Mémoire. La station de métro Gallieni renommée
Josette et Maurice Audin
par Rosa Moussaoui, publié dans l’Humanité le 19 juin 2020 Source
À Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, des militants ont substitué les noms de Josette et Maurice Audin à celui d’un auteur de massacres coloniaux.
Il faut avoir la mémoire courte et bien trouée pour oser prétendre, comme le fait Édouard Philippe, que ceux qui veulent renommer les lieux portant les noms d’auteurs de crimes coloniaux sont mus par une volonté « d’épuration ». Mercredi soir, à Bagnolet, au métro Gallieni, terminus de la ligne 3, une foule nombreuse et joyeuse s’est rassemblée pour donner symboliquement à cette station les noms de Josette et Maurice Audin, combattants de l’indépendance algérienne. L’occasion de constater que les « grands hommes » qu’honore la toponymie parisienne sont en fait de parfaits inconnus : les curieux attirés par cette cérémonie découvraient, stupéfaits, l’œuvre du général Joseph Gallieni, de la brutale « politique des races » qu’il déploya sur les rives du Niger et au Tonkin jusqu’aux massacres sous ses ordres, qui firent des centaines de milliers de morts parmi les résistants malgaches à la conquête française.
Juchés sur des échelles, de jeunes militants ont recouvert d’un panneau adhésif le nom de ce chef militaire, pour le recouvrir de celui de Maurice Audin, mathématicien communiste enlevé, torturé et assassiné en 1957 à Alger par l’armée française, qui fit disparaître son corps. Associée à cet hommage, sa veuve, Josette, disparue l’an dernier, exigea toute sa vie justice et vérité pour ce défunt sans sépulture, jusqu’à la reconnaissance par l’État, en 2018, de sa responsabilité dans ce crime. Présent, leur fils Pierre s’est réjoui du « mouvement qui appelle, partout, à honorer des combattants de la liberté plutôt que des massacreurs, des colonisateurs ». « Nous voulons voir inscrites dans l’espace public l’émancipation, l’égalité, la fraternité, plutôt que la domination, l’esclavage, le racisme », a-t-il insisté.
Au nom de la section locale du Parti communiste, Kamel Brahmi a revendiqué «un travail pédagogique et mémoriel » : « Le colonialisme est un crime contre l’humanité : il est temps qu’il soit reconnu comme tel. Nous refusons que soient célébrés encore de nos jours le massacre, la destruction, l’oppression, la déshumanisation et la dépossession de peuples entiers. Les héros que nous voulons honorer à l’avenir incarnent la justice, la paix, l’humanité. Josette et Maurice Audin sont de ceux-là. » Le bandeau posé pour renommer la station de métro n’a pas fait long feu : des agents de sécurité de la RATP se sont empressés de le retirer, sous les huées. Reste un geste symbolique fort, que les participants espèrent voir transformé, à l’avenir, en baptême officiel.
Le métro Gallieni, figure du colonialisme, rebaptisé
« Josette et Maurice Audin » par des militants
par la rédaction de LCI, le 18 juin 2020 Source
ANTIRACISME – Des militants communistes et écologistes ont renommé mercredi 17 juin la station de métro Gallieni. Le patronyme du général, contesté pour son rôle durant la colonisation, a été recouvert par un autocollant portant les noms « Josette et Maurice Audin », figures communistes et militants anticoloniaux.
Ils voulaient « raconter toute l’histoire, pas une seule partie ». Alors que le débat sur l’esclavagisme et le passé colonial de la France est au cœur de l’actualité, que des statues de personnages historiques, accusés de racisme, déboulonnées ou taguées, des militants communistes et écologistes ont opté pour une solution plus pacifique. Ils ont rebaptisé mercredi 17 juin la station Gallieni, située à Bagnolet, au terminus de la ligne 3 du métro parisien, rapporte France Bleu Paris jeudi 18 juin.
Rassemblés à Bagnolet, ils ont recouvert l’écriteau « Gallieni » avec un autocollant au nom de Maurice et Josette Audin, figures communistes et militants anticoloniaux, originaires de la ville de Seine-Saint-Denis. Selon la station parisienne, « le bandeau n’est pas resté accroché très longtemps ». Des agents de sûreté de la RATP ont très vite retiré le sticker cachant la mention Gallieni, « un massacreur » qui « représente la colonisation », à l’origine du massacre de Menalamba à Madagascar, dont Pierre, le fils du couple Audin, demande en vain à la régie des transports que la station au nom de l’ancien militaire soit débaptisée.
