Paris : Commémoration d’une manifestation OAS en 1962 à Alger, troublée à Paris
[AFP 26.03.08 | 20h06]
Une soixante d’anciens partisans de l’Algérie française a déposé mercredi des gerbes de fleurs sous l’Arc de Triomphe à Paris en hommage aux victimes de la fusillade du 26 mars 1962 en plein centre d’Alger, malgré des contre-manifestants.
Les manifestants, des sexagénaires ou septuagénaires pour la plupart, drapeaux tricolores en tête, ont échangé invectives et quolibets avec des contre-manifestants alorsqu’ils voulaient déposer quatre gerbes en hommage aux 46 partisans de l’Algérie française tombés sous les balle de l’armée française, rue d’Isly à Alger.
Ces contre-manifestants, une soixante environ du même âge, se sont déclarés membres d’un « Front républicain » refusant que l’association organisatrice du dépôt de gerbe, le « Souvenir du 26 mars », puisse obtenir le statut de « morts pour la France » pour les victimes de la rue d’Isly.
Le 26 mars 1962, des partisans de l’Algérie française, avaient appelé la population algéroise à manifester pour le maintien de l’Algérie à la France. Cette manifestation avait reçu le soutien de l’OAS, l’organisation de l’armée secrète, la branche militaire et clandestine des pro-Algérie française.
Devant l’Arc de Triomphe les contre-manifestants ont reproché à l’OAS d’avoir « tenté de tuer le président de la République de l’époque, le général de Gaulle », a expliqué à l’AFP Jean-François Gavoury, dont le père, Roger Gavoury, commissaire de police a été tué par l’OAS.
Après le dépôt de gerbes, la sonnerie aux morts et la minute de silence, les participants à la cérémonie ont chanté la Marseillaise et le chant de l’Armée d’Afrique de la seconde guerre mondiale – « C’est nous les Africains »-, récupéré par les partisans de l’Algérie française et l’OAS une vingtaine d’années plus tard.
Bataille autour de la mémoire de l’OAS
Les familles des victimes de l’OAS dénoncent l’hommage rendu aux partisans de l’Algérie française à Paris
Anciens de l’Organisation armée secrète (OAS) et familles des victimes de l’OAS se sont faits face, mercredi, sur la place Charles-de-Gaulle, à Paris. Sous l’Arc de Triomphe, les premiers ont rendu hommage aux partisans de l’Algérie française, les seconds ont mis en garde contre la bienveillance de la République et de Nicolas Sarkozy à leur égard.
Pour la sécurité, sept fourgonnettes de gendarmerie, deux de police. Pour les honneurs, trois cars de l’armée de terre. Sur la place Charles-de-Gaulle, mercredi à Paris, quelques drapeaux, pas mal de galons, et beaucoup de cheveux grisonnants. Devant l’entrée du souterrain desservant l’Arc de Triomphe, une foule de mécontents qui trouvent inadmissible cette cérémonie en hommage aux victimes de la manifestation de la rue d’Isly, le 26 mars 1962 à Alger. L’armée avait alors tiré dans une foule de partisans de l’Algérie française qui avaient répondu à l’appel de l’Organisation armée secrète (OAS, mouvement politico-militaire clandestin en faveur de l’Algérie française). La fusillade avait fait 46 morts.
