Monsieur le Président,
Je tiens à vous exprimer l’indignation de la Ligue des droits de l’Homme face à la présence d’un député, président d’un groupe d’étude parlementaire, lors d’un hommage à quatre membres de l’OAS condamnés pour assassinat ou tentative d’assassinat, dont l’un pour plusieurs attentats contre le président de la République française.
En effet, le 26 mars dernier, M. Elie Aboud, président du groupe d’étude parlementaire aux rapatriés, s’est joint à un rassemblement au cimetière neuf de Béziers devant une stèle ornée d’une plaque dédiée à quatre anciens membres des commandos de l’OAS. Cette stèle porte les noms et les portraits de : Jean-Marie Bastien-Thiry qui a dirigé le 22 août 1962 l’attentat du Petit-Clamart contre le général de Gaulle ; Roger Degueldre, chef des commandos « Delta » qui a notamment organisé l’assassinat le 15 mars 1962 à Alger de six enseignants des
Centres sociaux éducatifs ; Albert Dovecar et Claude Piegts, qui ont participé à l’assassinat du commissaire central d’Alger Roger Gavoury, le 31 mai 1961.
Le 27 mars, la Ligue des droits de l’Homme a déclaré lors d’une conférence de presse à Béziers : « Le député, dont nous connaissons les valeurs, a commis une maladresse, nous voudrions qu’il la reconnaisse et qu’il clarifie sa position. » Quelle ne fut pas notre consternation quand ce dernier a répondu : « Il n’y a pas eu de maladresse, c’est un acte que j’ai bien mesuré […] Je ne regrette pas ma présence » (Midi Libre, 28 mars 2009).
De son côté, l’organisateur de ce rassemblement, M. Alain Algudo, président du CDFA/UCDARA, s’est félicité dans un communiqué que ce parlementaire se soit « incliné ostensiblement à [ses] côtés devant les effigies de nos martyrs » et participé au « dépôts de gerbes de notre collectif ». Devant cette stèle, le 2 novembre 2008, M. André Troise, qui s’enorgueillit d’avoir été un membre de l’OAS, avait, malgré un arrêté municipal interdisant les prises de paroles, lu un texte célébrant le souvenir de ces « partisans patriotes de l’Algérie française » (Midi Libre, 3 novembre 2008).
Les amnisties qui ont suivi la guerre d’Algérie n’effacent pas les faits et l’apologie de crimes est passible de nos lois. J’ajoute que, dans le cas de Jean-Marie Bastien-Thiry, sa condamnation n’a pas été amnistiée, puisque l’attentat contre le général de Gaulle au Petit-Clamart commis le 22 août 1962 ne fait pas partie des « infractions commises avant le 20 mars 1962 » concernées par l’amnistie prévue par les Accords d’Evian.
La Ligue des droits de l’Homme demande que les monuments de ce type, notamment à Perpignan et à Béziers, soient retirés des espaces publics que sont les cimetières, comme l’a été récemment celui de Marignane.
Nombreux sont les citoyens de toute origine et de toute appartenance politique qui nous ont fait part de leur indignation et attendent de votre part la ferme réaction que commande votre fonction.
Recevez, monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
OAS – La présence du député face à la stèle fait des remous
La réaction a été immédiate. Hier, le jour même de sa révélation dans Midi Libre (voir ci-dessous), la Ligue des droits de l’homme (LDH) a organisé une conférence de presse pour regretter la présence du député Elie Aboud, dans un cortège de rapatriés conduit jusqu’à la stèle ornée d’une plaque dédiée à l’OAS au cimetière neuf de Béziers. Le parlementaire, qui s’apprêtait à quitter le cimetière après la cérémonie officielle organisée jeudi en souvenir des événements de la rue d’Isly, avait accepté de se joindre, avec la conseillère régionale Monique Valaize, au second cortège formé autour du même événement.
La plaque dédiée à l’OAS « est déjà une provocation, estime la Ligue des droits de l’homme (LDH), mais la présence d’un député lui donne une autre dimension. Une nouvelle
étape est franchie. Et le fait qu’il s’agisse d’un député gaulliste, face à une stèle honorant la mémoire de personnes qui ont voulu tuer De Gaulle, pourrait prêter à sourire, si le sujet n’était aussi tragique ».
Malik Salemkour et Mohamed Boujaddi, respectivement vice-président national et responsable local de la LDH, jouent, toutefois, l’apaisement : « Le député, dont nous connaissons les valeurs, a commis une maladresse,nous voudrions qu’il la reconnaisse et qu’il clarifie sa position. »
Une maladresse ? « Il n’y a pas eu de maladresse, répond Elie Aboud, c’est un acte que j’ai bien mesuré. J’ai accepté de m’associer à cette marche silencieuse, à laquelle participaient toutes les associations de rapatriés, en la mémoire de leurs morts. Il n’y avait aucune prise de parole, aucune forme d’allusion à l’OAS. Juste un rassemblement apaisé d’associations, de personnes modérées. J’espère que ce geste symbolique contribuera à une réconciliation avec les rapatriés qui boudent toutes les cérémonies officielles. Vu la façon dont ça s’est passé, je ne regrette pas ma présence, je regrette par contre qu’elle ait été mal comprise. » […]
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La petite histoire d’une commémoration
Ainsi vont les cérémonies à Béziers. A chaque fois qu’une commémoration liée à la guerre
d’Algérie se profile, au coeur du cimetière neuf de Béziers, il y a ceux qui choisissent la stèle municipale et ceux qui préfèrent se recueillir devant l’autre monument, dédié entre autres à l’OAS. Il y a désormais aussi les élus qui passent d’un cortège à l’autre.
Hier matin, en ce jour de souvenir des victimes des événements de la rue d’Isly à Alger, le 26 mars 1962, les deux cortèges se sont succédé, imperturbables, dans les allées du cimetière neuf de Béziers. Le premier, celui des officiels, conduit par l’ancien ministre Georges Fontès, a effectué un dépôt de gerbe, à 10 h 30, devant le monument municipal et en présence des autorités.
Seulement voilà, au moment de quitter le cimetière, des officiels sont tombés nez à nez avec les participants du deuxième cortège, plus fourni. Elie Aboud et Monique Valaize, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, ont salué des présidents d’associations de rapatriés. Avant que trois d’entre eux ne leur demandent de s’associer à leur marche silencieuse vers l’autre stèle. Les deux élus biterrois ont accepté de se joindre à eux. Interrogés par Midi Libre, les deux élus confirment leur présence. « En tant que député et président de la commission des rapatriés » pour le premier, « que conseillère régionale et pied noir » pour la seconde. « J’ai été surpris par l’ampleur de cette marche et touché par les propos apaisés des responsables associatifs avec lesquels j’entretiens des liens d’amitié », explique Elie Aboud. Qui s’était toutefois assuré qu’aucune prise de parole n’était prévue. Il faut dire que le dernier discours sur place avait été frappé d’interdiction municipale…
Cette fois, ce n’était pas le cas. « Nous n’avions pas été avertis de l’organisation de cette cérémonie », précise l’hôtel de ville, qui a décidé de se pencher sur la journée de demain. Car la grande messe, organisée ce jour-là à 10 h 30, en l’église Immaculée conception, pour les victimes des événements d’Afrique du Nord, sera suivie d’une autre cérémonie lancée par la Coordination des Français d’Algérie d’André Troise, devant la « stèle OAS », allocution à l’appui. Les deux élus biterrois, dont la double initiative a été saluée hier par plusieurs représentants d’associations, feront cette fois l’impasse sur la troisième cérémonie.