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Édition du 1er au 15 décembre 2024

Le président Macron
a reçu des « pieds-noirs »
rapatriés d’Algérie

Le président Macron a rencontré le 26 janvier 2022 au Palais de l’Élysée des représentants de rapatriés d'Algérie, dans le cadre de ce qu'il a défini comme un « travail d’apaisement de toutes les mémoires blessées de la guerre d’Algérie ». Il est revenu sur la fusillade de la rue d’Isly à Alger, le 26 mars 1962. Ci-dessous son intervention, la réaction du journaliste et historien Pierre Daum sur France 24 et l'article publié par le quotidien La Croix à ce sujet. Ainsi que les communiqués de l'Association des pieds-noirs progressistes et de leurs amis (ANPNPA), de l'Association des amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons et de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO).

Discours du président de la République
aux représentants des rapatriés


texte du discours du president de la republique aux representants des rapatries
macron_daum.png

L’interview de Pierre Daum,
journaliste et historien spécialiste du passé colonial français

le 26 janvier 2022

Voir sur France 24




La Croix : Macron exprime la « reconnaissance »
de la France aux pieds-noirs

AFP Source Emmanuel Macron poursuit ses efforts pour « apaiser » les mémoires de la guerre d’Algérie avec un geste fort adressé aux pieds-noirs mercredi, à l’approche du 60e anniversaire de la fin de ce conflit qui continue à diviser les Français. Dans un discours à l’Elysée, le chef de l’Etat a exprimé « la reconnaissance » de la France envers les rapatriés d’Algérie et reconnu deux « massacres » qui se sont produits après la signature des accords d’Evian du 19 mars 1962. Il a ainsi qualifié d’« impardonnable pour la République » la fusillade de la rue d’Isly à Alger, dans laquelle des dizaines de partisans de l’Algérie française furent tués par l’armée le 26 mars de cette année-là. « Ce jour-là, les soldats français déployés à contre emploi, mal commandés, ont tiré sur des Français (…) Ce jour-là ce fut un massacre », a-t-il déclaré, ajoutant que « 60 ans après » ce « drame passé sous silence », « la France reconnaît cette tragédie ». Il a précisé que « toutes les archives françaises sur cette tragédie pourront être consultées et étudiées librement ». Evoquant la « surenchère atroce d’insécurité et de violence », « d’attentats et d’assassinats » qui scandèrent la fin de la guerre d’Algérie, M. Macron a également exhorté à reconnaître et « regarder en face » le « massacre du 5 juillet 1962 » à Oran, qui toucha « des centaines d’Européens, essentiellement des Français ». « Ce massacre doit être regardé en face et reconnu », a-t-il tranché. « La vérité doit être de mise et l’Histoire transmise », a insisté le chef de l’Etat, sans faire allusion aux autorités algériennes. « Un discours ne règle pas 60 années d’injustices (…) Mais je voulais qu’aujourd’hui, quelques mots viennent apporter la reconnaissance sur des drames sur lesquels la République ne s’était jamais exprimée », a-t-il ajouté. Et désormais « le chemin qu’il nous revient de faire est celui de cette réconciliation » avec la communauté des pieds-noirs, forte de cinq à six millions de personnes en France.

« Fiers d’être pieds-noirs »

Son discours a été écouté avec gravité par une centaine de personnes dans la salle des fêtes de l’Elysée, dont des rapatriés, comme le réalisateur Alexandre Arcady et l’actrice Françoise Fabian, des descendants, des historiens comme le spécialiste Benjamin Stora, et trois maires de villes du sud de la France ayant accueilli nombre d’entre eux en 1962. « Les mots du président m’ont touché. Je l’ai trouvé honnête, sincère. Nous, les pieds-noirs, on a besoin d’entendre de telles paroles (…) que nous n’avions jamais entendues », a réagi le maire de Béziers Robert Ménard, né à Oran il y a 68 ans et soutien de Marine Le Pen à la présidentielle. Pour Christian Estrosi, maire ex-LR de Nice, Emmanuel Macron a utilisé « les mots qu’il fallait » et les pieds-noirs vont lui en être « reconnaissants ».