Faire honneur à Joseph Gallieni, connu pour son rôle dans le Grande Guerre, après avoir pris la décision de réquisitionner les taxis parisiens pour apporter du renfort à la bataille de l’Ourcq, « ce n’est pas un bon exemple à donner à la population et en particulier à la jeunesse, je pense qu’il faut leur montrer des choses qui concernent plutôt les Droits de l’Homme », a jugé Haby Ka, conseillère municipale (PCF) de Montreuil. « Si on raconte l’histoire de France, il faut raconter toute l’histoire, pas une seule partie », a-t-elle ajouté, au sujet du général, qui a participé à l’expansion coloniale avec des méthodes d’une brutalité inouïe.
Ce n’est pas la première fois que les antiracistes contestent la figure du général Gallieni. Mardi 16 juin, lors de la manifestation des soignants, la statue de l’officier nommé Maréchal de France à titre posthume, qui trône place Vauban à Paris, à deux pas des Invalides, a été recouverte d’inscriptions, « Déboulonnons le récit officiel », « Dans un musée », « État responsable ».
À Bagnolet, des militants rebaptisent la station de métro Gallieni
par Hajera Mohammad, le 18 juin 2020 sur France Bleu Paris Source
Colbert, le général Bugeaud ou encore Jules Ferry… Faut-il débaptiser les rues, les places, les ronds-points qui portent le nom de ces figures de l’histoire française, mais qui ont parfois joué aussi un rôle central dans le passé colonial du pays ? Le débat est relancé depuis quelques jours avec les manifestations contre le racisme qui se déroulent dans toute la France.
Hommage au couple Audin
Ce mercredi 17 juin, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), des militants communistes et écologistes, pour qui la question semble tranchée, ont décidé de passer à l’action. Ils se sont donnés rendez-vous à 18 heures, devant la station de métro Gallieni, le terminus de la ligne 3. Sur un panneau de la station, à l’extérieur, ils ont remplacé le nom du général Joseph Gallieni par une banderole où figurent les noms de Maurice et Josette Audin, ces militants anticoloniaux, originaires de Bagnolet1. Il y a deux ans, Emmanuel Macron a reconnu que Maurice Audin avait été enlevé, torturé et assassiné en 1957, en Algérie, par des soldats français.
Gallieni, « un massacreur »
Le bandeau n’est pas resté accroché très longtemps puisque des agents de sûreté de la RATP sont venus le déchirer sous les huées des militants et de Pierre Audin, le fils du couple honoré ce soir-là. Ce dernier déplore qu’une station de métro porte le nom de Gallieni, qui « représente la colonisation », un « massacreur » pour lui. Il rappelle la répression sanglante menée à la fin du 19e siècle à Madagascar contre des Malgaches indépendantistes. « C’est pas un bon exemple à donner à la population et en particulier à la jeunesse, je pense qu’il faut leur montrer des choses qui concernent plutôt les Droits de l’Homme ».
« Gallieni, pas un bon exemple à donner »
La bonne méthode ?
William, 30 ans, n’est pas un militant mais s’interroge. « J’avoue je ne connaissais pas la bio du général Gallieni, pour moi c’était juste une station de métro ». Faut-il la débaptiser ? « Je n’aime pas qu’on se précipite mais en ce moment je suis en proie à des questions… est-ce qu’on est dans un monde qui représente encore une ancienne génération dans laquelle tout une partie de la population ne peut pas se représenter ? »
Pour les militants communistes, rassemblés devant le métro, la question ne se pose même plus, encore moins ces derniers jours avec les manifestations contre le racisme. « Si on raconte l’histoire de France, il faut raconter toute l’histoire, pas une seule partie » déclare Haby Ka, nouvelle conseillère municipale (PCF) de Montreuil.
La famille Audin a demandé il y a plus d’un an à la RATP de débaptiser la station Gallieni et de lui donner le nom de Maurice et Josette Audin, mais pour le moment, aucune réponse.