L’intervention de la représentante de la LDH du 12e,
du représentant de la maire de l’arrondissement,
et les élus de la majorité municipale
(caméra au poing, Daniel Kupferstein)
Le bal du Souvenir et des Libertés
à la commémoration des événements du 14 juillet 1953,
Paris, Place de la Nation, 13 juillet 2019.
Mesdames, messieurs, chers amis, c’est un honneur pour la Ligue des droits de l’Homme de participer à la célébration du 14 juillet 1953, pour la seconde année consécutive, avec le soutien de la Mairie du 12° et de nombreuses organisations algériennes et françaises. Merci à vous toutes et à vous tous.
Il y a ici des historiens. Ils confirmeront, je crois, que l’histoire permet d’éclairer le présent. Alors osons comparer le passé et le présent, même si ce n’est pas simple. En 2019 on ne tire plus à balles réelles sur des manifestants pacifiques en tuant 7 personnes. Mais aujourd’hui, en France, 66 ans après les événements dramatiques que nous commémorons, la liberté de manifester est menacée. Bien des faits nous inquiètent. Prenons deux exemples.
En janvier, au début des manifestations des Gilets Jaunes, on comptait déjà officiellement 350 blessés par LBD40 (les flashballs), dont 159 blessés à la tête soit presque la moitié. Sur ces 350 blessés on comptait 40 journalistes et 10 passants. En mars, le gouvernement annonçait devant le Sénat le chiffre de 13 000 tirs de LBD contre les Gilets Jaunes et 2 200 blessés parmi les manifestants. Au même moment, la Ligue des droits de l’Homme, la CGT, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, l’UNEF et l’Union nationale lycéenne interpellaient le conseil d’Etat en ces termes : « ces armes, provoquant des dommages irréversibles aux manifestants, portent atteinte à la liberté fondamentale de manifester, à la dignité humaine […] au droit à la vie et à la protection de l’intégrité physique ». Il faut savoir que le LBD40 et ses munitions sont classés par la réglementation internationale en armes de catégorie A2 c’est à dire en matériel de guerre. Et qu’on ne vienne pas nous dire que c’est pour répondre aux casseurs. Nous condamnons sans hésitation la violence des casseurs sur des biens publics ou privés. Mais nous sommes inquiets au plus haut point de la violence policière quand elle s’exerce sur des personnes innocentes ou de façon disproportionnée.
Qu’on se comprenne bien. La police doit jouer son rôle de maintien de l’ordre public et de protection des citoyens et des biens. Mais les violences exercées par l’Etat doivent être strictement nécessaires, et proportionnées aux nécessités du maintien de l’ordre ou à l’infraction commise. C’est ce qu’exige la Cour européenne des droits de l’Homme. Or qu’en est-il dans les faits ?
Le deuxième exemple que je voudrais citer est significatif de ce point de vue. C’est ce qui c’est passé lors du rassemblement du groupe Extinction Rebellion le vendredi 28 juin, sur le pont Sully à Paris. La trentaine de manifestants pacifiques assis sur la chaussée ont été abondamment aspergés de gaz lacrymogène à bout portant avant d’être trainés sur le sol sans ménagement. Leur seul tort : avoir bloqué la circulation des voitures sur un pont.
La Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France ont créé récemment un Observatoire parisien des libertés publiques, qui était sur les lieux le 28 juin et a conclu à un « recours excessif et disproportionné à la force » par la police. Peut-être avez vous vu les images de ces policiers qui aspergeaient tranquillement de gaz de jeunes manifestants comme s’ils aspergeaient d’insecticide des cancrelats. Et il faut savoir que les bombes lacrymogènes d’une capacité supérieure à 100 ml sont classées par le Code de la sécurité intérieure comme armes de catégorie B, c’est-à-dire dans la même catégorie que les armes à feu de poing, les pistolets et les revolvers.
Peut-être pensez-vous que je noircis le tableau. Mais regardons bien. Aujourd’hui, beaucoup – beaucoup de manifestations, même pacifiques et apaisées, voient l’intervention violente de la police. C’est ce qui s’est passé y compris le 1° mai contre les syndicalistes et leurs dirigeants, en dehors de tout incident.
