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Gallus gallicus

“la Marseillaise” obligatoire à l’école

L'apprentissage de l'hymne national français1 et de son histoire deviennent obligatoires en cette rentrée 2005, comme le prévoyait la loi Fillon. L'accueil des instituteurs est mitigé. Nous proposons que les élèves soient également amenés à commenter la phrase suivante attribuée à Stefan Zweig : « Quand les drapeaux sont déployés, toute l'intelligence est dans la trompette.»

C’est officiel : d’après la loi Fillon, l’apprentissage de la Marseillaise, l’hymne national français, et de son histoire deviennent obligatoire à partir de la rentrée 20051.
La circulaire de rentrée, publiée mercredi 31 août, précise que le primaire « offre un enseignement d’éducation civique qui comporte obligatoirement l’apprentissage de l’hymne national et son histoire« .

Les programmes officiels du primaire comprenaient déjà l’enseignement des grands symboles nationaux de la France et de la République (hymne, drapeau, fête nationale etc.) depuis 2002. Mais les paroles de l’hymne n’étaient cependant pas systématiquement apprises jusque là.

« Appartenance à une communauté »

Pour Gilles Moindrot, secrétaire général du principal syndicat des enseignants de primaire (SNUIPP-FSU), cette mesure est « dérisoire » au regard de la lutte à mener contre l’échec scolaire. Elle est pourtant selon lui « légitime pour donner aux enfants le sens d’une appartenance à une communauté« . Il note qu' »une présentation sans aucune aide historique serait dangereuse » face à des paroles comme « sang impur » ou « bras vengeur« .

Luc Berille, secrétaire général du SE-Unsa dénonce pour sa part une décision « idéologique et non pédagogique » qu’il compare à la récente loi sur la « présentation positive du colonialisme« . Selon lui, « on est dans un exercice de perroquets consistant à répéter des mots incompréhensibles si on ne les remet pas dans un contexte historique« .

Composé en 1792

Le « chant de guerre pour l’Armée du Rhin » fut composé en 1792, après la déclaration de guerre de la France à la Prusse et à l’Autriche, par un capitaine du génie, Claude Rouget de Lisle. Il changea de nom après avoir été adopté par les volontaires marseillais qui participèrent à l’insurrection révolutionnaire des Tuileries le 10 août de la même année.

L’hymne guerrier devint national en 1879 sous la IIIe République et fut chanté dans les écoles. Son statut fut confirmé dans les Constitutions de 1946 et 1958.
Plusieurs hommes politiques, du PS à l’extrême droite, se sont indignés ces dernières années que l’hymne ait été sifflé lors d’un match France-Algérie et qu’il soit mal connu de la jeunesse.

L’enseignement de l’hymne est obligatoire dans plusieurs pays européens (Grèce, Russie, Turquie, Serbie, Autriche, Pologne notamment).

En revanche, il n’existe aucune obligation de ce type pour le « God Save the Queen » britannique, la « Brabançonne » belge ou le Wilhemus néerlandais. En Espagne, ce type d’enseignement a été supprimé car il évoquait la dictature.

Figurant également dans la loi Fillon, l’enseignement du fait religieux, déjà pratiqué dans beaucoup d’établissements, n’a pas été formalisé dans la circulaire de rentrée. « Nous devons avoir une analyse de fond sur le contenu de cet enseignement, qu’il soit inscrit dans la formation des enseignants« , a expliqué le cabinet de Gilles de Robien, qui n’a pas dit s’il apparaîtrait dès la prochaine rentrée.

[Source : le site du Nouvel Observateur.]


Désaccords citoyens

par Jacqueline Remy [L’Express du 18 août 2005]

Les hymnes nationaux sont de plus en plus contestés. Mais les dépoussiérer pose problème

C’est reparti. Périodiquement, dans tous les Etats du monde, on s’en prend à l’hymne national. Trop boudé, trop sifflé, trop belliqueux, trop méconnu. Ou politiquement incorrect. Le 25 juillet, le président du conseil général de l’Isère, André Vallini, a écrit au ministre de l’Education nationale pour lui demander que La Marseillaise de 1792 soit enseignée et expliquée aux écoliers. Il voudrait surtout qu’on y ajoute deux couplets, l’un européen – «Allons enfants de nos 25 pays […]» – l’autre mondialiste – «Aux peuples de la terre, ouvrons tout grands nos cœurs, ensemble, ensemble, faisons naître demain un monde meilleur». Geneviève de Fontenay, elle, a proposé que l’on remplace «Qu’un sang impur abreuve nos sillons» par «Qu’un air pur inonde la nation»…

En Suisse, c’est une parlementaire socialiste qui, soutenue par 39 de ses pairs, a déposé une motion auprès du Conseil national afin de modifier l’hymne patriote, le Cantique suisse, qu’elle juge désuet, patriarcal, peu compréhensible et trop religieux. «C’est un psaume écrit par un abbé au XIXe siècle». Il se conclut par ce cri: «Suisse, espère en Dieu toujours! Vis la foi de tes aïeux, vis comme eux! […]» Toute la première semaine d’août, la radio TBS 1 a proposé un grand concours de nouvelles versions du chant national, avec vote des auditeurs.

Censé exprimer l’identité du pays, l’hymne doit-il épouser les valeurs de l’époque ou symboliser son patrimoine? Faut-il l’adapter, au risque de le diluer, ou le conserver pieusement comme un monument historique? Certains Etats ont tranché. En Afrique du Sud, en 1994, un nouvel hymne, mi-anglais, mi-afrikaans, a scellé la fin de l’apartheid. L’Allemagne n’a cessé de réécrire son credo sans changer de mélodie (Haydn). Même le Rwanda, en 2001, a nettoyé son hymne de toute référence ethnique. En Russie, le président Poutine a rétabli l’ancien hymne soviétique – supplanté sous Eltsine par le chant tsariste – en en réformant le texte. Il paraît qu’il n’émeut guère. Tout le problème est là. Encore faut-il avoir envie de chanter ensemble. Ainsi l’Europe, qui a adopté l’Ode à la joie de Beethoven, se cherche-t-elle toujours des paroles communes. Quant à La Marseillaise, le ministre de l’Education étudie les modalités de son apprentissage. La loi Fillon l’a mise au programme. Pour la modifier, en revanche, il faudra un vote au Parlement.


Gallus gallicus
Gallus gallicus

L’avis de Janine Perrimond

[RTL – émission C’est juste mon avis du 21 février 2005]

Probablement y a-t-il des générations entières – jeunes, moins jeunes – qui vont doucement rigoler à cette idée. « Allons enfants de la patrie ! » D’abord, ils connaissent ! C’est ce qu’on entend à l’occasion d’épreuves sportives. Surtout quand c’est la France qui gagne. Mais quoi de mieux pour dégoûter les élèves qu’une loi, qui les oblige à chanter » qu’un sang k’impur » – notez la liaison, c’est la bonne. Faut dire : « un sang impur, abreuve nos sillons ». Puis, franchement, même en cherchant bien, on voit pas en quoi ça peut régler le moindre problème, dans les écoles, collèges, lycées. A se demander si les députés ne se sont pas fait un peu plaisir en votant ça ? Eux qui ont dû remballer tellement de réformes, qui auraient pu modifier l’enseignement. Se rattraperaient-ils sur un symbole ? Qui ne changera pas grand chose dans les salles de cours. Peut-être…

Sauf que pendant des années, cette question de ce qui fait l’identité d’un pays a été laissée à l’extrême droite. Or, depuis quelque temps, tous les partis, dans la plupart des pays européens, y reviennent. Ils ont pris conscience du problème. Par exemple, on parle d’apprentissage obligatoire de la langue, de cérémonies pour célébrer l’acquisition de la nationalité, de rituels républicains. Et c’est très bien ! Si on veut vivre ensemble, eh bien il faut mettre en avant ce que nous avons en commun ! Dommage que ça passe par un hymne aux couplets guerriers qui reflète pas exactement l’air du temps. Alors, pourquoi pas un hymne européen ? Là, faut dire qu’on aurait du mal à l’apprendre aux élèves. Il y en a « L’Hymne à la Joie », de Beethoven. On l’a voulu sans paroles. C’est peut-être pas un hasard ! Enfin c’est juste mon avis…

  1. Dans le cadre du projet de loi d’orientation sur l’école, les députés avaient adopté dans la nuit de vendredi à samedi 19 février 2005 un amendement du député Jérôme Rivière UMP (Alpes-Maritimes) qui rend obligatoire l’apprentissage de la Marseillaise à l’école primaire.
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