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le pape reconnaît en 2007 les « ombres » de la colonisation en Amérique

Réagissant à la vague de protestations qui ont suivi ses récentes déclarations au Brésil, le pape Benoit XVI a reconnu les « souffrances » et les « injustices » que la colonisation et l'évangélisation de l'Amérique ont provoquées. En 1992, Jean Paul II, prédécesseur de Benoît XVI, avait demandé pardon aux peuples amérindiens pour le rôle joué par les chrétiens européens dans la conquête de l'Amérique.
[Première mise en ligne le 17 mai 2007, mise à jour le 23 mai 2007]

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Vives réactions aux propos du pape sur la colonisation de l’Amérique latine

[article publié le 15-05-2007 sur le site www.la-croix.com]

Les descendants des peuples précolombiens estiment que la foi chrétienne a été imposée comme un instrument de domination.

Les déclarations de Benoît XVI sur l’évangélisation de l’Amérique latine, dimanche 13 mai à Aparecida (Brésil) ont provoqué une vive réaction de la part des représentants des communautés amérindiennes.

« Qu’a signifié l’acceptation de la foi chrétienne par les peuples d’Amérique latine et de la Caraïbe ? », s’était interrogé le pape dès le début de son discours d’ouverture de la 5e conférence générale de l’épiscopat latino-américain et de la Caraïbe (Celam). « Pour eux, cela a signifié accueillir le Christ, le Dieu inconnu que leurs ancêtres, sans le réaliser, cherchaient dans leurs riches traditions religieuses », répondait aussitôt Benoît XVI.

« En effet, l’annonce de Jésus et de son Évangile n’a supposé, à aucun moment, une aliénation des cultures précolombiennes, ni ne fut une imposition d’une culture extérieure, a précisé le pape. Les cultures authentiques ne sont pas fermées sur elles, ni pétrifiées en un point déterminé de l’Histoire, mais elles sont ouvertes, bien plus : elles cherchent la rencontre des autres cultures, et aspirent à l’universalité dans la rencontre et le dialogue. »

« L’utopie de redonner vie aux religions précolombiennes, les séparant du Christ et de l’Église universelle, ne serait pas un progrès mais une régression », concluait le pape se félicitant de « la sagesse des peuples indigènes », qui a su « les conduire heureusement à une synthèse entre leurs cultures et la foi chrétienne que les missionnaires leur offraient ».

« Total désaccord »

« Le pape est ignorant de l’Histoire », a protesté lundi Felipe Quispe, un dignitaire des Indiens aymaras et ancien candidat à la présidentielle bolivienne. « Nier que l’imposition de la religion catholique a été utilisée comme un mécanisme de domination sur les peuples indigènes, c’est vouloir occulter l’histoire, a renchéri Luis Evelis Andrade, directeur de l’Organisation nationale indigène de Colombie.

En tant que peuples indigènes, si nous sommes bien croyants, nous ne pouvons accepter que l’Église nie sa responsabilité dans l’anéantissement de notre identité et de notre culture. » De son côté, Aloysio Antonio Castelo Guapindaia, président de la Fondation nationale de l’Indien, au Brésil, a souligné que « il y a bien eu imposition de la religion pour dominer les populations locales ».

Les réactions sont vives jusqu’au sein même de l’Église catholique : « L’évangélisation a été une imposition ambiguë, violente, un choc de cultures, qui a causé un préjudice total aux Indiens », a ainsi déclaré la théologienne Cecilia Domevi, une responsable du Celam pour les questions amérindiennes, qui se dit « en total désaccord » avec les propos de Benoît XVI.

Interrogé mardi 15 mai par La Croix, le Bureau de presse du Saint-Siège s’est refusé à tout commentaire à ce sujet estimant qu’« une réaction provoquerait de nouvelles réactions ».

