Les crânes oubliés de la conquête de l’Algérie
« … Un plein baril d’oreilles… Les oreilles indigènes valurent longtemps dix francs la paire et leurs femmes, demeurèrent comme eux d’ailleurs, un gibier parfait… »
C’est en ces termes choisis qu’un général français racontait les exploits de ses troupes pendant la guerre de conquête de l’Algérie.
« … Tout ce qui vivait fut voué à la mort… On ne fit aucune distinction d’âge, ni de sexe… En revenant de cette funeste expédition plusieurs de nos cavaliers portaient des têtes au bout de leurs lances… »
Vous êtes sans doute déjà allé visiter le musée de l’Homme, place du Trocadéro à Paris… Mais les souterrains, avez-vous déjà pensé aux souterrains ? Dans les caves du musée de l’Homme, il y a des crânes, des murs de crânes !
18 000 crânes entreposés les uns à côté des autres, conservés, classés, répertoriés. Sur les étiquettes, on lit :
« Bou Amar Ben Kedida, crâne n°5 943. Boubaghla, crâne n°5 940. Mokhtar Al Titraoui, crâne n°5 944. Cheikh Bouziane, crâne n°5 941. Si Moussa Al Darkaoui, crâne n°5 942. Aïssa Al Hamadi, lieutenant de Boubaghla, tête momifiée n°5 99…
»
Ils sont trente-sept Algériens au total.
Les crânes de ces Algériens décapités pendant la conquête coloniale furent longtemps exhibés comme des trophées de guerre. Ils témoignent de la résistance tenace opposée, dès 1830, à la colonisation. Comme à Zaatcha, une oasis du sud-est algérien, théâtre, en 1849, d’un massacre colonial d’une rare barbarie…
Remisés dans les collections du Muséum national d’Histoire naturelle, jamais réclamés par l’Algérie, ces restes mortuaires sont tombés dans l’oubli. L’historien et anthropologue Ali Belkadi en a retrouvé la trace en 2011 et depuis, une pétition réclame leur retour au pays natal… Retour sur une histoire peu transmise et mal connue…
Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme