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Édition du 1er au 15 octobre 2024
prisonniers hereros enchaînés

Le massacre des Hereros (1904-1908)

Des Hereros, on connaît surtout les coiffes exubérantes de leurs femmes et les couleurs vives des vêtements qu'elles arborent lors des fêtes. Mais peu de gens savent que ce peuple a subi un massacre au début du XX-ème siècle. Ce massacre est d'ailleurs considéré, à juste titre, comme « le premier génocide du siècle ». 1 Le 14 août 2004, lors d’une cérémonie marquant le centième anniversaire du soulèvement des Hereros contre leurs colons allemands, une ministre a présenté les excuses du gouvernement allemand pour ce massacre.
[Première publication le 27 janvier 2005, mise à jour le 12 avril 2007]

La Namibie est un territoire semi-désertique, grand comme presque deux fois la France, situé au Nord-Ouest de l’Afrique du Sud. Après la première guerre mondiale, le territoire a été placé par la SDN 1 sous mandat sud-africain. Il est devenu indépendant en novembre 1989.

Avant l’arrivée des Européens, la Namibie n’était habitée que par des groupes clairsemés : les premiers occupants, Hottentots et Khoisans ou Bochimans, et des Bantous – Ovambos et Hereros.

Au début des années 1880 une poignée de colons allemands s’y installe. L’Allemagne prend possession du territoire qu’elle gouvernera jusqu’en 1915. Le premier gouverneur de la colonie (Südwest-Afrika en allemand) est un certain Dr Heinrich Goering, dont le fils Hermann s’illustrera d’une façon tristement célèbre aux côtés d’Adolf Hitler.

En janvier 1894, sont découverts de fantastiques gisements de diamants en Namibie.
Au cours de la même année, une politique de déplacement et de confiscation systématique des terres est mise en oeuvre dans le Hereroland (Région centrale namibienne où vivent les Hereros).
Les colons développent de vastes plantations en employant les indigènes à des travaux forcés, en volant leur bétail et à l’occasion leurs femmes (d’où l’apparition, rapidement, d’une communauté métissée). Violences, exécutions sommaires …

Révolte et massacres

Le 12 janvier 1904, éclate la révolte des Hereros. Un groupe de guerriers conduit par le chef Samuel Maharero attaque les colons du poste d’Okahandja. En trois jours de sang et de fureur, près de deux cents civils allemands sont massacrés.

La riposte allemande est terrible.

L’empereur Guillaume II limoge le gouverneur Theodor Leutwein pour lui substituer un homme résolu, le général Lothar Von Trotha.
Il a mission de chasser les Hereros du territoire ou de les exterminer.

Le 11 août 1904, les troupes allemandes conduites par Lothar von Trotha encerclent 7500 Hereros et leur chef Maharero sur le plateau de Waterberg. Leurs armes puissantes ont facilement raison des assiégés. Les survivants sont chassés vers le désert d’Omeheke (l’actuel désert de Khalahari)
2.

prisonniers hereros enchaînés
prisonniers hereros enchaînés

Pour ceux qui survécurent, esclavage et camps. Des milliers de femmes Hereros furent transformées en femmes de réconfort pour les troupes coloniales allemandes.

Le 2 octobre, un ordre du jour de Von Trotha enlève aux Hereros tout espoir de retour. Cet ordre d’extermination (Vernichtungsbefehl) est ainsi rédigé :

“Le général des troupes allemandes [en Namibie] envoie cette lettre au peuple Herero.

Les Hereros ne sont dorénavant plus sujets allemands […] Tous les Hereros doivent partir ou mourir. S’ils n’acceptent pas, ils y seront contraints par les armes. Tout Herero aperçu à l’intérieur des frontières [namibiennes] avec ou sans arme, sera exécuté. Femmes et enfants seront reconduits hors d’ici – ou seront fusillés […] Nous ne ferons pas de prisonnier mâle ; ils seront fusillés.

Telle est ma décision prise pour le peuple Herero”

Signé : le grand général du tout puissant Kaiser [Guillaume II],

Lieutenant général Lothar Von Trotha.

le 2 octobre 1904

Le 11 décembre de la même année, le chancelier allemand Bülow ordonne d’enfermer les Hereros survivants dans des camps de travail forcé – des Konzentrationslagern – et, peu après, les dernières terres indigènes sont confisquées et mises à la disposition des colons allemands.

