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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

la politique de la France envers les Roms ?critiquée par l’Onu et par le Conseil de l’Europe

Après avoir examiné la situation des minorités en France, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU (CERD) a publié, vendredi 27 août, une série de recommandations. Les dix-huit experts du CERD se disent globalement préoccupés par "la tenue de discours politiques de nature discriminatoire en France" parallèlement à "une augmentation récente des actes et manifestations à caractère raciste et xénophobe". Ils s'inquiètent plus particulièrement du sort des Roms, victimes d'une "montée des manifestations et des violences à caractère raciste". Dénonçant les derniers renvois massifs de Roms en Bulgarie et en Roumanie, sans "leur consentement libre, entier et éclairé", ils demandent à la France "d'éviter en particulier les rapatriements collectifs" et "d'œuvrer à des solutions pérennes". Ces observations ont été accueillies avec satisfaction par la LDH et la FIDH, qui se félicitent dans un communiqué que "le gouvernement français soit rappelé à l'ordre à propos des violences racistes et des récents renvois collectifs infligé aux Roms et des traitements discriminatoires frappant les gens du voyage". A la suite de ce communiqué nous reprenons un extrait des observations finales du CERD concernant la France. Dans la soirée du 24 août, on avait appris – voir ci-dessous – que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe avait également pris fermement position en déclarant notamment que : «L’antitsiganisme, qui constitue une forme particulière du racisme, devrait être combattu de manière efficace dans tous les pays européens».

Communiqué LDH et FIDH

Paris, le 27 août 2010

La France appelée par l’ONU à cesser sa politique et ses discours discriminatoires

La LDH et la FIDH se félicitent des observations et des recommandations adressées, ce jour, par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Cerd) à la France.

La LDH et la FIDH ne peuvent que regretter que le Cerd ait été pour la première fois contraint de demander aux autorités françaises de « condamner tous discours racistes ou xénophobes émanant des responsables politiques » afin que les discours politiques n’alimentent pas le racisme et la xénophobie à l’encontre de certaines catégories de la population.

Nos organisations partagent également les inquiétudes exprimées par les experts quant à la traduction prochaine de ce discours raciste en droit, à savoir l’adoption, à la rentrée, de mesures discriminatoires dans le domaine de l’accès à la nationalité fondées sur l’origine nationale.

Elles se félicitent que le gouvernement français soit rappelé à l’ordre à propos des violences racistes et des récents renvois collectifs infligé aux Roms et des traitements discriminatoires frappant les Gens du voyage.

Ces observations et recommandations reflètent également les déficiences de la politique française dans le domaine de la lutte contre les discriminations d’origine ethnique, notamment au travers du logement et de l’emploi.

La LDH et la FIDH constatent aussi que le comité partage ses inquiétudes face à une éventuelle disparition de la Halde au profit de la création d’un Défenseur des droits aux pouvoirs beaucoup plus diffus et limités et dont l’indépendance n’est pas assurée.

Enfin, la LDH et la FIDH regrettent que le gouvernement français se livre à des effets d’annonce parfois purement mensongers.

Laisser croire au Comité que les Copec (Commissions pour la promotion de l’égalité des chances et de la citoyenneté), installées dans les départements, constituent un outil efficace ou simplement existant, relève de l’affabulation pure et simple.

Annoncer sans aucune concertation préalable un plan national d’action contre le racisme, dont le projet était ignoré par toutes les parties prenantes, marque plus la nécessité dans laquelle s’est trouvé le gouvernement de trouver une parade aux critiques dont il était l’objet qu’une réelle volonté de modifier sa politique.

La FIDH et la LDH espèrent que, cessant de dénigrer le travail d’experts indépendants, le gouvernement français respecte ses obligations internationales et cesse de se réfugier derrière un nationalisme de mauvais aloi. Répondre aux critiques successives de plusieurs organismes internationaux de protection des droits de l’Homme par l’indifférence, voire par un rejet hautain ne fait que porter atteinte à l’image de la France et à sa crédibilité internationale.

Extrait du rapport du Cerd 1

Sujets de préoccupation et recommandations

10. Le Comité s’inquiète de la tenue de discours politiques de nature discriminatoire en France. Le Comité est en outre préoccupé de noter une augmentation récente des actes et manifestations à caractère raciste et xénophobe sur le territoire de l’État partie ainsi que sur le développement de discours racistes sur internet.

Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il aborde des questions liées aux composantes ethniques, raciales, culturelles ou étrangères de la population, d’affirmer dans ses discours et ses actions toute sa volonté politique en faveur de la compréhension, la tolérance et l’amitié entre nations, groupes raciaux ou ethniques. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’intensifier ses efforts afin de combattre et d’enrayer la montée du racisme et de la xénophobie en utilisant tous les moyens, notamment en condamnant fermement tous discours racistes ou xénophobes émanant des responsables politiques et en prenant les mesures appropriées pour combattre la prolifération d’actes et manifestations racistes sur internet (articles 2, 4 et 7).

11. Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles des mesures pourraient être prises dans les domaines de la citoyenneté avec des conséquences discriminatoires fondées sur l’origine nationale.

Le Comité recommande à l’Etat partie de s’assurer conformément à l’article 1, paragraphe 3 de la Convention, que toute mesure prise dans ce domaine n’ait pas pour effet de discriminer contre une nationalité quelconque.

12 Le Comité prend note des dispositions de l’article premier de la Constitution de l’État partie selon lequel la France est une République indivisible qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion, ce qui constitue la raison invoquée par l’État partie pour ne pas procéder à un recensement de la population fondé sur des indicateurs ethniques ou raciaux.

Le Comité réitère sa position selon laquelle la collecte de données statistiques a pour objectif de permettre aux États parties d’identifier et d’avoir une meilleure connaissance des groupes ethniques présents sur leur territoire, des types de discriminations dont ils sont ou peuvent être victimes, d’apporter les réponses et les solutions adaptées aux formes de discriminations identifiées et enfin de mesurer les progrès effectués. Le Comité recommande donc à l’État partie, conformément à ses Recommandations générales No. 24 (1999), concernant l’article premier de la Convention, et No. 30 (2005), concernant la discrimination à l’égard des non ressortissants, de procéder au recensement de la population de l’État partie sur la base d’une auto-identification ethnique ou raciale des individus, qui soit purement volontaire et anonyme.

13. Le Comité constate avec regret que, malgré les politiques récentes engagées en matière de lutte contre la discrimination raciale dans les domaines du logement et de l’emploi, les personnes issues de l’immigration ou issues de groupes ethniques au sens de la Convention continuent d’être victimes de stéréotypes et de discriminations de toutes sortes, qui font obstacle à leur intégration et à leur progression à tous les niveaux de la société française.

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour permettre une progression sociale des personnes issues de l’immigration ou issues de groupes ethniques au sens de la Convention dans tous les domaines, y compris à travers un plus grand nombre de nominations de personnes qualifiées issues de ces groupes à des postes d’autorité dans la sphère économique et au sein de l’État (articles 5 et 7).

14. Le Comité s’inquiète de la montée des manifestations et des violences à caractère raciste envers les Roms sur le territoire de l’État partie. Il prend note de la déclaration faite par l’Etat partie lors du dialogue avec le Comité, selon laquelle aurait été mis en place un cadre régissant le retour volontaire des Roms dans leurs pays d’origine. Le Comité note que depuis la présentation de son rapport par l’Etat partie, des informations font état de ce que des Roms ont été renvoyés de manière collective dans leurs pays d’origine, sans que n’ait été obtenu le consentement libre, entier et éclairé de tous les individus concernés.

Le Comité rappelle à l’État partie ses déclarations et lui recommande de veiller à ce que toutes les politiques publiques concernant les Roms soient bien conformes à la présente Convention, d’éviter en particulier les rapatriements collectifs et d’œuvrer à travers des solutions pérennes au règlement des questions relatives aux Roms sur la base du respect plein et entier de leurs droits de l’homme (articles 2 et 5).

15. Le Comité est aussi préoccupé par la situation difficile des membres de la communauté Rom quant à l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité invite instamment l’Etat partie à garantir l’accès des Roms à l’éducation, à la santé, au logement et autres infrastructures temporaires dans le respect du principe d’égalité et de prendre en considération à cet égard la Recommandation Générale No. 27 (2000) du Comité sur la discrimination à l’égard des Roms.

16. Le Comité reste très préoccupé par les difficultés rencontrées par les « gens du voyage », notamment dans leur liberté de circulation, l’exercice du droit de vote, l’accès à l’éducation et à un logement décent. A ce sujet, le Comité note avec préoccupation que malgré les recommandations formulées dans ses précédentes observations finales, l’État partie n’a toujours pas mis à la disposition des « gens du voyage » le nombre nécessaire d’aires d’accueil conformément à la loi du 5 juillet 2000 dite « loi Besson ». Le Comité se préoccupe aussi de l’obligation légale pour les « gens du voyage » de se munir d’un titre de circulation à renouveler périodiquement.

Le Comité invite instamment l’Etat partie à assurer aux « gens du voyage » l’égalité de traitement en matière de droit de vote et d’accès à l’éducation. Le Comité recommande la mise en œuvre accélérée de la « loi Besson » afin que la question d’aires illégales de stationnement ne se pose plus. Le Comité recommande également l’abolition des titres de circulation des « gens du voyage » afin de garantir une égalité de traitement entre tous les citoyens de l’État partie (articles 2 et 5).

17. Compte tenu du fait que l’Etat partie a accepté le principe de diversité linguistique et culturelle, le Comité se préoccupe de la mise en œuvre partielle de ce principe sur le territoire français.

