Il y a dix ans, le 7 avril 1994, commençait l’un des pires massacres que le 20ème siècle ait produit. En une centaine de jours des centaines de milliers de Tutsi furent assassinés sur les collines du Rwanda simplement parce qu’ils étaient nés Tutsi, les « Inyenzi » (cafards ou cancrelats) comme les appelaient les Interahamwe (miliciens hutu) et les organisateurs du génocide. Ceux qui ont essayé de les protéger ou qui avaient marqué leur désaccord avec les hordes de tueurs furent tués avec le même acharnement. On dit maintenant qu’ils sont près de 800 000 à avoir ainsi perdu la vie …
« Les Tutsi étaient tués pour le seul fait d’être nés Tutsi ».
Quelques lectures :
– sur le site de la FIDH : passé sous silence
– un dossier d’Amnesty International :
– le dernier génocide du XXème siècle, par Manuel Abramowicz,
– idéologie raciste et génocide – du protectorat allemand, en passant par le mandat colonial belge, jusqu’au Hutu Power à la base du génocide de 1994, par Charles Jimomo,
– l’histoire du Rwanda.
Lettre ouverte de la FIDH et de la LDH à Jacques Chirac, Président de la République française
Paris, le 07 avril 2004
Monsieur le Président de la République,
A l’occasion de la commémoration d’un des pires massacres que le 20è siècle ait produit, le génocide rwandais de 1994, la FIDH et la LDH souhaitent que l’Assemblée nationale décide d’une commission d’enquête parlementaire ayant pour objet de déterminer les responsabilités de la France dans cet événement tragique.
Créée en 1998 pour faire la lumière sur le rôle de la France pendant les évènements du Rwanda et dans la région des Grands lacs entre 1990 et 1994, la mission d’information parlementaire a eu le mérite de défricher une partie des causes et du déroulement de la catastrophe humanitaire du printemps 1994. Mais cette mission a-t-elle vraiment permis de faire la lumière sur la responsabilité de la France ? Il est indispensable de répondre officiellement aux questions suivantes : la France a-t-elle armé et formé les auteurs du génocide ? A-t-elle eu connaissance de la préparation du génocide, a-t-elle fait obstacle à l’accès du Conseil de sécurité à des informations fiables, a-t-elle soutenu le gouvernement intérimaire y compris matériellement durant le génocide, a-t-elle aidé les acteurs du génocide à quitter le Rwanda ? Mise en place en juin 1994, l’Opération Turquoise qui, tout en sauvant des vies, a-t-elle été utilisée pour exfiltrer les responsables du génocide vers le Zaïre et d’autres pays ?
Seule une commission d’enquête parlementaire disposerait des moyens nécessaires pour répondre à ces questions aux fins d’établissement complet des faits et des responsabilités exactes de la France dans le génocide rwandais et ses conséquences.
Il importe qu’une prompte réponse soit donnée à ces questions. Il ne serait, en effet, pas convenable que notre pays reste plus longtemps silencieux. Dix ans se sont déjà écoulés et rien ne saurait justifier que dix autres années passent. La France doit tout mettre en œuvre pour que ses responsabilités soient établies et reconnues publiquement.
Le 7 avril 2004 ne doit pas s’inscrire dans l’histoire simplement comme la commémoration du 10ème anniversaire de l’un des génocides contemporains. Répondre au droit à la vérité, à la justice et à la réparation est un impératif pour les victimes et leurs familles au Rwanda, et au-delà, pour l’humanité toute entière.
Sidiki Kaba, Président de la FIDH – Michel Tubiana, Président de la LDH.