Les députés socialistes demandent que la direction du PS condamne les propos de Georges Frêche
[AP | 21.02.06 | 13:55] – Les députés socialistes ont unanimement condamné mardi les propos sur les harkis tenus par le président de la région Languedoc-Roussillon, Georges Frêche, demandant que la direction du parti «s’exprime solennellement» sur ce sujet, a rapporté Jean-Marc Ayrault.
«J’ai réagi immédiatement par le biais d’une position exprimant mon indignation et condamnant les propos de Georges Frêche et lui demandant de s’excuser», a rappelé le président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale Jean-Marc Ayrault à l’issue de la réunion hebdomadaire de son groupe.
«L’ensemble des députés socialistes ce matin m’ont demandé de vous dire qu’ils approuvaient ma déclaration, qu’ils étaient totalement solidaires des propos que j’avais tenus et partagent mon indignation et cette condamnation», a-t-il ajouté. Tous «souhaiteraient que la direction du parti s’exprime solennellement».
Jean-Marc Ayrault n’a en revanche pas demandé la démission de Georges Frêche. «Ca ne relève pas de ma responsabilité» a-t-il expliqué, quelques heures avant la réunion hebdomadaire du bureau national du PS, dont Georges Frêche est membre.
COMMUNIQUÉ DU PARTI SOCIALISTE
Le Parti socialiste a reçu vendredi 17 février une délégation de Harkis
Le Parti socialiste a reçu vendredi 17 février une délégation de Harkis et enfants de Harkis (« Collectif justice pour les Harkis ») venue témoigner de leur colère et de leur tristesse, après les propos tenus par Georges Frêche le 11 février, et demander une sanction.
Le Parti socialiste a souhaité rappeler au cours de cette rencontre sa position :
- la communauté harki mérite le respect de sa mémoire,
- les mots utilisés par Georges Frêche ont profondément blessé des hommes et des femmes qui ont fait le choix de la France et l’ont souvent payé de leur sang,
- le Parti socialiste a condamné et condamne ces propos inacceptables qui exigeaient des excuses publiques. Ces excuses ont été faites, ce qui n’est pas si fréquent en politique.
Le Parti socialiste rappelle son engagement pour la pleine reconnaissance des droits des Harkis dans la République.
Harkis, la faute ? Les propos tenus «à la Frêche» par le président PS de la Région Languedoc-Roussillon sont impardonnables. Ses excuses tardives, et du bout des lèvres, sont un peu faciles et peu crédibles.
par Bruno THEVENY, Journal de la Haute Marne, le 17 février 2006
La cascade de protestations, entraînée par les paroles dures et surréalistes que l’on aurait plutôt attendues d’un extrémiste que de la bouche d’un homme de gauche, est justifiée. Pour le PS, l’incident n’aurait jamais dû avoir lieu, mais il a eu lieu… Et Georges Frêche aurait dû subir une sévère réprimande des dirigeants nationaux. Au lieu de cela un certain silence et un embarras manifeste. Seul Jean-Marc Ayrault, pas fatigué, a dit ce qu’il pensait, comme Ségolène Royal, toujours là où il faut, qui a demandé des excuses rapides. Autrement, silence radio. François Hollande est resté muet. Comme la plupart des papabili présidentiables, au premier rang desquels un nommé Jack Lang, pourtant habile récupérateur d’habitude du créneau des droits de l’Homme, présent sur les lieux et qui n’a rien entendu. Mieux vaut être sourd que d’entre ça ! Léger, léger. On imagine les réactions à gauche à de tels propos s’ils avaient été tenus par quelqu’un de la majorité. En apostrophant les harkis, Georges Frêche s’est trompé de casting. Avec des insultes dignes du temps du colonialisme. «Vous êtes des sous-hommes», jolie diatribe agrémentée d’allusions malsaines aux «porcs». M. Frêche a jeté un froid, tous courants politiques confondus. Pourquoi si peu de réactions au PS devenu tout à coup frileux ? Le malfaisant président, comme l’indique avec pertinence Le Canard Enchaîné, tient la puissante fédération socialiste de l’Hérault. Comme d’autres ont «léché les bottes des gaullistes», 4 500 encartés font de même avec leur idole locale. Et comme les militants décideront du futur présidentiable, il est devenu urgent de ne pas se mouiller. Dominique Strauss-Kahn est demeuré extrêmement zen et Laurent Fabius, une fois n’est pas coutume, a gardé son sang-froid.
Au PS, on sait se montrer gauche. Et l’important est devenu le rosse.
La déclaration de Georges Frêche, lundi 13 février 2006
Ma déclaration sera suffisamment complète pour que je vous demande de vous en satisfaire. Aussi après en avoir donné lecture, je ne répondrai à aucune question.
Si j’ai pris l’initiative de cette conférence de presse, c’est qu’elle m’est apparue indispensable au vu des réactions qui ont suivi certains propos que j’ai tenus lors de l’hommage que j’ai voulu rendre à Jacques Roseau, samedi dernier.
En effet, je tiens à le dire avec force, dès mes premiers mots : je suis absolument choqué de la signification profonde qu’on a voulu y voir et de la traduction faite de ce que j’ai voulu exprimer. Mes propos ne se voulaient pas attentatoires aux valeurs qui sont celles des Droits de l’Homme et que je défends depuis toujours. Interpréter
ma pensée, comme cela a été fait, c’est vouloir m’atteindre profondément et me blesser au delà de ce que les mots peuvent traduire. Ce qui est le cas.