Le Comité recommande à l’Etat partie d’intensifier ses efforts afin de garantir à tous, sans distinction de race, de couleur ou d’origine ethnique, le droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles (article 5 (e) (vi)).

18. Tout en appréciant les explications détaillées fournies par l’État partie sur les efforts entrepris dans les territoires d’outre-mer pour permettre une meilleure représentativité ainsi qu’une plus grande autonomie des peuples autochtones, le Comité se préoccupe du fait que le système actuel ne permet pas la reconnaissance de droits collectifs aux peuples autochtones, notamment s’agissant du droit ancestral à la terre. Le Comité est également préoccupé des difficultés grandissantes de certains habitants des territoires d’outre-mer d’accéder sans discrimination à l’éducation, l’emploi, le logement et la santé.

Le Comité recommande à l’État partie de permettre une reconnaissance de droits collectifs aux peuples autochtones, surtout en matière de droit de propriété. Il recommande en outre à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires en vue de la ratification de la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux. Le Comité recommande également à l’État partie d’intensifier ses efforts afin de permettre l’égalité d’accès à l’éducation, au travail, au logement et à la santé dans les territoires d’outre-mer (article 5).

19. Le Comité prend note du projet de loi sur le Défenseur des droits, mais il se préoccupe de la multiplicité des fonctions assumées par cette nouvelle institution et craint que le mandat de lutte contre les discriminations y compris la discrimination raciale, actuellement dévolu à la H.A.L.D.E ne soit plus que l’un des éléments du mandat du Défenseur des droits.

Conformément à sa recommandation sur le plan national de lutte contre la discrimination raciale, le Comité, tout en souhaitant une plus grande coordination entre les mécanismes étatiques pour traiter les problématiques liées à la discrimination raciale, recommande de maintenir une institution indépendante distincte ayant pour mandat la lutte contre les discriminations y compris la discrimination raciale. A cet égard, le Comité souligne l’importance du rôle de la H.A.L.D.E dans la lutte contre les discriminations, notamment la discrimination raciale (article 2).

20. Le Comité note avec satisfaction les progrès réalisés par l’État partie pour donner effet aux précédentes observations finales du Comité s’agissant de la question des pensions des anciens combattants (CERD/C/FRA/CO/16, par. 24). Il note également la décision du Conseil Constitutionnel du 28 mai 2010 déclarant comme contraire au principe d’égalité de traitement certaines dispositions des lois de finances de 1981, 2002 et 2006 en la matière.

Le Comité encourage l’État partie, à permettre la pleine application de cette décision, en veillant à ce que tous les anciens combattants, quel que soit leur lieu de résidence actuelle ou leur nationalité, soient traités de manière égale et prie instamment l’Etat partie de s’assurer de ce que toutes les lois de finance adoptées à l’avenir ne soient plus de nature discriminatoire à l’égard des anciens combattants (article 5).

21. Ayant à l’esprit le caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à considérer les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions ont un effet direct sur la question de la discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990).


Dans un rapport publié le 15 juin 2010, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe avait manifesté son inquiétude devant la persistance en France des discriminations raciales, qui « “touchent particulièrement les musulmans, les gens du voyage et les Roms” – voir cette page.

Le Conseil de l’Europe rappelle à l’ordre la France sur les Roms

[Reuters – le 24 août 2010 21h28] – La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (Ecri), un organe du Conseil de l’Europe, a mis en garde mardi la France contre une stigmatisation des Roms.

Cette déclaration publique, une démarche exceptionnelle de la part de ce collège d’experts des 47 Etats membres, fait suite au démantèlement de campements illégaux demandé fin juillet par le président Nicolas Sarkozy dans un discours où il faisait un lien entre délinquance et immigration.

« Ces dernières semaines, des déclarations politiques de responsables de haut rang ainsi que des actions menées par le gouvernement ont stigmatisé les Roms migrants », déclare l’Ecri.

« Ceux-ci sont présentés collectivement comme auteurs d’infractions pénales et sont en particulier caractérisés comme seuls responsables d’abus de la réglementation européenne en matière de liberté de circulation », ajoute la commission.

L’Ecri rappelle avoir demandé en juin aux autorités françaises de combattre les attitudes racistes vis-à-vis des Roms et de « respecter les droits sociaux » de cette population et exprime « sa déception face à cette évolution particulièrement négative ».

« Une politique fondée sur des expulsions forcées et des mesures ‘incitant’ à quitter la France ne peut fournir une réponse durable », ajoutent les experts européens.

« L’antitsiganisme, qui constitue une forme particulière du racisme, devrait être combattu de manière efficace dans tous les pays européens », concluent-ils. […]

Gilbert Reilhac, édité par Jean-Baptiste Vey

  1. Référence :
    les observations finales du Cerd – http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/co/CERD-C-FRA-CO-17_19.doc –
    sont accessibles à partir de cette page
    http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/cerds77.htm
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