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Édition du 1er au 15 décembre 2024

La Nouvelle Calédonie va-t-elle
interrompre sa décolonisation ?

La date prévue pour le prochain référendum en Kanaky-Nouvelle Calédonie est le 6 septembre 2020. Le FLNKS, réuni le 22 mai en Bureau politique élargi, s’est prononcé pour un report de la date du référendum au 25 octobre ou au 1er novembre. Ceci, parce que le second tour des élections municipales étant fixé au 28 juin, le délai entre cette échéance et le 6 septembre est trop court pour une campagne spécifique au référendum. De son côté, le président de l’Union calédonienne a publié le 18 mai une lettre ouverte que nous reproduisons. Il constate que certains élus calédoniens et certains représentants de l’Etat ne se soumettent pas aux règles sanitaires qui régissent la sécurité des Calédoniens. S'ils devaient persister dans cette attitude, l’Union calédonienne appellera la population à protéger le pays par toutes les voies possibles et elle l'assumera.

Lettre ouverte du président de l’Union calédonienne

par Daniel Goa, le 18 mai 2020 Source : Bulletin Solidarité Kanaky, n° 7, juin 2020. L’actualité du moment appelle les responsables de l’Union calédonienne à réagir et il est aussi de mon devoir d’informer la population calédonienne et nos militants. Par deux lois d’urgence sanitaire, n° 2020-290 du 23 mars 2020 et n° 2020-546 du 11 mai 2020, ainsi que l’ordonnance n° 2020-463 du 22 avril 2020, l’Etat en légiférant sous la nécessité d’urgence sanitaire, a enfreint le principe constitutionnel d’irréversibilité de l’Accord de Nouméa. Il nous écarte de fait de la compétence transférée par l’article 22-4 de la loi organique du 19 mars 1999, celle de « la protection sociale, hygiène publique et santé, et du contrôle sanitaire aux frontières. Ce qui remet gravement en cause notre processus politique de l’Accord de Nouméa qui nous a permis de formaliser la notion de peuple calédonien, prélude d’une future souveraineté dont l’enjeu politique a été pendant ces 20 ans, de sceller notre communauté de destin. Ces dispositions juridiques que nous pouvons comprendre pour la Métropole, dont l’objectif actuel de gestion de crise, est de gérer une infestation modérée du virus Covid-19, n’est pas compatible avec la logique sanitaire d’un « Covid-free country », c’est ce qui nous diffère dans nos stratégies. Notre vision sanitaire a parfaitement fonctionné, puisque les 18 cas que nous avons traités étaient tous exogènes et tous en provenance de la Métropole. Cette stratégie de haute sécurité sanitaire coûte aux contribuables calédoniens, plusieurs milliards de nos deniers publics. C’est le prix que nous payons pour le refus de fermer les frontières de la part du représentant de l’Etat en mars dernier, contre l’avis éclairé de la DASS. Cet enjeu de maintenir un pays indemne est aussi d’ordre économique puisque tous les pays de la région, réfléchissent et organisent un hub Covid-free pour relancer leur industrie touristique respective. Appliquer aveuglement des règles édictées par le pouvoir central depuis Paris nous exclura de cette opportunité économique à un moment où nous en avons le plus besoin. Être une population indemne c’est aussi pour nous Calédoniens, la liberté à l’intérieur de nos frontières, la levée de toutes nos entraves et la liberté pour nos travailleurs et nos entreprises de retrouver très rapidement un retour à une activité normale. En se subrogeant à notre compétence sanitaire, on peut penser que l’Etat impose aux calédoniens, au nom d’une vision jacobine de la gestion de crise, une solidarité virale et une continuité de contamination. Le Peuple Kanak a déjà payé un trop lourd tribut dans son histoire. Notre conscience collective est marquée indélébilement des affres des épidémies de grippes et autres qui décimèrent 80% de notre population. Un quasi-génocide sanitaire !! Que nous ne voulons plus revivre. Le plus étonnant est l’attitude de ces élus non-indépendantistes qui soutiennent sans réserve cette politique de l’Etat pour des hypothétiques milliards que nous devrons tous rembourser par nos impôts. Ces mêmes élus qui s’activent politiquement à l’approche du référendum, présentent la France comme un état providence, alors qu’il agit simplement dans le cadre de sa compétence régalienne en matière de monnaie crédit. Cet argent n’est pas gratuit et nous devrons le rembourser au taux de 1,40% sur 25 ans. Ce qui nous en coûtera 34 milliards dont 5,3 milliards d’intérêts avec une échéance mensuelle de 113 millions. Vous constaterez que l’Etat fait aussi, de bonnes affaires par le biais de sa compétence. L’Etat dans le cadre de l’article 21-16 de la loi organique est dépositaire de la compétence de la desserte maritime et aérienne entre la Nouvelle-Calédonie et les autres points de la République. Elle fait de cette disposition un enjeu capital de souveraineté nationale.