La Ligue des droits de l’Homme s’interroge sur la stratégie de maintien de l’ordre de l’Etat français depuis quelques années. Elle s’inquiète de l’utilisation quasi systématique de la force, d’une façon excessive et disproportionnée, qui porte atteinte à la liberté de manifester.
Mesdames, messieurs,
Commémorer les événements du 14 juillet 1953 c’est rappeler avec force que la liberté de manifestation est un droit fondamental. Non seulement en France et en Algérie, comme le peuple algérien le fait en ce moment chaque semaine, mais aussi dans le monde entier. C’est le droit de se lever dans la dignité, de dire j’existe, mon pays existe, mon peuple existe.
Et nous avons des droits. Souvenons nous toujours de ces manifestants algériens qui défilèrent ici Place de la Nation en 1953 et de ceux qui tombèrent sous les balles de la police.
Restons actifs et vigilants.
Je vous remercie de votre attention.
Jean-Luc Deryckx, pour la Fédération de Paris de la LDH.
La table ronde et la projection
L’intervention de Guy Lurot
Quatorze juillet 1953. J’avais 17 ans. Quatorze juillet 2019. Entre ces deux dates, 66 années ont passé…
Comme le chantait Léo Ferré, avec le temps tout passe, « avec le temps tout s’en va » et on oublie…
Pour moi, rien n’est passé, rien n’est parti et je n’ai pas oublié ce jour de 1953 où les pavés de la place de la Nation furent rougis par le sang de sept morts et de centaines de blessés, Français de France et d’Algérie massacrés par une police parisienne aux ordres de gouvernants qui n’avaient pas compris que l’époque des colonies, c’était fini. Honte et malédiction sur eux.
Ce soir, à nouveau, je tiens à rendre un vibrant hommage à toutes ces victimes de la barbarie aveugle, venues ici pour chanter et dire leur envie de vivre libre.
Je tiens à rendre un hommage particulier à un homme que je connaissais bien, un Ardennais, membre du parti communiste et secrétaire d’un syndicat CGT de la métallurgie, il était, ce jour-là, au pied de la tribune officielle pour sa protection.
Il n’a pas hésité à se mettre devant les forces de l’ordre, leur demandant d’arrêter de tirer… Un policier l’a froidement tué d’une balle au cœur, tirée à bout portant.
Il avait 40 ans… et laissa une veuve et trois enfants, dont une fille de 20 ans et deux fils de 17 et 13 ans.
Il s’appelait Maurice Lurot, c’était mon père. Pour beaucoup, ce fut un héros, pour nous c’était « papa ».
Honoré de Balzac disait : « De toutes les semences données à la terre, c’est le sang des martyrs qui fait lever les plus riches moissons ». Alors, soyons fiers d’être le fruit de ces moissons.
Le moment est venu de laisser la tristesse. Aujourd’hui, et demain, c’est jour de fête. Amusez-vous… dansez !
Guy Lurot.
L’intervention de Nathalie Thehio,
avocate,
représentante de
l’Observatoire parisien
des libertés publiques
sur la question des violences récentes
de la police française.
L’appel à la solidarité
avec le mouvement démocratique en Algérie
Un représentant de l’Association pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA) a appelé au soutien au mouvement en cours en Algérie et à la signature de l’appel :
Halte à la répression du peuple algérien. Pour le respect des droits de l’homme et les libertés.
publié par Mediapart, Maghreb émergent, l’Humanité, El Watan…
">Signatures sur le site de l’ACDA.
Le bal
Voir sur ce site :
• 14 juillet 1953 : répression coloniale, place de la Nation
• Daniel Kupferstein et le massacre du 14 juillet 1953
• Première reconnaissance officielle du massacre d’Algériens à Paris, le 14 juillet 1953
• 65 ans après la fusillade colonialiste à Paris, place de la Nation,
Un bal populaire pour commémorer les balles
• Un bal pour le souvenir et l’actualité le 13 juillet 2019 place de la Nation à Paris