Naguère cité par Le Canard, Bernard Lecullée, militaire décédé à 42 ans, avait passé deux ans et demi à Reggane (Algérie), puis avait été soigné dans une cage vitrée de l’hôpital parisien Percy, aux côtés de 17 autres irradiés, comme lui, « là-bas ». Sa famille n’aura droit à rien : son cancer de la moelle épinière ne figure pas sur la liste annexée à la loi Morin.

Mensonges pour la bonne cause

« Il y a un gros enjeu financier, explique Patrice Bouveret, membre d’une association de défense des irradiés. Le gouvernement craint que des civils algériens ne saisissent le Comité d’indemnisation. Sans parler des Polynésiens. » Pourtant, ces derniers sont des plus raisonnables. Sur un total de 597 dossiers adressés au Comité, seuls 24 venaient d’Océanie.

Il est vrai qu’on ne leur a pas tout dit. Dans un récent livre-enquête, Les cobayes de l’apocalypse nucléaire, le journaliste Jean-Philippe Desbordes cite le rapport, datant de 1966, du médecin militaire Millon, présent en Polynésie : « Il sera peut-être nécessaire de minimiser les chiffres réels de façon à ne pas perdre la confiance de la population, qui se rendrait compte qu’on lui cache quelque chose depuis le premier tir. » Exact : certaines révélations peuvent faire l’effet d’une bombe.

Jean-François Julliard

Communiqué de presse de l’AVEN

Irradiations négligeables pour les Vétérans des Essais Nucléaires !

C’est à 98% la raison invoquée par la Commission d’Indemnisation des Victimes des Essais Nucléaires (CIVEN) pour rejeter 127 demandes d’indemnisations sur 129 dossiers examinés.

Seuls 2 vétérans ont été à ce jour indemnisé à hauteur de 20 000 Euros en moyenne, ce qui ne donne pas cher des années de souffrance et de vies brisées subies par de nombreux vétérans, leurs familles et les populations avoisinantes des sites d’essais au Sahara et en Polynésie.

Pas d’erreur, les « Nucléocrates » règnent encore et prouvent ainsi leurs redoutables efficacités en occultant complètement la notion de contamination et ramenant insidieusement les calculs dosimétriques, alors même que les parlementaires avaient refusé toute notion de seuil admissible pour les victimes en votant la loi Morin.

Bien évidemment l’Aven, avec son avocat, a fait appel de ces décisions scandaleuses devant les tribunaux administratifs comme le prévoit la loi.

Le 29 Aout prochain, l’AVEN participera à la «journée internationale contre les essais nucléaires » organisée par l’ONU et s’associe à l’Appel au Secrétaire général des Nations unies pour l’organisation d’une conférence internationale sous l’égide des Nations unies pour la prise en charge des sites d’essais nucléaires dans le monde et la programmation d’une décennie (2012-2021)
pour le nettoyage, la réhabilitation et le développement durable des régions concernées par les essais nucléaires dans le monde.

Nous préconisons d’offrir une paire de lunettes de vue aux membres de la CIVEN afin de leur permettre de lire l’ouvrage du ministère de la défense La dimension radiologique des essais nucléaires Français en Polynésie : A l’épreuve des faits paru en 2006, qui mentionne par exemple en toute lettre la présence de contamination à Moruroa 20 ans après la dernière explosion aérienne, soit jusqu’en 1994 au plus tôt.

Il faut en finir avec la problématique des essais nucléaires, avait déclaré Monsieur Morin il avait oublié de préciser que le but était de sortir une loi vide de sens pour réduire au silence les revendications légitimes des victimes.

L’AVEN agit pour une véritable Loi d’indemnisation incluant l’ensemble des maladies radio-induites et toutes les personnes victimes des essais nucléaires français.

Notre Action, loin de s’affaiblir, ira en s’accentuant !

Lyon, le 26 Août 2011

J.Luc Sans, Président de l’AVEN

Association Vétérans des essais nucléaires

Site internet : http://www.aven.org

Courriel : ">. Tél : 04 78 36 93 03 – 05 53 61 31 52

  1. Voir “Le bilan des essais nucléaires français en Algérie”.
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