Le communiqué de l’Association des pieds-noirs progressistes
et de leurs amis (ANPNPA)


Notre association était de la liste des associations de « rapatriés » invitées à la rencontre avec le président Macron de mercredi dernier 26 janvier à l’Elysée. Elle était composée de Michèle Haensel, Marcel Borg, Gérard Chambon, Jacki Malléa et Jacques Pradel (Julie Laures, Elisa Pradel et Bernard Zimmermann n’ont pas pu nous rejoindre). Il n’y a pas eu d’intervention des représentants d’associations, aussi celle que nous avions prévue n’a pas été faite devant l’assemblée. Après son discours, Macron a rejoint la foule pour des discussions individuelles ; il a fallu se frayer un chemin… Dans son discours le président n’a abordé aucune question de fond sur l’histoire de la France en Algérie : Rien sur la nature de la colonisation, sinon que les Européens d’Algérie étaient une mosaïque venue des quatre coins de l’Europe, et « où il n’y avait pas que des méchants » rien sur la guerre, sinon la fusillade et les morts de la rue d’Isly le 26 mars 62, ce qu’il fallait reconnaître comme un assassinat de Français par l’armée française (en mentionnant cependant que la manifestation avait été appelée par l’OAS, et en annonçant l’ouverture de toutes les archives la concernant), et le massacre du 5 juillet 62 à Oran. Bref un discours dit « d’apaisement » pour caresser les pieds-noirs dans le sens du poil, autour de ces deux moments de la guerre et pour flatter leur réussite en France (‘la France vous a aidé et vous avez aidé la France’ …) ; un discours de racolage électoral ! Jacques et Marcel ont pu, l’un et l’autre, jouer des coudes pour accéder à Jupiter, et insister sur les points suivants : – 1. On ne peut pas traiter de la guerre (y inclus les événements tragiques de la rue d’Isly et d’Oran) sans parler de ce que fut la colonisation (oui dit le Président, comme s’il ne venait pas de le faire … ; mais à un nostalgérique: je ne retire rien de mes déclarations de 2017 sur la barbarie de la conquête et de la colonisation). – 2. Des millions et des millions de jeunes français étant concernés, et frustrés, il faut inclure dans les programmes scolaires l’étude de la colonisation de de la guerre d’Algérie (c’est prévu répond le Président). – 3. Il faut donner suite aux autres préconisations du rapport Stora (c’est prévu répond le Président). – 4. Dans le même esprit, le travail sur la transmission mémorielle entrepris avec le groupe de descendants d’acteurs de la guerre d’Algérie doit se poursuivre (oui répond le Président). Bien malin qui pourra le mesurer …

L’intervention prévue de l’ANPNPA

Notre mémoire n’est pas figée et doit au contraire se caler sur les travaux des historiens, se nourrir du progrès des connaissances de ce que fut la colonisation et la guerre d’Algérie. Quoi que nous ayons pu penser en 62, aujourd’hui nous disons, nous aussi, que la colonisation, quel que que soit le pays, est une barbarie, l’asservissement d’un peuple par un pays étranger ; et il en a été de l’Algérie comme des autres pays colonisés. Monsieur le Président, il est aujourd’hui temps de reconnaître les crimes commis là-bas pendant 132ans. Reconnaître, ce n’est ni demander pardon ni faire repentance, c’est dire et faire savoir la réalité du fait colonial. Grâce aux travaux des historiens nous pouvons aujourd’hui regarder notre propre histoire en face et en conscience. Rappelons combien le rapport Stora a marqué les esprits, par son contenu, ses analyses et les préconisations qu’il vous a adressées (quelques-unes ont été suivies, pas beaucoup, pas assez)… Je voudrais insister sur deux points importants : D’une part que le travail d’histoire se poursuive et s’approfondisse, et pour cela que les archives de la colonisation et la guerre soient réellement ouvertes. D’autre part, que ces travaux puissent diffuser plus efficacement dans la sphère sociale, au sens large, tant à l’école que dans les media7 ; avec une mention spéciale pour le milieu scolaire, afin que les programmes de l’Education Nationale s’ouvrent largement à l’enseignement de l’histoire de la France en Algérie, de la colonisation et de la guerre d’indépendance. Pour terminer, si nous pieds-noirs sommes aujourd’hui fondus dans la population française, nous sommes des enfants d’Algérie7 ; ce qui s’y passe nous concerne, et nous concerne plus encore le rapprochement de nos deux pays, la France et l’Algérie, l’amitié des peuples des deux rives7 ; et ici, de s’inscrire dans les luttes contre le racisme subit par d’autres, qui ne sont pas pieds-noirs, mais qui comme nous sont aussi enfants et petits-enfants d’Algérie.