Parmi les quelques dizaines de contre-manifestants, beaucoup de pieds-noirs membres d’associations des familles de victimes de l’OAS, des représentants du Parti communiste, quasiment pas d’Algériens. Henri Pouillot porte autour du coup une pancarte « L’OAS m’a raté deux fois ». Pour cet ancien militant anticolonialiste, « c’est inacceptable que la République permette cela : laisser le drapeau de l’OAS s’incliner sur la tombe du soldat inconnu, à quelques pas de l’inscription de l’appel du 18 juin du général de Gaulle, alors même que cette organisation avait tenté de l’assassiner, c’est un déni de mémoire de la part des autorités, et une nouvelle provocation de la part de l’OAS ! »
Polémique autour du statut de « mort pour la France »
Vers 17 heures, la soixantaine d’anciens partisans de l’Algérie française empruntent le passage du Souvenir qui mène à l’Arc de Triomphe. Des voix s’élèvent : « OAS ! Assassins ! » Des ennemis de toujours se toisent, en viennent aux mots. Le ton monte entre Jean-François Gavoury, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS et fils d’un commissaire de police assassiné, et Armand Belvisi, auteur d’un attentat manqué contre de Gaulle et membre de l’Association pour la défense des intérêts moraux des anciens détenus de l’Algérie française (Adimad). A ses côtés, un homme portant un béret bordeaux lâche, à l’encontre des protestataires : « A l’époque, ce sont ces gens-là qui fournissaient l’argent des armes au FLN (Front de libération nationale, ndlr). »
Quelques minutes plus tard, la flamme du Soldat inconnu est ravivée, sous l’Arc de Triomphe. A quelques dizaines de mètres de là, devant l’entrée du passage, les contre-manifestants alertent : « Ils ont obtenu la promesse de Sarkozy, quand il était encore candidat à l’élection présidentielle (le 16 avril 2007, ndlr), que la qualité de “mort pour la France” serait accordée aux victimes de la rue d’Isly ! », s’indigne Charles Schweisguth, témoin de la guerre d’Algérie. «La République ne peut traiter les victimes d’une manifestation interdite
comme les poilus ou les résistants.»
Après le dépôt de gerbes, la sonnerie aux morts et une minute de silence, les anciens partisans de l’Algérie française ont chanté la Marseillaise et « C’est nous les Africains », le chant de l’Armée d’Afrique de la Seconde Guerre mondiale, récupéré par l’OAS une vingtaine d’années plus tard.
Sinistre cérémonie d’anciens OAS à l’Arc de triomphe
Extrême droite. Face aux nostalgiques de l’Algérie française, quatre-vingt contre-manifestants ont dénoncé la réhabilitation de l’organisation criminelle.
La France marche sur la tête. Voilà la réflexion qui venait à l’esprit de tout démocrate et républicain à la vue de la scène ahurissante de mercredi soir, place Charles-de-Gaulle, à Paris. Au prétexte d’honorer la mémoire des victimes de la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962, une quarantaine d’anciens membres de l’OAS et autres nostalgiques de l’Algérie française, sous la protection des forces de l’ordre, traversent la place de l’Étoile pour raviver la flamme du souvenir sous l’Arc de triomphe et brandir leurs étendards face à la tombe du Soldat inconnu. La cérémonie constitue, dans l’esprit de ses organisateurs, d’anciens factieux regroupés au sein de l’Adimad-OAS et de l’association Souvenir du 26 mars, un pas de plus dans la réhabilitation de l’organisation criminelle. La preuve ?
La présence, dans ce rassemblement, auquel les autorités ont donné leur feu vert, d’Armand Belvisi, compagnon de Jean-Bastien-Thiry, organisateur des deux attentats manqués contre le général de Gaulle. L’ancien terroriste, militant d’extrême droite, qui ne manque aucune occasion de clamer qu’il « ne regrette rien », s’offre le luxe de venir narguer les quatre-vingt contre-manifestants venus protester contre la présence, dans ce lieu symbolique de la République, de ceux qui retournèrent, hier, les armes contre elle.
Dans une ambiance tendue, les participants à ce « contre-rassemblement républicain » (A) exposent les raisons de leur colère, souvent interrompus par les invectives du camp adverse. « Le symbole que constitue la flamme du souvenir en hommage aux anonymes morts pour la France a été souillé par la présence de l’oriflamme d’une association qui regroupe d’anciens traîtres à la République. Il y a là une inversion totale des valeurs fondatrices de la nation », s’indigne Jean-Philippe Ould Aoudia, fils de l’un des six inspecteurs des centres sociaux éducatifs exécutés le 15 mars 1962 par un commando Delta de l’OAS. Jean-François Gavoury, président de l’Association pour la mémoire des victimes de l’OAS à l’origine du contre-rassemblement, fils du commissaire central d’Alger, Roger Gavoury, assassiné par l’OAS en 1961, fustige une « dérive insupportable des institutions de la République ».