Nicolas SENEZE

« OCCULTER L’HISTOIRE »

[…] L’historien Wladir Ramonelli a pressé le pape de relire Bartolomeo de Las Casas (1474-1566), ce dominicain espagnol qui avait dénoncé les atrocités commises par les Conquistadors. «Un Indien païen vivant est toujours préférable à un Indien chrétien mort» : ce mot de Las Casas résonna longtemps dans le « Nouveau Monde » où soumettre les habitants à la Couronne (espagnole et portugaise) et les évangéliser étaient les deux faces d’une même réalité.

La polémique déborde le Brésil. Directeur de l’Organisation indigène de Colombie, Luis Andrade a déclaré, lundi 14 mai à Bogota : «Nier que l’imposition de la religion catholique a été utilisée comme un mécanisme de domination des peuples indigènes, c’est vouloir occulter l’Histoire».

Révisionniste, Benoît XVI ? Son propos a d’autant plus surpris que la demande de pardon de son prédécesseur, il y a quinze ans, avait touché les populations amérindiennes. Sans doute n’a-t-il pas voulu s’appesantir sur un «repentir» qui n’avait pas fait l’unanimité dans son Eglise. Mais à une époque où les communautés indiennes militent encore pour la reconnaissance de leurs cultures, comment dire que l’évangélisation n’a comporté «à aucun moment» une aliénation des cultures précolombiennes et qu’elle a constitué pour elles une forme de «purification» ?

Qui pourra jamais connaître le bilan des victimes d’une évangélisation au fil de l’épée ? Au drame des Indiens dépossédés de leurs terres, de leurs croyances, contraints à la conversion ou à la mort, s’était ajoutée la traite des Noirs. «Le peuple latino-américain, avait dit en 1992 un évêque brésilien, est fait de pauvres solidaires qui, au fond de leur agonie et de leur crucifixion, annoncent le salut aux descendants de ceux qui les ont humiliés».

Henri Tincq, Le Monde du 16 mai 2007

Benoît XVI reconnaît les «injustices» de l’évangélisation en Amérique

[Reuters – sur NOUVELOBS.COM, le 23 mai 2007]

Le pape Benoît XVI a reconnu, à l’occasion de son audience hebdomadaire mercredi 23 mai, la part de «souffrances» et «d’injustices» provoquées par la colonisation et l’évangélisation de l’Amérique.

«On ne peut ignorer les ombres» ni «oublier les souffrances et les injustices infligées par le colonisateur aux peuples indigènes, dont les droits humains fondamentaux ont été piétinés», a déclaré le pape, évoquant son récent voyage au Brésil.

Contradiction

Pourtant, le 13 mai, Benoît XVI avait déclaré devant les évêques d’Amérique latine réunis à Aparecida, au Brésil, que l’évangélisation des Indiens d’Amérique «n’a comporté à aucun moment une aliénation des cultures précolombiennes et n’a pas imposé une culture étrangère».

Le «Christ était le sauveur que les indigènes désiraient silencieusement», avait-il ajouté.
Son prédécesseur Jean Paul II avait, en 1992 à Saint-Domingue, demandé pardon auprès des populations indigènes pour les violences commises par les chrétiens dans la conquête de l’Amérique.

Vague de protestation

Les déclarations de Benoît XVI ont provoqué une vague de protestation en Amérique. Le président du Venezuela, Hugo Chavez, lui a demandé de présenter ses excuses.
Le pape a également déclaré mercredi que les «crimes injustifiables» de la colonisation avaient été condamnés en leur temps par des missionnaires, comme Bartolomée de las Casas. Dans le même temps, il a souligné «l’oeuvre merveilleuse» accomplie «avec la grâce de Dieu» par les évangélisateurs en Amérique latine ainsi que l’intégration «des riches traditions précolombiennes» dans la religion chrétienne.

Messe célébrée par Benoît XVI le 13 mai à Aparecida (AFP).
Messe célébrée par Benoît XVI le 13 mai à Aparecida (AFP).

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