J’ai été fort maladroit dans la formulation de ma pensée au moment où je l’ai exprimée. Je ne veux pas revenir dans le détail sur les circonstances dans lesquelles je me suis exprimé, cela ne présente que peu d’intérêt. Je veux simplement préciser que je me suis insurgé contre le fait que la personne, mon interlocuteur de ce samedi, ait assisté le matin même à Palavas à une réunion autour du thème du retrait de l’article 4 de la loi du 23 février 2005, qui n’était en
fait qu’une manifestation politique organisée par et au profit de l’UMP et du Front National.
J’ai voulu mettre en exergue le fait que celui qui m’apostrophait avait eu une attitude peu digne vis-à-vis des Harkis qui ont beaucoup donné, jusqu’à leur vie, à la France. Mes propos ne s’adressaient aucunement à la communauté Harkie, mais à un homme, dont le comportement n’est pas dans le droit fil de la dignité de ces combattants valeureux qui se sont battus pour nous. Dois-je rappeler que dès mon premier mandat j’ai apporté mon soutien dans mes propos et dans mes actes aux Rapatriés du Maroc, de Tunisie et d’Algérie et parmi ces dernier notamment aux harkis, qui avaient fait le choix de la France. J’ai ce sens là de l’honneur, celui du drapeau et de ceux qui sont tombés pour lui. Personne ne peut dire que je n’ai pas défendu ces valeurs et, dès lors, personne ne peut prétendre que je puisse penser le contraire.
J’ai été apostrophé, interpellé par un homme venu là pour me provoquer. Et ce, alors même que j’avais souhaité, devant la stèle de Jacques Roseau, un moment d’émotion partagée avec sa famille et tous ceux qui voulaient communier avec cet homme qui représentait pour beaucoup un exemple de courage et de disponibilité aux autres. L’agressivité que l’on a dirigée contre moi a pris un certain ton qui m’a amené moi-même à manquer de pondération. J’ai voulu marquer mon indignation. J’ai dit à cet homme que se rendre à la manifestation de Palavas n’était pas dans le droit fil de l’honneur de ceux qui, dans des conditions inacceptables, ont perdu la vie. A ce propos, j’ai pu employer à tort le terme impropre de « sous-homme », que je retire.
Je le dis avec d’autant plus de force que mon propos n’est pas un propos de circonstance. J’ai blessé, par maladresse, et je vous demande de bien vouloir me le pardonner. J’ai été maladroit, mais nourri de mes convictions – enracinées au plus profond de mon être – du respect que l’on doit à ces hommes et à ces femmes. Je ne visais qu’un homme, et non, je le répète, une communauté. Car pour moi, un homme d’honneur ne devait pas se rendre à Palavas pour une récupération de sa présence par l’UMP et le Front National.
L’Homme, pour moi, porte l’honneur très haut.
Transcription des propos tenus par Georges Frêche, à Montpellier, le samedi 11 février 2006.
15 heures :
Dépôt de gerbes sur la stèle de Jacques Roseau, assassiné en mars 93.
[33 : 20] – Vous faite partie des Harkis qui ont vocation à être cocus jusqu’à la fin des temps. Ces gens-là vous ont laissé… Taisez-vous une seconde et laissez-moi parler ! … Bon, vous le sortez s’il vous plaît… Ca suffit ! Ca suffit ! J’ai à dire ce que j’ai à dire… […]
Bon, taisez-vous vous n’êtes pas harki, vous êtes fils de Harki, vous n’avez rien à dire…
Alors, vous êtes allés à Palavas avec les députés gaullistes, avec les Gaullistes qui ont laissé les Harkis se faire massacrer en Algérie. Faut-il vous rappeler que 90 000 Harkis se sont fait égorger comme des porcs, parce que l’armée française les a laissés seuls là-bas. Vous êtes vraiment d’une incurie incroyable. Vous ne connaissez pas l’histoire. Alors écoutez, moi je vous ai donné votre boulot de pompier, gardez-le, fermez votre gueule ! Gardez-le et fermez votre gueule ! Hein ! Je vous ai trouvé un emploi, et je suis bien remercié.
Voix Harkis au fond : On vous a aidé à monter, ne l’oubliez pas !
[34 : 44] – Vous m’avez aidé, oui, c’est ça. Arrêtez vous, arrêter vous. Allez les Gaullistes. Allez avec les Gaullistes vos frères à Palavas vous y serez très bien. Ils ont massacré les vôtres en Algérie et encore vous allez leur lécher les bottes. Mais vous avez rien du tout, vous êtes des sous-hommes ! Vous n’avez rien du tout, vous n’avez aucun honneur, rien du tout ! Il faut que quelqu’un vous le dise : vous êtes sans honneur, vous n’êtes même pas capables de défendre les vôtres !
Voilà, voilà, alors dégagez.
Voix de Harkis dans le fond : C’est vous le vendu !
Moi je suis vendu rien du tout. Avant que quelqu’un me vende, il passera de l’eau sous les ponts. Non, nous nous sommes fidèles aux Harkis qui ont combattu à l’armée française. Ces Harkis ont été lâchés par les Gaullistes en Algérie. Heureusement que l’armée a sauvé l’honneur en rapatriant 60000. Et les militaires qui l’ont fait l’ont fait souvent sur leur propre honneur. Alors qu’ils avaient vis-à-vis de leur chef des ordres contraires. [35 : 48].