Des militaires et des représentants de l’Etat s’affranchissent des règles sanitaires

Des militaires entrent, des gendarmes repartent malgré des déclarations publiques contraires, des non-résidents sont étonnamment enregistrés sur des vols alors qu’ils ne rentrent pas dans les critères d’éligibilité. Nos eaux territoriales sont devenues le Hub du Pacifique pour les navires battant pavillon Français. Ces équipages refusent souvent la « quatorzaine » et disparaissent dans la nature. A bord de l’Airbus A400 en provenance de Tahiti, l’équipage est arrivé avec la personne atteinte du Covid 19, 59ème cas déclaré à Tahiti. Le gouvernement tahitien a refusé sa prise en charge et a prié les militaires de repartir avec leur personnel contaminé. Cet équipage, tous personnes en contact et le malade contaminé ont été exonérés de contrôle aux frontières, de déclarations phytosanitaires et de contrôles douaniers et ils ont passé clandestinement une nuit en Nouvelle-Calédonie avec l’aval des autorités militaires et du Haut-commissaire. La nuit dernière, 62 militaires sont encore rentrés sans passer par les contrôles d’immigration, de douanes et ne se sont pas soumis aux déclarations phytosanitaires. De qui se moque-t-on dans ce pays, nous sommes en train d’exposer dangereusement nos populations. Ce Haut-commissaire et ce général doivent rendre des comptes publiquement et quitter notre Pays et qu’ils nous fassent grâce de leurs tromperies et de leurs mensonges lors de déclarations médiatiques sur nos médias pour apaiser les coutumiers et les calédoniens. Ils bafouent la sécurité des résidents calédoniens en agissant de façon irresponsable au mépris de la vie d’autrui. Nous constatons encore une fois que l’Etat, par cette loi scélérate et arbitraire, renie sa parole scellée dans le marbre de la constitution en balayant un accord politique dont on connait la genèse, l’histoire et les enjeux. La crise du Covid 19 oblige l’ensemble des élus calédoniens à protéger en priorité nos populations. Notre situation sanitaire est particulière et n’est pas comparable à la métropole. Nos particularismes sociétaux doivent être pris en compte car nous revendiquons l’exception sanitaire en refusant toute solidarité virale avec l’hexagone.


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Bulletin Solidarité Kanaky, n° 7, juin 2020.

[Le site de Solidarité Kanaky/rouge]



