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Édition du 1er au 15 novembre 2024

les deux principaux candidats à l’élection présidentielle et la reconnaissance du drame des harkis

Dans une lettre aux associations de harkis en date du 5 avril 2012, François Hollande s’est engagé « à reconnaître publiquement les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis, le massacre de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil des familles transférées dans des camps en France ». Quelques jours plus tard, à Perpignan, Nicolas Sarkozy s'est contenté de reconnaître la «responsabilité»" de la France dans «l’abandon» des harkis1. Un certain nombre d'associations de harkis n'ont pas caché leur déception devant cette reconnaissance qu'ils jugent «incomplète et relative». Fatima Besnaci-Lancou, présidente de l'association Harkis et droits de l'Homme, évoque de son côté le «caractère purement électoraliste du discours de Perpignan».

Lettre de François Hollande

Paris, le 5 avril 2012

Madame, Monsieur,

J’ai eu l’occasion, dans une tribune récemment publiée dans El Watan et Le Monde, d’aborder le travail de mémoire que la France m’apparaît devoir mener sur son passé commun avec l’Algérie. J’y évoque la question des Harkis, de la dette morale que notre pays a envers eux. La mémoire des Harkis est une mémoire vive et souffrante. Elle impose à la France un retour sur elle-même et sur son histoire.

Comme je m’y suis engagé, si le peuple français m’accorde sa confiance, je m’engage à reconnaître publiquement les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des Harkis, le massacre de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil des familles transférées dans des camps en France.

Au-delà de cette reconnaissance tant espérée et tant attendue, que l’actuel président sortant a refusé d’accomplir, je veux ici vous faire part de mon intention d’assurer aux Harkis et à leurs descendants la reconnaissance de la République.

Cela passe d’abord par l’attention portée à la réussite des enfants et petits-enfants de Harkis. Toutes les discriminations sont insupportables et doivent être combattues. Mais que dire de celles qui touchent les descendants de ceux qui se sont battus pour la France ?

Cela passe ensuite par une solidarité renforcée. A cette fin, une réforme de la mission interministérielle aux rapatriés et du Haut Conseil aux Rapatriés sera engagée dès ma prise de fonction.

Enfin, à propos du travail de mémoire que nous engagerons, je donnerai sa juste place à l’histoire et à la mémoire des Harkis, dans les programmes scolaires, dans les sites mémoriels et dans les centres de recherches. Les Harkis et leurs associations, devront également trouver toute leur place dans la Fondation sur la guerre d’Algérie.

La France se grandit en reconnaissant ses fautes. La France du XXIème siècle que je souhaite construire avec tous les Français a besoin d’une mémoire apaisée. Elle a besoin des Harkis et de leurs descendants.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sincères salutations.

François Hollande

M. Sarkozy reconnaît la « responsabilité » de la France dans « l’abandon » des harkis

par Elise Vincent, Le Monde daté du 17 avril 2012

Finalement, il l’a fait. A huit jours du premier tour de la présidentielle, cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie et cinq ans après l’avoir promis, Nicolas Sarkozy a reconnu, samedi 14 avril dans une petite salle en parquet ciré de la préfecture de Perpignan, la « responsabilité historique » de la France dans « l’abandon » des harkis.

Ces derniers, natifs d’Algérie avaient combattu avec les troupes françaises, avant d’être pourchassés et massacrés après l’indépendance, du pays en 1962, car considérés comme des traîtres.

« La France se devait de protéger les harkis de l’Histoire. Elle ne l’a pas fait. C’est cette responsabilité que je suis venu reconnaître », a déclaré le chef de l’Etat.

Un peu plus tôt, M. Sarkozy s’était rendu à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), une commune située à quelques kilomètres de Perpignan. Au bout d’un chemin en terre, à l’écart d’un champ d’éoliennes, se trouvent toujours, à l’abandon, les vestiges d’un camp où ont été parqués, à partir de 1962 – et jusqu’au milieu des années 1970 – plusieurs dizaines de milliers de harkis. Pour différentes raisons (notamment sécuritaires), la France ne souhaitait pas, alors, encourager leur « intégration ».

“C’est un peu tard mais c’est bien”

Sur cette plate étendue de garrigue balayée par la tramontane, nichée dans une région électorale stratégique du Front national, le chef de l’Etat est venu déposer une gerbe de fleurs. Pour l’occasion, il s’était adjoint la compagnie de deux figures symboles de la « diversité » : la secrétaire d’Etat à la jeunesse et à la vie associative, Jeannette Bougrab, et la présidente de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ), Salima Saa. Deux filles de harkis.

Depuis le geste surprise de M. Sarkozy, les réactions des représentants locaux des harkis sont mitigées, partagées entre satisfaction et regrets de la visée « électoraliste » de l’annonce. « C’est un peu tard, mais c’est bien. Cela aurait été juste un peu mieux il y a un an, plutôt qu’à quelques jours de l’élection », commente ainsi Mohamed Bounoua, 76 ans, président d’une association de harkis à Perpignan, et qui a vécu quatre ans dans le camp de Rivesaltes.

Djelloul Mimouni, le président de l’une des plus grosses associations de harkis de la région, l’AJIR 66, et membre du collectif Nord-Sud, qui regroupe une soixantaine d’associations à travers la France, se montre aussi très réservé. Début avril, il faisait partie d’une délégation reçue par François Hollande, et il a boycotté la visite du président à Rivesaltes.

“Dette morale”

Pour lui, M. Sarkozy n’a reconnu la responsabilité de la France que de façon « incomplète et relative ». M. Mimouni regrette notamment que seul « l’abandon » des harkis ait été reconnu, et non pas aussi les « massacres » dont ils ont été victimes. « Ce n’est pas la même chose pour ouvrir la voie à des compensations matérielles », pointe-t-il. Dans un communiqué rédigé dimanche 15 avril, il appelle à voter pour M. Hollande.

« Une page sombre de l’histoire de France se tourne. (…) Il n’est jamais trop tard pour bien faire », estime toutefois Amar Meniker, président du collectif Génération harkis. « On a perdu un certain nombre de nos vieux mais pour le peu qui reste, c’est quand même bien », commente Albert Pelican, président de la Coordination nationale des rapatriés.

C’est que, samedi, dans son discours, le chef de l’Etat a aussi lâché sur un point de friction de longue date avec les harkis : la participation de l’Etat au mémorial du camp de Rivesaltes. Depuis plus de dix ans, le terrain est abandonné aux pousses de thym sauvages et aux oliviers. Un bras de fer oppose l’Etat aux conseil général et au conseil régional (socialistes) qui ne veulent pas prendre seuls à leur charge les 25 millions d’euros du projet. M.Sarkozy a également promis la construction d’un « monument national » à Paris.

Après son intervention, le chef de l’Etat a repris ses habits de candidat pour participer à un meeting à Bompas, une commune proche de Perpignan. Et devant 2 500 militants environ, il a immédiatement cherché à relativiser ses annonces en déminant ce mot qu’il hait tant de « repentance ». « La repentance, c’est s’excuser (…), ici, j’ai voulu dire que la France avait une dette morale », a-t-il indiqué.

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