Au cours des trois années qui suivent, des dizaines de milliers de Hereros succombent à la répression, aux combats, à la famine et aux camps. De près d’une centaine de milliers, leur population tombe à 15.000.

Vers une reconnaissance du génocide

Ce massacre d’un peuple reflète les horreurs dont a été entachée l’expansion coloniale européenne à la fin du XIX-ème siècle.

Il donne aussi un avant-goût des génocides du siècle suivant.

On y trouve les éléments constitutifs de certains génocides du XX-ème siècle :

• la volonté politique délibérée : il ne s’agit pas d’un accident,

• les critères raciaux ou ethniques choisis : éliminer les Hereros, afin de libérer les terres pour les colons allemands,

• le nombre massif des victimes, civiles pour l’essentiel, avec femmes et enfants,

• l’organisation « rationnelle » et planifiée du massacre,

• la documentation disponible en archives, par le biais des compte-rendus détaillés des opérations, rédigés par von Trotha, et ses subordonnés.

Au début de l’année 2 000 des champs impressionnants de squelettes ont été révélés par les vents dans le désert namibien près de Luderitz. Le cimetière sauvage est celui des Hereros exterminés un siècle plus tôt.

Au cours de sa visite officielle en mars 1 998, le président allemand Roman Herzog est interpellé par des représentants Hereros qui demande que l’Allemagne reconnaisse le génocide dont leur peuple a été victime. Le président Herzog exprime son sentiment de culpabilité sans accepter de responsabilités.

Début octobre 2 000. Première rencontre officielle entre les Hereros et le Commissariat aux Droits de l’homme des Nations Unies à Genève.

Dimanche 11 janvier 2 004, à Okahandja, ancienne capitale des Hereros, 600 personnes entouraient l’ambassadeur allemand et le chef suprême des Hereros, Kuaima Riruako, alors qu’ils déposaient une gerbe de fleurs sur la tombe de l’ancien chef Maharero. « Nous allons donner aux descendants Hereros victimes du génocide, leur dignité », a déclaré l’ambassadeur allemand Wolfgang Massing.



L’Allemagne présente ses excuses pour le massacre de la tribu des Hereros en Namibie il y a 100 ans

OKOKARARA, Namibie [AP – dimanche 15 août 2004] – Pour la première fois, l’Allemagne a présenté samedi ses excuses officielles pour le massacre par des colons allemands de la tribu des Hereros en Namibie (Afrique australe), qui fit 65.000 morts de 1904 à 1907.

« Nous, Allemands, acceptons notre responsabilité morale et historique » pour les crimes commis à l’époque par des Allemands, a déclaré la ministre allemande de l’Aide au développement Heidemarie Wieczorek-Zeul.

Elle s’exprimait lors d’une cérémonie à Okokarara (250 km au nord de la capitale Windhoek) marquant le centième anniversaire du soulèvement des Hereros contre leurs colons allemands, en août 1904.

Suite à ce soulèvement, les insurgés furent pourchassés et massacrés. « Les atrocités perpétrées alors auraient dû être qualifiées de génocide », a déclaré la ministre, premier responsable allemand à participer aux cérémonies. Tout en excluant des indemnisations pour les descendants des victimes, elle a promis la poursuite de l’aide économique à la Namibie.

« Tout ce que j’ai dit constitue des excuses du gouvernement allemand », a-t-elle conclu sous les applaudissements du millier de personnes rassemblées pour la cérémonie.

L’Allemagne a colonisé la Namibie, semi-désertique mais diamantifère, en 1884. Après la défaite de l’Allemagne en 1918, l’Afrique du Sud a occupé la Namibie pendant plus de 70 ans, jusqu’à l’indépendance du pays en 1990. C’est aujourd’hui le principal destinataire de l’aide allemande, recevant environ 11,5 millions d’euros par an.

  1. SDN : Société des Nations, organisation internationale qui préfigurait l’ONU.
  2. À Berlin, le chef d’état-major allemand, le comte Alfred von Schlieffen, peut écrire : «L’aride désert Omeheke finira ce que l’armée allemande a commencé: l’extermination de la nation Herero».
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