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La Nouvelle-Calédonie-Kanaky
à trois mois du troisième référendum
sur son indépendance
a rendu hommage au chef Ataï

Le troisième référendum sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie-Kanaky prévu dans l’Accord de Nouméa de 1998 se tiendra le 12 décembre 2021. Les deux précédents scrutins ont été marqués par une nette progression du vote pour l'indépendance. A quelque trois mois de cette échéance qui pourrait représenter un moment décisif dans la décolonisation du territoire, la dépouille du guerrier kanak à la tête de la révolte de 1878 dans la région de Fonwhary sur la côte ouest contre l'accaparement des terres par la colonisation, a été l'objet d'un hommage important. En août 2014, la France avait restitué les restes d'AtaÏ à ses descendants. Le 1er septembre 2021, ils ont été inhumés solennellement dans un mausolée « à la mémoire du chef Ataï et et des victimes de l'insurrection de 1878 ».

Progrès et unité des indépendantistes à l’approche de troisième référendum sur l’indépendance de la Kanaky

par Jean Sylvestre, pour histoirecoloniale.net Le 12 décembre 2021, le troisième référendum sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie – Kanaky se tiendra tel que prévu dans l’Accord de Nouméa de 1998. Cette date rapprochée (quatorze mois après le deuxième référendum) répond au souhait et à la crainte des partisans du Non, qui, après la surprise d’une avance plus faible que prévue lors du premier référendum (56%-43%) , ont vu leur score encore reculer lors du second (53%). Cette date du 12 décembre est le fruit de la réunion convoquée fin mai 2021 par le gouvernement en présence d’une partie seulement des indépendantistes : le manque de rencontre préparatoire avait fait craindre aux absents une place de figurant dans un déroulé décidé par le gouvernement. Plusieurs faits survenus cette année indiquent que l’Etat français n’a pas abandonné l’idée de peser sur le scrutin. Ainsi le gouvernement a soutenu le projet de reprise par Vale de l’usine Nickel du sud. Ce projet engage le territoire sur une longue durée ; en mai 2021 ses opposants kanak qui occupaient le site ont été violemment réprimés. Autre fait, le 16 juillet, le Haut commissaire de la République en Nouvelle Calédonie présentait un document de 104 pages titré « Les conséquences du “oui” et du “non” ». Consacrant trois fois plus de pages aux conséquences d’une victoire du « Oui » qu’à celle du « Non », ce document gouvernemental fouillé recense la multitude de sujets qu’une Nouvelle Calédonie indépendante devra traiter. Il met explicitement en garde sur les difficultés par exemple d’accès à l’OMC qui « peut se révéler une procédure relativement longue », et de citer l’exemple du voisin mélanésien, le Vanuatu, qui a attendu 32 ans ce sésame. Le sous-texte au final est clair :  l’indépendance est-elle bien raisonnable, avec tous ces défis qui semblent bien grands pour un petit pays ? En même temps, au fil des pages, transparaît une forme de bienveillance mâtinée de paternalisme, si ce n’est de condescendance : la France pourra faciliter telle ou telle démarche. Le document est d’ailleurs ponctué d’encadrés titrés « qu’est-il attendu de la France ? ».

L’union des indépendantistes

Sur place, la situation politique a évolué en ce début de campagne. En effet, après des mois de blocage, Louis Mapou UNI-FLNKS a été élu le 8 juillet à la tête du gouvernement de la Nouvelle Calédonie.
Louis Mapou
Louis Mapou
« La scène est historique » écrivait Le Monde. Roch Wamytan, UC-FLNKS (l’autre composante du FLNKS) était, lui, réélu à la tête du congrès du territoire. Les deux principales institutions sont donc maintenant présidées par un indépendantiste. Et pourtant… le Pacifique ne s’est pas vidé !
Roch Wamytan
Roch Wamytan
De plus, le 22 août 2021, une réunion de toutes les composantes du camp indépendantiste, nationaliste, progressiste et des membres de la société civile a adopté la motion finale suivante :

  • Réaffirmons l’objectif commun de la pleine souveraineté de notre Pays
  • Appelons les forces vives, nos coutumiers, les églises, la jeunesse, les femmes, les artistes… à la mobilisation nationale pour un OUI massif lors de l’ultime consultation référendaire prévue par l’accord de Nouméa ;
  • Nous engageons ensemble dans la campagne nationale pour l’avènement d’une Nation fraternelle, libre, démocratique et solidaire ;
  • Décidons d’instituer une Direction Nationale Commune pour porter cette stratégie unitaire ;
  • Engageons nos responsables à poursuivre les travaux autour du projet de société, de l’actualisation du projet de constitution et sa viabilité économique et financière ;
  • Décidons de renforcer le travail autour des abstentionnistes, des procurations et des bureaux de votes délocalisés (BVD)
  • Dénonçons les actions de déstabilisation orchestrées par la puissance de tutelle durant cette phase finale de l’accord de Nouméa (presse, jugement de la cour d’appel sur la septaine…) ;
  • Dénonçons le parti pris du document du Oui et Non de l’Etat qui n’est autre qu’un réquisitoire contre le oui ;
  • Engageons nos militants et responsables à consolider et à développer les dynamiques autour des relations internationales ;
  • Demandons à la majorité Océanienne au congrès et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d’impulser sans attendre les réformes visant à combattre les multiples inégalités sociales ;
  • Décidons de nous réunir à nouveau au lendemain du 12 décembre.