[/Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis /]



La mise au point de l’Association des amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons

(extraits)

[…] La manifestation du 26 mars 1962, à caractère insurrectionnel marqué, n’a pas été seulement attisée par l’OAS, comme l’a déclaré Emmanuel Macron […]. Elle a été au contraire conçue de manière réfléchie et cynique par les dirigeants de l’OAS à Alger, ainsi que le démontre de manière irréfutable, documents à l’appui, l’étude réalisée par l’historien Alain Ruscio. Étude qui reste la référence sur ce point d’histoire (Le Lien, n° 62, avril 2013.). Sept jeunes appelés du contingent ont été mitraillés à bout portant par les commandos de Bab el oued le 21 mars 1962. De ce massacre devait découler une série d’événements tragiques. Dans la mesure où le 26 janvier 2022 un hommage a été rendu deux mois avant la date anniversaire de la manifestation pro OAS du 26 mars 1962 à Alger, rien ne s’oppose à ce que la Présidence de la République rende aujourd’hui hommage aux six dirigeants des Centres sociaux éducatifs assassinés par l’OAS le 15 mars 1962 à Alger. Ou bien aux victimes du 8 février 1962 à Charonne et, à travers elles, à toutes les victimes de cette organisation terroriste et raciste : civiles, militaires, élus, magistrats, fonctionnaires, défenseurs des institutions et des valeurs de la République. Emmanuel Macron a aussi critiqué des soldats français, déployés à contre-emploi, mal commandés, moralement atteints qui ont tiré sur des Français. C’est oublier que les responsables du maintien de l’ordre à Alger en 1962 ne pouvaient plus compter sur les unités parachutistes. Certaines d’entre elles avaient déjà refusé de rétablir l’ordre le 24 janvier 1960 lors de l’affaire des Barricades. D’autres avaient participé au putsch visant à renverser la République fin avril 1961. De nombreux éléments de ces régiments de choc avaient rejoints l’OAS. Les autorités d’Alger ne pouvaient pas compter non plus sur la Gendarmerie mobile qui venait de perdre une vingtaine d’hommes abattus pas l’OAS. Pour défendre la République en Algérie, le commandement ne pouvait compter que sur le loyalisme du 4e régiment de tirailleurs, composé à majorité de musulmans. Emmanuel Macron aurait été bien inspiré de ne pas acccabler ces Français d’origine indigène qui ont formé l’ultime rempart de la République le 26 mars 1962, face à l’insurrection fomentée par l’OAS.
[/Jean-Philippe Ould Aoudia, Président de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons/]



Le communiqué de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO)


Dans le cadre d’une rencontre avec des représentants de rapatriés d’Algérie, au Palais de l’Élysée, le Président de la République est revenu sur la fusillade de la rue d’Isly à Alger, insistant sur son engagement dans un travail d’apaisement de toutes les mémoires blessées de la guerre d’Algérie. Le discours qu’il a tenu à cette occasion appelle de la part de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO) le communiqué dont la teneur suit. [/Jean-François Gavoury Président de l’ANPROMEVO/]

