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le Quotidien d’Oran : l’OAS a-t-elle vaincu De Gaulle ?

L'éditorial du 19 juin 2005 par M. Saâdoune.

A Marignane, un maire passé de l’extrême droite à l’UMP, parti du président Jacques Chirac, a autorisé l’élévation d’une stèle à la mémoire des hommes de l’OAS qualifiés de «combattants morts pour l’Algérie française». Date inaugurale, le 6 juillet, le jour où fut exécuté, après un procès, Roger Delguedre, chef des sinistres commandos Delta de l’OAS qui ont assassiné des milliers d’Algériens mais aussi des Français.

En France, cette insulte aux victimes et à la justice françaises soulève l’indignation de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), du MRAP et du Collectif des historiens contre la loi du 23 février 2005. Ils dénoncent, à juste titre, une «forme déguisée de réhabilitation du colonialisme, voire une sorte de repentance subrepticement imposée à la nation».

Il ne faut pas tourner autour du pot: c’est bien une stèle en l’honneur des assassins, à la gloire de tueurs racistes, intimement convaincus de la supériorité de la «race», qui est en passe d’être érigée. Ces fascistes de la droite extrême, nostalgiques de l’Algérie française, poussent de toute évidence jusqu’à la caricature l’esprit de la loi du 23 février enjoignant aux historiens d’enseigner le «rôle positif» du colonialisme. On est passé d’une loi d’amnistie qui a «clos» le dossier des «évènements d’Algérie» à une loi qui le rouvre en clouant littéralement le bec aux historiens: c’était positif, point à la ligne !

Les assassins de l’OAS prennent leur revanche: la République, après les avoir condamnés, plie. De Gaulle avait tort, les Salan et Argoud avaient raison ! Dans certaines régions de France, la frontière entre l’extrême droite et la droite républicaine est devenue très floue, inexistante même. Les thèmes de l’extrême droite essaiment et s’imposent. Les calculs électoraux faisant le reste, on choisit de flatter la bête dans le sens du poil.

Ce serait en effet erroné de séparer cette entreprise de réhabilitation rampante du colonialisme du souci, partagé même par la gauche, de glaner les voix des rapatriés d’Algérie. L’insupportable négationnisme s’affiche sans la moindre gêne et, désormais, avec les commémorations autour de l’OAS, on passe à un cran de plus, vers la glorification du meurtre, vers la transformation des assassins en victimes.

Dans le cadre de la République française, l’OAS était une organisation terroriste. Elle ne l’est déjà plus, en attendant qu’elle reçoive l’onction morale avec un statut d’organisation de résistants et de défenseurs de «l’oeuvre française» chez les «barbares». Ce n’est pas inéluctable, mais dans une France en crise – le référendum sur la constitution européenne a montré l’énorme décalage entre les citoyens et la classe politique -, les politiques pourraient être tentés de regarder ailleurs, voire d’accompagner cette réhabilitation de l’OAS.

Les responsables algériens, qui ont constamment choisi le profil bas dans ces débats français sur l’histoire, ont une raison supplémentaire de ne pas les déserter. La ficelle de Marignane est trop grosse !

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