Le couple, âgé d’une trentaine d’années, devait se marier le 6 septembre, ont indiqué leurs avocats, Me Magali Bottemer du Barreau de Toulon et Me Gilles Devers de celui de Lyon, confirmant une information de Var-Matin. Mais la troisième adjointe du maire a refusé de marier ces deux personnes en raison du voile que portait la femme, a expliqué l’avocate. «Le foulard laissait voir son visage mais pas ses oreilles et la racine de ses cheveux», a-t-elle ajouté. Selon elle, l’adjointe a estimé ne pas pouvoir vérifier l’identité de sa cliente.
«On n’en fait pas une affaire d’Etat», a déclaré l’avocate, qui souligne que ses clients ne demandent pas de dommages-et-intérêts mais simplement «la célébration du mariage le plus vite possible». Elle avait déposé à la fin de la semaine dernière un référé d’heure à heure à l’encontre du préfet. La mairie de la Seyne indiquait mardi matin qu’il n’y avait pas eu refus de mariage, mais ni le préfet du Var ni la municipalité ne souhaitaient s’exprimer avant le jugement.
Lors de l’audience qui s’est tenue mardi matin, Me Gilles Devers a déclaré que le visage de la jeune femme était visible : « Dans son refus de prononcer l’union de mes clients, l’élue n’a pas émis de doute quant à l’identité de la jeune femme», ce qui aurait pu justifier sa décision si les éléments de doute étaient sérieux, mais «elle a invoqué sa vision de la laïcité». «Un doute sur l’identité doit reposer sur des éléments tangibles, et notamment par référence aux documents d’identité » a-t-il ajouté, avant de préciser que la phase préparatoire permet d’apprécier ce doute. Mais « un officier d’état-civil ne peut refuser de prononcer un mariage et doit en appeler au procureur de la République.»
La commune de La Seyne n’était pas directement assignée dans cette affaire, mais elle était représentée par Me Mohad Bourouis. L’avocat a déclaré que « la loi ne dit rien de spécial sur le port du voile. Par contre, elle impose que l’identité des personnes puisse être vérifiée, ce qui n’a visiblement pas été le cas. Il faut aussi que l’officier d’état-civil puisse vérifier la réalité du consentement. Là encore, certains éléments laissaient planer le doute. Il n’y avait pas d’ambiance de fête.» Il a ajouté qu’il n’y avait pas eu refus de mariage car « les [ex]futurs époux avaient renoncé à se marier.»
Le TGI donne raison à l’élue ayant refusé de marier une femme voilée
[AFP – 21 septembre 2012] – Le tribunal de grande instance (TGI) de Toulon a donné raison vendredi à l’adjointe au maire de la Seyne-sur-Mer (Var) qui avait refusé de marier un couple dont la fiancée portait un voile, selon l’ordonnance dont l’AFP a obtenu copie.
Le tribunal, statuant en référé, a estimé que « la preuve d’un trouble manifestement illicite [n’était] pas rapportée ».
« Dans la mesure où le port d’un voile dissimule le visage, même pour partie, d’un des futurs époux et ne permet pas à l’Officier d’état civil de s’assurer de façon certaine de l’identité de celui-ci, il ne peut lui être reproché de refuser de célébrer le mariage faute de pouvoir recueillir valablement les consentements nécessaires », selon le jugement.
L’avocat du couple, Me Gilles Devers, a annoncé dans un communiqué à l’AFP son intention de former immédiatement appel devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
« L’opposition formée par l’adjointe était fondée sur la laïcité, et cet argument du doute sur l’identité n’est apparu que devant le tribunal, comme une roue de secours. En l’occurrence il n’y a aucun élément de doute sur l’identité, chez ce couple », a souligné l’avocat.
Me Devers, dont les clients ne demandaient pas des dommages et intérêts mais que la célébration de leur mariage ait lieu « le plus vite possible », a rappelé que le fiancé était né dans la commune, que la fiancée y vivait depuis trente ans et que les enfants du couple allaient à l’école publique.
« Demander de retirer le foulard au moment de la cérémonie est illégal et discriminatoire, et répond à des conceptions très erronées de la laïcité », a ajouté l’avocat, évoquant une « question de liberté fondamentale ».
Me Mohad Bourouis, l’avocat de la mairie, a déclaré pour sa part à l’AFP qu’il « serait sage d’en rester là ». Plusieurs femmes voilées ont déjà pu célébrer leur mariage à la Seyne-sur-Mer après avoir accepté de dégager leur visage quelques instants, selon lui.
Le couple, âgé d’une trentaine d’années, devait se marier le 6 septembre mais ce jour-là, la troisième adjointe au maire socialiste de la ville […] avait refusé de les déclarer mari et femme en raison du voile que portait la fiancée.
« Le foulard laissait voir son visage mais pas ses oreilles et la racine de ses cheveux », avait expliqué mardi à l’AFP l’avocate du couple, Me Magali Bottemer.