    La Nouvelle-Calédonie a rendu hommage à la dépouille d’Ataï

par Claudine Wéry, Nouméa correspondante, publié par Le Monde le 4 septembre 2021 Source A quatre mois du référendum sur l’autodétermination, la Nouvelle-Calédonie célèbre, le 1er septembre, la mémoire du premier révolutionnaire kanak tué en 1878, lors d’une cérémonie d’inhumation de son crâne restitué par l’Etat en 2014. Réconcilier les mémoires de cette terre violente. C’est un des enjeux du maintien de la paix en Nouvelle-Calédonie dont la décolonisation graduelle sera marquée, le 12 décembre, par un troisième référendum d’autodétermination. A quelques mois de cette échéance cruciale, se prépare pour le 1er septembre une cérémonie inédite autour du premier révolutionnaire kanak : le chef de guerre Ataï. « C’est la première fois qu’on va célébrer ensemble une figure de division », confie Nicolas Metzdorf, maire de La Foa, fief caldoche. « Il faut permettre à toutes les communautés ethniques de ce pays de se fédérer autour de cet emblème national kanak », lui répond Cyprien Kawa, descendant de l’historique insurgé.
Les cercueils contenant les crânes d’Ataï et de son Dao (« sorcier »)
Les cercueils contenant les crânes d’Ataï et de son Dao (« sorcier »)
Icône kanak, Ataï prend la tête en 1878 d’un soulèvement qui, pendant plusieurs mois, va embraser la colonie où la France exile ses prisonniers et tente de sédentariser des pionniers. De tous côtés, l’administration coloniale rogne les terres, repoussant les indigènes au fond des vallées infertiles. Quand elle s’accapare la région de Fonwhary sur la côte ouest, elle se heurte à la résistance d’une mosaïque de clans établis autour de tertres symbolisant le lien charnel et spirituel avec l’espace naturel. La divagation du bétail des colons, qui piétine et dévore les cultures, et le vol des femmes achèvent d’exaspérer les esprits. Le 25 juin 1878, à l’aube, Ataï, natif du clan Daweri, et des guerriers armés de sagaies, de flèches et de casse-têtes, prennent d’assaut la brigade de La Foa, massacrent cinq gendarmes et s’emparent de toutes les armes et munitions du poste. Puis ils investissent des fermes et assassinent tous leurs occupants, hommes, femmes, enfants. Unies par des liens matrimoniaux, les tribus de la côte ouest se soulèvent les unes après les autres, provoquant une razzia sans merci contre l’armée coloniale. Pour venir à bout d’insurgés mobiles et maîtrisant parfaitement le terrain, les militaires font appel à des auxiliaires kanak de la région de Canala. Le 1er septembre 1878, alors qu’Ataï est encerclé, l’un d’eux décoche une flèche dans le bras du guerrier et l’achève à la hache. Immédiatement sa tête est tranchée puis expédiée, dans un bocal d’alcool phéniqué, à la Société d’anthropologie de Paris. La révolte a fait 1 000 morts dans les rangs des rebelles kanak tandis que tous les clans rescapés sont déplacés un peu partout dans l’archipel.

« On a trouvé un équilibre »

Cent trente-six ans plus tard, le 28 août 2014, l’Etat a restitué à leurs descendants les crânes d’Ataï et de son Dao (« sorcier »). Longtemps réclamés, on les disait perdus, avant qu’ils soient « retrouvés » sur les étagères du Muséum d’histoire naturelle de Paris. Conservés depuis au Petit-Couli par la tribu du clan Kawa, les cercueils abritant les crânes rejoindront, le 1er septembre, un mausolée à l’occasion d’une cérémonie, qui comme l’indique sa plaque en granit salue « la mémoire du chef Ataï et des victimes de l’insurrection de 1878 » : insurgés, militaires, gendarmes, supplétifs kanak et colons. Sur cinq hectares, le site dessine une enclave dans des propriétés d’agriculteurs caldoches, héritages des concessions attribuées aux colons libres ou aux libérés. Tout un symbole. « Ce n’était pas gagné au départ car Ataï a massacré des Blancs, mais on a trouvé un équilibre », raconte Nicolas Metzdorf, dont la mairie a financé une plaque à la mémoire des trente-deux colons, tués le premier jour de la révolte.

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Cheville ouvrière du projet, le comité mémoriel rassemble l’Etat, qui a apporté 44 % du financement (580 000 euros en tout), les coutumiers, les collectivités et l’Association des pionniers. « C’est un projet pays, qui montre que la Nouvelle-Calédonie est capable de regarder son passé et de se tourner vers l’avenir », se félicite Carine Farault, secrétaire générale adjointe du Haut-Commissariat de la République. Avec plus de réserve, Yvon Kona, dignitaire coutumier de l’aire Xârâcùù, devenu dimanche 29 août président du Sénat coutumier, pense lui qu’il « en faudra plus pour réparer tout ce que les Kanak ont subi depuis la colonisation », tout en admettant que « les mentalités calédoniennes ont beaucoup changé ».

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