[/La fusillade de la rue d’Isly le 26 mars 1962 à Alger a consisté en « un massacre impardonnable pour la République » (Emmanuel Macron, Palais de l’Élysée, 26 janvier 2022)/]
À l’égard de certaines mémoires en relation avec la fin de la colonisation de l’Algérie, la déclaration de Monsieur Emmanuel Macron du 26 janvier 2022 relative aux événements survenus le 26 mars 1962 à Alger pourrait être regardée, en l’état et à ce stade, comme une déclaration de guerre. On est d’emblée tenté d’y voir une initiative s’inscrivant dans le droit fil de la réception au Palais de l’Élysée, le 30 septembre dernier, d’un descendant du général félon Raoul Salan, chef suprême de l’OAS, responsable du putsch d’avril 1961. Pourtant, cette proclamation doit être replacée dans le contexte d’une intervention, et celle-ci ne s’applique pas à dissimuler l’identité des instigateurs d’une action qui va virer au drame : « Ce jour-là, des soldats du 4e régiment de tirailleurs, une unité de l’armée française, firent feu sur une foule qui manifestait, attisée par l’OAS, son attachement à l’Algérie française en cherchant à rompre le blocus du quartier de Bab-El-Oued. Ce jour-là, des soldats français, déployés à contre-emploi, mal commandés, moralement atteints, ont tiré sur des Français. Il est plus que temps de le dire. Ce qui devait être une opération de maintien de l’ordre s’acheva par un massacre, un massacre dont aucune liste définitive des victimes ne fut établie, qui fit des dizaines de tués et des centaines de blessés. » L’hommage rendu aux victimes ne souffre aucune contestation. Mais qualifier de « massacre impardonnable pour la République » l’usage de la force face à une manifestation à caractère insurrectionnel appelée par une organisation criminelle en dépit de l’interdiction générale découlant des Accords de cessez-le-feu en Algérie peut placer le chef de l’État en situation délicate si l’ouverture des archives révèle que l’armée a tiré en état de légitime défense. Une tel propos est par ailleurs susceptible d’embarrasser le ministre de l’intérieur : – dont l’un des illustres prédécesseurs, Monsieur Roger Frey, dans une allocution télévisée au journal de 20h00 le 10 mars 1962, dénonçait la « folie sanguinaire » de l’OAS, cherchant à « s’emparer du pouvoir par des méthodes que le régime hitlérien n’aurait certes pas désavouées », et en fustigeait les membres, qualifiés de « fascistes » et de « revenants de la collaboration » ; – au moment même où Monsieur Gérald Darmanin a à gérer une situation d’extrême violence à Nantes, livrée à des manifestations non déclarées ou maintenues au mépris de leur interdiction préalable. Rappelons par ailleurs, à titre non anecdotique, que le Gouvernement se targue ces jours-ci d’avoir soumis au Parlement le vote d’une indemnisation forfaitaire en faveur des harkis calculée sur la base de 1 000 euros par année de rétention en camp contre 1 259 euros par trimestre d’activisme belligérant aux anciens tueurs de l’OAS en vertu (!) des dispositions de l’article 13 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005. Retenons, enfin et surtout : 1°) que la Présidence de la République, au soir du 26 janvier 2022, a fait paraître sur son site Internet une communication se concluant en ces termes : « Le Président de la République, comme il s’y est engagé lors de la remise du rapport de Benjamin Stora, participera à la commémoration du 19 mars 1962, sous une forme, là encore, conçue spécifiquement pour notre époque. » ; 2°) que des propositions ont été remises en ce sens à son conseiller « Mémoire » le 15 novembre dernier et présentées oralement le même jour à la Première dame ; 3°) qu’entre-temps, le 8 février 2022, sera célébré à Paris, au Métro Charonne, le souvenir tragique, soixante après, des victimes d’une manifestation prônant la paix en Algérie et qu’un geste mémoriel.


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La fusillade de la rue d’Isly à Alger, le 26 mars 1962
par Alain Ruscio

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