La justice se penche sur l’union non célébrée à La Seyne
La préfecture et la mairie contestent tout sentiment antireligieux derrière le refus d’une élue de célébrer le mariage d’un couple de Français musulmans
L’audience s’est tenue en l’absence de Saad et Myriam1, qui ont le sentiment d’avoir été « humiliés » le jour de leur mariage (lire ci-dessous). Les deux Seynois, de confession musulmane, ont assigné l’État devant le tribunal de grande instance (TGI) pour faire annuler le refus de la célébration de leur union. Hier, l’avocat du couple, le représentant de l’État et la Ville ont opposé leurs arguments devant le juge François Rachou, président du TGI de Toulon.
La question centrale repose sur la raison qui a poussé l’adjointe au maire à ne pas célébrer le mariage des deux Seynois. Le 6 septembre à La Seyne-sur-Mer, la conseillère municipale […]2, qui devait sceller l’union au nom de la République, a demandé à Myriam de découvrir le haut de sa tête. La jeune femme portait un jilbeb violet : une longue tenue
qui masque les cheveux, les oreilles et le menton jusqu’aux chevilles. Mais pas le visage. La jeune femme ne s’est pas pliée à l’injonction de la troisième adjointe au maire. Le ton est monté et le couple a claqué la porte de la salle des mariages.
Une atteinte aux libertés?
Me Gilles Devers
3, avocat de Saad et Myriam, estime que l’exigence municipale équivaut à «un refus verbal » qui porte atteinte à des libertés : celle, « fondamentale », de se marier, et celle, « garantie par la loi sur la laïcité », de pratiquer la religion de son choix. « Le visage est visible, on n’est pas dans le cas de la loi sur le voile intégral »,
a-t- il tenu à préciser. Or selon le témoignage manuscrit d’un agent administratif cité par Me Gilles Devers, « l’adjointe a demandé à voir les oreilles et un peu plus de front en précisant qu’il s’agissait d’un mariage civil et non religieux ».
Constater l’identité de l’épouse
De son côté, la préfecture considère que le refus de célébrer l’union n’est pas caractérisé. « En quittant la salle, les requérants ont renoncé au mariage. Leur décision a placé l’officier de l’état civil dans l’impossibilité de le prononcer. » Et d’écarter toute motivation à caractère religieux : «[L’adjointe] a demandé à écarter le voile afin de constater l’identité de l’épouse. » Me Mohad Bourouis, aux intérêts de la commune, a même assuré qu’un signalement avait été fait au parquet de Toulon, non représenté hier. Le juge dés référés rendra sa décision après-demain.
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Myriam et Saad : « Notre mariage a été pris en otage»
Le couple considère qu’il a été victime d’un excès d’autorité de la part de l’élue, qui a posé un préalable à la célébration de leur mariage dans la mairie de La Seyne-sur-Mer.
Joints par téléphone hier soir, Saad et Myriam ont accepté de livrer leurs sentiments sur cette affaire à condition que leur anonymat soit respecté pour « protéger [leur] famille », notamment leurs enfants.
- Comment avez-vous vécu le jour de votre mariage?
Saad : C’est un jour particulier, un jour heureux qui s’est transformé en cauchemar. L’élue a refusé de nous marier sous couvert de la charte locale sur la laïcité [un règlement adopté en 2007, Ndlr].
Myriam : Elle a dit que ma tenue n’était pas appropriée à la salle de mariage, qu’il fallait que l’on voie mes oreilles et mes cheveux… Je me suis sentie humiliée.
Saad : Nous avons des convictions personnelles et on y tient. On s’est senti agressé, pris en otage.
- Comment avez-vous réagi?
Saad : C’est vrai que je me suis mis en colère, mais c’était quand même le jour de notre mariage. Je lui ai dit que la loi concernait le port du voile intégral; ma femme n’en portait pas. Mais elle n’a rien voulu entendre… C’était comme si on avait fait quelque chose de mal, alors qu’on venait se marier. Nous avons été très touchés, très déçus, alors on est parti sans céder au chantage. On savait que l’on était dans notre droit.
- La partie adverse évoque des difficultés pour vous identifier
Saad : Elle était facilement identifiable. Elle était voilée de la même manière lors des formalités et on ne nous a rien dit. Si l’adjointe nous avait demandé tranquillement de voir les cheveux de ma femme, elle aurait pu les voir à part…
- Un doute sur le consentement a été avancé…
Myriam : C’est un procès d’intention insupportable. Ce n’est pas parce que l’on se marie en comité restreint qu’il n’y a pas de consentement.
- Au fond, quel est le sens de votre démarche?
Saad : Faire un procès pour pouvoir se marier, ce n’est pas vraiment une expérience positive.
Myriam : Mais il s’agit aussi d’une affaire qui peut arriver à d’autres. Si on entre dans cette logique, c’est la porte ouverte à beaucoup de dérives, comme interdire le mariage aux hommes qui portent la barbe, par exemple … Il ne faudrait pas que l’on interdise le mariage aux Français de confession musulmane.
- Les prénoms ont été modifiés à leur demande.
- Au sortir de l’audience l’adjointe au maire n’a pas souhaité faire de commentaire.
- Après des recherches sur Internet, le couple de Seynois a fait appel à Maître Gilles Devers du barreau de Lyon, qui défend un autre couple dont la femme avait accepté d’ôter son voile pour se marier.