Une fois encore, ce fait qui devient récurrent dans notre courte histoire politique, démontrent que l’Etat nous reprend d’une main ce qu’il nous a donné de l’autre. La première trahison fût celle de 1967 avec la fin du statut cadre et de l’autonomie négociée contre l’indépendance. Puis vint celle de 1969 avec les lois Billote qui supprimèrent la compétence sur nos ressources naturelles et notamment le nickel. Ces malencontreux renoncements à la parole donnée, ont conduit le peuple Kanak à se prononcer six ans plus tard, en faveur de l’indépendance alors qu’il était autonomiste. En 1984, la parole donnée en 1983 lors de la table ronde de Nainville-les-Roches, fût bafouée et reprise dans le cadre du statut Lemoine. Cette trahison avait suscité la création du FLNKS, front de libération du peuple Kanak, outil juridique nécessaire pour intégrer la liste des pays à décoloniser. Les événements du 18 novembre 1984 qui en découlèrent, furent aussi la conséquence de cette situation. Aujourd’hui, par une simple loi, l’Etat se défait de sa parole et des engagements forts que nous avons négociés, décidés en commun et mise en œuvre. La spoliation de cette compétence par l’Etat donne un signe positif aux partisans du Non pour le second référendum en montrant qu’il reste l’Etat de tutelle de ce pays. Dès lors les dés sont pipés et sa partialité apparait au grand jour. Nous constatons depuis ces lois, les dérives souverainistes des représentants de l’Etat et surtout une grande proximité, véritable collusion avec les anti-indépendantistes. L’Etat prend un virage partial et s’inscrit totalement dans la logique de déni de l’Accord de Nouméa, entre autres et de façon non exhaustive : • Par le fait du prince, le Haut-commissaire s’adjuge arbitrairement le droit de choisir ses interlocuteurs calédoniens en refusant de discuter avec le gouvernement collégial et solidaire. C’est un excès de pouvoir de méconnaitre cette collégialité et une remise en cause d’un des pivots politiques fondateurs de l’Accord et de la loi organique du 19 mars 1999. • Le Haut-commissaire se subroge en excès de pouvoir, au Président du gouvernement qui est le chef de l’administration du Pays en créant sa propre cellule de crise. Il s’entoure d’experts qui sont issus en majorité des services de la Nouvelle-Calédonie. Ainsi le contribuable calédonien paie pour l’Etat. • Il décide arbitrairement et illégalement de choisir le Président du gouvernement et la Présidente de la Province Sud comme seuls interlocuteurs. Les articles 126 à 152 de la loi organique n’ouvrent pas au Président de cette institution collégiale, de tels champs de prérogatives et il n’y aucune compétence qui justifierait l’omniprésence de la Présidente de la Province Sud. Laquelle, activiste infatigable dans cette crise, pour promouvoir et vendre ce « front du NON » au référendum avec l’Etat qu’elle a pleinement associé et avec lequel, elle a trouvé une complicité inespérée pour mener sa campagne du « Non ».