Argument repris par Ian Brossat, président du groupe communiste au Conseil de Paris. « Autoriser un tel rassemblement est une nette provocation de la part de Nicolas Sarkozy », insiste le jeune élu. Une « provocation » qui s’inscrit dans un mouvement de fond, analysent Jean-Pierre Gonon, de France-Algérie, et Fatima Besnaci Lancou, de l’association Harkis et droits de l’homme, rappelant le scandaleux article 13 de la loi du 23 février 2005, qui ouvre le droit à l’indemnisation des anciens criminels de l’OAS. Les opposants à ce mouvement de réhabilitation craignent une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy, qui s’était engagé à reconnaître la qualité de « morts pour la France » aux victimes du 26 mars 1962. « Si ce pas devait être franchi, ce serait la fin des valeurs attachées à la qualité de « mort pour la France. » Je me verrais alors dans l’obligation d’engager une procédure pour que cette qualité soit ôtée à mon père », prévient Jean-François Gavoury. Dans la foule, Hakim, étudiant, observe, ébahi, les nostalgiques de la colonisation. « Sarkozy dit vouloir tourner la page de cette histoire. Mais en glorifiant le passé colonial et en réhabilitant l’OAS, il fait le contraire d’un travail de mémoire apaisée », commente le jeune homme. Le groupe d’anciens activistes de l’OAS se scinde en deux. Les uns se glissent dans un autre cortège d’anciens combattants venus raviver la flamme. Les autres se rendent à la messe donnée à l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
(A) On notait la présence de représentants de l’Anpromevo, de l’Association des amis de Max Marchand, Mouloud Feraoun et leurs compagnons, de la LDH, du MRAP, du Collectif anticolonial, de l’AFASPA, de l’ARAC, de France-Algérie, de Harkis et droits de l’homme, du Comité vérité et justice pour Charonne, de l’association Au nom de la mémoire, du groupe communiste au Conseil de Paris, etc.
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A Toulon, deux cérémonies …
Le Cercle algérianiste n’oublie pas
26 mars 1962, rue d’Isly à Alger, 80 morts, 200 blessés. Période sombre de l’Histoire de France, toujours présente au coeur de ceux qui, hier matin, honoraient les victimes. Rassemblés porte d’Italie, devant le monument érigé pour les Martyrs de l’Algérie française, les adhérents et amis du Cercle Algérianiste de Toulon et de l’Union des amicales varoises des rapatriés d’Outre mer commémoraient cette tragédie. Ils rappelaient par leur présence et leurs dépôts de gerbes, qu’ils se souvenaient. « Toutes tendances confondues, sans politique, sans nostalgie autre que celle du pays perdu, cette stèle est un petit morceau de chez nous. Veillons à son respect… », dira Ghislaine Ruvira, présidente du Cercle Algérianiste.
«Y penser, en parler»
Les membres et sympathisants du Cercle national des rapatriés honoraient, eux aussi, les victimes des événements du 26 mars 1962, rue d’Isly à Alger. À l’appel d’André Vidal, secrétaire général du Cercle, ils se sont retrouvés, hier en fin d’après-midi, devant le monument de la Porte d’Italie. « Ils ont été exécutés pour avoir commis le crime de vouloir rester Français sur une terre française. Nous y penserons et en parlerons toujours ! », disait-il, visiblement ému.
Jean-François Collin, président de l’Association des anciens détenus en Algérie française, rappelait les noms des victimes de cette sombre journée. Dépôts de gerbes et minute de silence marquaient également cette commémoration.
Des voisinages compromettants
Cette année, cinq gerbes ont été déposées, dont trois ne comportent que le nom des organisations qui les ont apportées : l’UAVFROM, la Mairie de Toulon et le Cercle algérianiste. Les deux dernières en revanche comportent des textes plus explicites.
On peut lire sur la gerbe de l’Adimad, l’inscription :
ON PENSE
A VOUS
SANS CESSE – ADIMAD
Alors que celle du CNR comporte le texte :
AUX MARTYRS DE L’ALGERIE FRANCAISE
ASSASSINES PAR LA BANDE DES 4 C.N.R.