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Édition du 15 janvier au 1er février 2025
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Le témoignage de François Cerutti, pied-noir devenu pied-rouge

Les Éditions Spartacus publient une réédition augmentée du livre de François Cerutti, « fils de pieds-noirs de vieille souche, insoumis pendant la guerre d'Algérie, partisan de l'autogestion, engagé dans toutes les batailles où s'affirme le désir de liberté », comme le rappelle Mohammed Harbi. C'est le récit du parcours et de l'expérience, y compris en Mai 68 à Paris, d'un insoumis qui n'a jamais abandonné le combat pour « changer ce monde ». On en lira ci-dessous la présentation de l'éditeur, l'avant-propos de Mohammed Harbi et la table des matières.

Présentation de l’éditeur

Ceux qui, dans les années 1960 et 1970, ont cru à l’effondrement du vieux système d’exploitation et d’oppression n’ont pas tous sublimé leur révolte et accepté de se couler dans les institutions. Né à Alger en 1941, François Cerutti a rapidement rejoint ceux qui, en France, ont milité pour l’indépendance de l’Algérie. Pour lui, la révolte des peuples colonisés contre la domination criminelle des colonisateurs était un signe de l’imminence du renversement de la société bourgeoise. Insoumis, il part pour le Maroc. Vivant à Alger de 1962 à 1965, il y travaille dans une entreprise autogérée. Avec un petit groupe de membres de la IVe Internationale, il milite pour la consolidation du secteur autogéré face à la volonté de mainmise toujours plus forte du FLN et du gouvernement sur celui-ci.

En 1965, le coup d’État de Boumediene le fait rentrer en France, où l’armée l’oblige à faire le service militaire auquel il s’était soustrait. Il s’y heurtera à la bêtise et à la vindicte de l’institution, qui l’enverra pour quelques mois en prison. Mai 68 le trouve aux premières loges, puisqu’il habite au Quartier latin et y travaille dans une librairie militante, vouée à la critique du léninisme et des régimes qui s’en réclament.

Dans les locaux de l’université de Censier, avec le Comité d’action travailleurs-étudiants du quartier, il participe à la création et aux activités du Comité interentreprises. Dans cette nouvelle édition, il décrit comment celui-ci, rassemblant plus d’une centaine de personnes, a commencé à coordonner des dizaines de comités d’action d’entreprises de la région parisienne, dans la perspective de l’extension des grèves avec occupation active et de la prise en charge des activités nécessaires à la vie quotidienne de la population. Surtout, le mouvement de Mai renforce sa conviction que « le monde va changer de base » et que les vieilles organisations du mouvement ouvrier, piliers de l’ordre existant, devront être balayées.

Le récit de ce cheminement qui, d’un « pied-noir » fera un « pied-rouge », d’un révolté un révolutionnaire, c’est aussi celui de rencontres, d’actions militantes, de réflexions qui ont influencé toute une génération, dont une partie continue à affirmer, comme François Cerutti : « La nécessité de changer ce monde est de plus en plus évidente et urgente. »

François Cerutti, D’Alger à Mai 68, mes années de révolution, avant-propos de Mohammed Harbi, Spartacus, avril 2018, 190 p., 13 €.

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Avant-propos, par Mohammed Harbi

« Toute voix singulière dérègle le discours historique ; c’est celle de toute personne ordinaire qui fracture le cours actuel des événements par ses mots et ses attitudes . » Ces propos d’Arlette Farge illustrent à merveille le parcours et l’expérience de François Cerutti, fils de pieds-noirs de vieille souche, insoumis pendant la guerre d’Algérie, partisan de l’autogestion, engagé dans toutes les batailles où s’affirme le désir de liberté.

Sa participation aux événements de Mai 68 nous livre la ligne d’action du militant qu’il est. L’édification de mini-barricades pour gêner la circulation des policiers lui inspire ces réflexions : « Pour nous qui sommes comme des poissons dans l’eau et qui connaissons tous les visages des “révolutionnaires” du Quartier latin, notre étonnement est au plus fort. Ces jeunes, on ne les avait jamais vus. Fallait-il que tous les “spécialistes” de la révolution soient éliminés de la scène pour que se libère leur énergie ? » Autrement dit, la démarche radicale n’émerge pas à partir d’un système de procédures et d’institutions délibératives visant le consensus, mais à travers une expérience d’auto-émancipation du grand nombre à l’épreuve d’un incendie, d’une crise sociale de grande ampleur. Comme d’autres révolutionnaires, François Cerutti pense qu’un ordre peut sortir du désordre. On ne le prendra pas à faire le procès des tumultes et des conflits, à l’instar de ces nationalistes algériens qui, après avoir sacralisé par le verbe le peuple algérien, se sont empressés de le crucifier une fois le pouvoir acquis.

Nous vivons aujourd’hui des temps où nous devons nous interroger sur l’origine de la domination à la fois du côté des maîtres et des dominés. C’est à ce prix que naîtra un monde où « les savoirs et le pain seraient partagés, une société se dotant d’institutions de pouvoir basées sur la responsabilité ». Ce vœu de François Cerutti, qui est aussi celui des damnés de la terre, dépend de notre capacité à résister aux sirènes du capital pour le subvertir un jour.

Table des matières


Avant-propos de Mohammed Harbi
1. Choisir son camp
2. Auxiliaire de la Révolution mondiale
3. Paranoïa chez les galonnés
4. Bien creusé, vieille taupe !
5. Vers un conseil ouvrier du Grand Paris ?
6. La crise n’était pas finale
Annexes
La Commune de Paris : quelques leçons d’une insurrection passée pour une in-surrection future (1970)
Le mouvement communiste, n° 1 (1972)
Extraits de Les jeunes au boulot (1973)

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