Nous prenons acte et nous aviserons de la conduite politique à tenir

Le secrétaire général de l’Etat, Laurent Cabrera, rentré récemment de l’étranger durant la période de confinement, s’est exonéré de toutes les obligations sanitaires locales qui s’imposaient à lui. Le haut-commissaire lui-même, personne en contact dans le cadre du cas Préault, s’est également exonéré de l’obligation de confinement au CISE de Koutio, tout comme la Présidente de la Province Sud et le Président du gouvernement mais aussi, certains autres élus membres de la cellule de crise, eux aussi personnes en contact. Voilà bien peu de considération et de respect pour nos populations et nos institutions. En comparaison, Madame la Consul de Nouvelle-Zélande arrivée ce week-end, s’est très respectueusement soumise aux règles de confinement comme tous les voyageurs arrivants. Une marque de respect pour les Calédoniens qui apprécieront. Je constate que certains élus calédoniens et certains représentants de l’Etat ne se soumettent pas aux règles sanitaires qui régissent la sécurité des Calédoniens. Ces dérives comportementales deviennent contagieuses. Ces derniers jours, c’est le procureur de la République qui s’affichait publiquement et s’acoquinait triomphalement aux côtés de la présidente de la Province Sud. Dans une communication au journal de 20H sur NC la 1ère, Ils distillaient à l’unisson la recette magique d’une chasse à peine déguisée aux petits Kanak et Océaniens pour lutter contre la délinquance de notre jeunesse. Encore une des hérésie miracle d’un pouvoir de droite qui ne peut pas accepter que ce pays est Kanak qu’il le restera à jamais et que les Kanak seront toujours chez eux. Cette communication publique bafoue le sacro-saint principe de la séparation constitutionnelle des pouvoirs de l’Etat. Ce procureur est d’ailleurs moins vaillant et plutôt muet avec la délinquance en col blanc ou encore les délits de blanchiment d’évasion fiscale, qui gangrènent le pays et représentent un manque à gagner de plusieurs milliards chaque année dans les caisses du Territoire. Ce dont on aurait bien besoin en ce moment de crise. Il est vrai qu’il est plus facile de supprimer des allocations à des petites familles pauvres qui ne peuvent pas se défendre, plutôt que de s’attaquer à une complicité permissive de l’Etat qui concoure au pillage de notre matière première depuis 130 ans et l’évasion fiscale des revenus de notre nickel. Que dire de cet avocat, devant normalement être confiné au CISE, qui s’est promené pendant 10 jours dans les travées du tribunal lors d’audiences publiques alors qu’il était infecté. Il a d’ailleurs été hospitalisé au médipôle. Que sont devenues toutes les personnes en contact qu’il a côtoyées ? Étonnement aucun personnel de l’institution judiciaire n’a été confiné au CISE. Le procureur, garant de la société aurait peut-être dû intervenir ou peut-être en bon citoyen, aller lui-même au CISE. La « collusion du NON » entre un état partial, ses représentants et les partisans du « Non » est de plus évidente et s’affiche au grand jour. Cette collusion, sous couvert d’une crise sanitaire, en plus de s’installer aux commandes du pays, subliminalement s’invite dans le débat du référendum et de la conscience du peuple calédonien. La nostalgie de la sujétion des peuples est hélas toujours bien vivace parmi nos colonisateurs et elle est digne de l’état d’esprit qui a prévalu lors des prises de possession unilatérales de 1841 et 1853. Nous ne laisserons pas mettre en danger nos populations car le traumatisme des ravages des grippes coloniales ayant anéanti 80 % de la population Kanak, est encore très ancrée dans la mémoire collective de notre peuple. Cette raison à elle seule, justifiera pour nous, de partir sur « le terrain ». Chacun prendra ses responsabilités. L’Union calédonienne ne s’interroge plus sur la nécessité de poursuivre le dialogue sur l’avenir politique de la Nouvelle-Calédonie avec un interlocuteur partisan et déloyal. Le temps est venu d’envisager une nouvelle stratégie politique dans le cadre uniquement d’une relation colonisé-colonisateur et à l’aboutissement à un résultat très rapidement dans le temps. Notre priorité est d’abord de protéger tous les Calédoniens et pour ces manquements graves, l’Union calédonienne demande officiellement : • Le renvoi du Haut-commissaire et de ses équipes, du Commandant des forces armées qui a laissé clandestinement rentrer et sortir ses militaires, ses gendarmes, son équipage en partie infesté et ces 62 hommes cette nuit encore. A ce niveau hiérarchique, ces faits sont graves et ne peut pas être le fait d’un excès de pouvoir maladroit ou d’une faute, ils relèvent plus d’une volonté dont on cherche à comprendre les aboutissements. • De suspendre toutes les dérogations de vol en provenance de l’étranger et de Métropole tant que le corpus de lois prises dans le cadre de l’urgence sanitaire en métropole, ne soit retiré pour la Nouvelle-Calédonie.
Si ces autorités devaient persister dans cette volonté de lever les barrières de confinement, si des citoyens résidents ou non devaient faire valoir leur droit en justice pour ne subir le confinement, nous nous organiserons nous mêmes par un appel à la population pour protéger notre pays par toutes les voies possibles et nous assumerons. Je suis certain que la population calédonienne que j’appellerai à nous rejoindre, nous apportera tout son soutien et sa solidarité car il y va de son avenir, de la vie de ses enfants, de sa santé et de celle de ses vieux.


Dernière minute

Le référendum sur l’accession à la pleine souveraineté
de la Nouvelle-Calédonie reporté au 4 octobre

Le Monde, samedi 30 mai Source La date de cette deuxième consultation était initialement fixée au 6 septembre. Le premier scrutin référendaire, le 4 novembre 2018, avait vu le non à l’indépendance l’emporter par 56,7 % des suffrages. Dans un communiqué de presse publié dans la nuit du vendredi 29 au samedi 30 mai, le premier ministre, Edouard Philippe, annonce avoir transmis au président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, Thierry Santa (droite loyaliste), et au président du Congrès, Rock Wamytan (indépendantiste), un courrier proposant de reporter la date du deuxième référendum sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, initialement fixée au 6 septembre, au dimanche 4 octobre. Ceci, indique-t-il, afin de « garantir le caractère irréprochable de l’organisation du référendum ».

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