Raymond Barre : requiem pour un antisémite
Impunité post-mortem
La mort de Raymond Barre donne lieu à un véritable déluge d’hommages, malgré son antisémitisme déclaré et récemment réaffirmé.
Le plus complaisant de ces dithyrambes est, à ce jour, celui de François Fillon :
«La première image qui vient à l’esprit quand on pense à Raymond Barre, c’est la droiture, c’est la rigueur morale et la rigueur intellectuelle. C’était un exemple de rigueur morale et intellectuelle.», a- t- il déclaré. […]
La pauvre excuse de l’état de santé de Raymond Barre au moment de ses déclarations antisémites les plus récentes de mars dernier […] est totalement inconsistante car depuis 1980 et ses premières déclarations sur les « Français [non Juifs] innocents » tués lors de l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic, Raymond Barre a persisté dans cette voie ; en témoignant pour Maurice Papon lors du procès de celui-ci en 1998, en affirmant à plusieurs reprises son soutien à Bruno Gollnisch, dirigeant du Front national, négationniste et antisémite avéré.
D’autre encore notent cette « tâche » ou les « propos inadmissibles » de Raymond Barre mais les considèrent comme une espèce de bizarrerie qui selon eux ne remet pas en cause sa « stature d’homme d’Etat »
Pourtant ses dernières déclarations qui ont fait scandale, tenues sur France Culture le 1er mars dernier, sont d’une grande brutalité. On y trouve, en plus des appréciations déjà connues sur le «lobby juif de gauche», l’attentat de la synagogue Copernic, Papon, Gollnisch, cette phrase incroyable à propos de Papon:
«Je ne porte pas un jugement moral sur l’attitude que l’on devait avoir à l’égard des déportations de Juifs ou non.»
Au fond, cette impunité semble constituer un privilège de la fonction. À partir d’un certain niveau de pouvoir ou de renommée, on peut, sans risque, dire ou écrire des horreurs. Le parallèle qui vient à l’esprit est celui de l’abbé Pierre, pareillement absous de son antisémitisme lors de son décès, avec les mêmes justifications.
Reste à expliquer la passion antisémite de Raymond Barre, qui se déclarait catholique pratiquant et fut un fieffé réactionnaire tout au long de sa carrière.
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Pierre Messmer : disparition d’un soutien de Maurice Papon
Le décès de Pierre Messmer, survenant quelques jours après celui de Raymond Barre ramène vers le procès Papon de 1997-1998.
Ces deux anciens premiers ministres se sont retrouvés aux côtés de Maurice Papon lors de son procès et ont ensuite fait pression pour sa libération.
Pierre Messmer fut même le premier témoin cité par la défense lors du procès. Il s’employa à tenter de blanchir l’ancien préfet pour son action pendant la guerre et aussi lors du massacre des Algériens de Paris le 17 octobre 1961.
Lors de son témoignage, l’ancien Premier ministre — auréolé de son prestige de résistant — a rejeté les excuses nationales de Chirac en 1995 lors du discours du Vel’ d’Hiv’.
Pour ce faire il a manipulé ce discours, en voulant faire croire qu’il s’agissait d’une condamnation de l’ensemble de la population et non des autorités qui avaient participé à la mise en œuvre de la déportation. Il déclare ainsi : « je m’inscris absolument en faux contre les déclarations prononcées depuis 1995 par les plus hautes autorités françaises et qui imputent à la France, donc à tous les Français, la responsabilité des crimes de Vichy», et il ajoute en ultime insulte aux déportés raflés et exterminés : «mais je voudrais aussi dire, quel que soit le respect que nous devons à toutes les victimes de la guerre et particulièrement aux victimes innocentes, que je respecte plus encore ceux et celles qui sont morts debout les armes à la main, car c’est à eux que nous devons notre libération».
Interrogé plus précisément sur la ratonnade du 17 octobre 1961, Pierre Messmer dédouane encore Maurice Papon : «En ce qui concerne les événements entre 1960 et 1967 à Paris, j’étais ministre et par conséquent, j’assume avec le gouvernement tout entier, de De Gaulle au dernier secrétaire d’Etat, l’entière responsabilité des événements ». À l’instar de Maurice Papon, il nie la responsabilité de la police dans ce massacre et affirme « que la responsabilité des morts du 17 octobre 1961 incombe à des agents du FLN qui en ont profité pour liquider des dissidents».