Malgré le tollé suscité par le projet, la stèle a été érigée en catimini sur une parcelle du cimetière de Marignane 1, à l’initiative de l’ADIMAD 2. Cette parcelle lui avait été cédée par la mairie, dirigée par Daniel Simonpieri (DVD, ex MNR, ex FN).
Sur la stèle3 sont gravées les dates d’exécution des “quatre fusillés” de l’Algérie française : Jean-Marie Bastien-Thiry, auteur de l’attentat manqué du petit Clamart contre le général de Gaulle, le lieutenant Roger Degueldre, chef des “commandos Delta” de l’OAS 4, et Albert Dovecar et Claude Piegts, auteurs du meurtre d’un Commissaire central d’Alger sur ordre de Delguedre. Tous quatre furent condamnés à mort par la cour militaire de justice et exécutés au Fort d’Ivry en 1962 et 1963.
La date arrêtée par l’ADIMAD pour l’inauguration, mercredi 6 juillet, est la “date anniversaire de l’assassinat de Roger Degueldre”.
Le préfet de la région PACA, Christian Frémont, avait demandé aux organisateurs d’y renoncer. Alors que des contre-manifestations étaient annoncées à l’initiative du MRAP et de la Ligue des droits de l’homme, M. Frémont a annoncé que la manifestation de l’ADIMAD était interdite car « susceptible d’entraîner des troubles à l’ordre public » 5.
« Je ne veux pas que tout ça dégénère », a-t-il déclaré à l’AFP.
M. Simonpieri avait de son côté demandé le 23 juin à l’association de renoncer à ce projet « le temps que les passions s’apaisent ».
Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP, a qualifié l’inauguration d’«offense et d’insulte à la République». « Comment peut-on accepter que la France glorifie des hommes que la République a condamnés. C’est un assassinat de la mémoire qui est mis en oeuvre », a-t-il dit lors d’une conférence de presse mardi à Marignane.
« Cette stèle doit être détruite, car elle est un affront pour la République », a-t-il ajouté, estimant qu’elle « participe d’une stratégie offensive de réhabilitation de l’OAS. Nous demandons le démantèlement pur et simple de cette stèle en l’honneur d’assassins et de terroristes condamnés par la justice française. Sinon, même si l’inauguration n’a pas lieu mercredi, elle pourra se faire à n’importe quel autre moment. »
Les nostalgiques de l’Algérie française sont restés à la porte. Aucun des 400 à 600 sympathisants de l’ADIMAD n’a pu approcher, hier, la stèle érigée en catimini mardi après-midi, dans le cimetière Saint-Laurent de Marignane (Bouches-du-Rhône), à la gloire des «fusillés et combattants tombés pour que vive l’Algérie française».
Rassemblés dès le début de la matinée devant les grilles, ils ont patienté dans le calme jusqu’à la mi-journée, le temps que le tribunal administratif de Marseille se prononce sur l’arrêté pris la veille par le préfet de région, Christian Frémont, pour interdire cette cérémonie inaugurale «susceptible d’entraîner des troubles à l’ordre public» 6. Vers midi, Jean-François Collin, président de l’Adimad, les a rejoints devant le cimetière. Visage fermé, il leur a annoncé la «mauvaise nouvelle». «Le tribunal a repoussé notre requête», a-t-il lancé face à la foule. «Nous sommes désormais des citoyens de seconde zone», a-t-il ajouté.7
Soutane. En tout début de matinée, seul l’abbé Philippe Guépin, aumônier du Cercle national des combattants (CNC), a été autorisé à franchir les grilles, en compagnie de son servant de messe. Soutane noire sur le dos et béret rouge dans la poche, il a été escorté jusqu’à la chapelle du cimetière, où il a pu célébrer un office religieux. A l’extérieur, vers 10 heures, une camionnette blanche est arrivée. Aux ordres de leur président, Roger Holleindre, également vice-président du Front national, une douzaine d’anciens combattants du CNC en ont extrait des gerbes de fleurs, avant de s’aligner. Alors que la foule entonnait le Chant des Africains, tous ont défilé jusqu’au portail. Après un bref face-à-face avec les forces de l’ordre, Roger Holleindre s’est lâché. «Si le gouvernement de l’époque avait fait son boulot, l’OAS n’aurait jamais existé», a-t-il affirmé, expliquant qu’en 1962 «l’armée française avait déjà gagné cette guerre», mais que «de Gaulle l’a perdue politiquement».8
Exécuté. Tenus à bonne distance du cimetière, les fils et filles des victimes de l’OAS avaient, eux, grand besoin de parler. «Je suis indigné qu’un tel rassemblement puisse se tenir à la gloire d’assassins condamnés par la justice de la République», se plaignait Thierry, fils de Maurice Basset, exécuté par un commando Delta du lieutenant Degueldre, le 15 mars 1962, à Alger, en compagnie de cinq autres enseignants. A ses côtés, Madeleine Ould Aoudia, fille de Salah, tué le même jour au même endroit, estimait que «cette cérémonie est comme un hommage qu’on rendrait aux soldats allemands qui ont perpétré le massacre d’Oradour-sur-Glane» 9.
Une petite dizaine de personnes avaient tenu à être présentes aux côtés des fils et filles des victimes. L’un d’entre eux, Alain Biot, a écrit au maire de Marignane pour « remercier la police municipale d’avoir su nous protéger contre ces “dangereux nostalgiques de l’Algérie française” qui nous ont insultés et menacés. De même que nous remercions les policiers qui, ensuite, nous évacuèrent pour nous éviter d’autres fâcheuses rencontres […] ».
Vers 18h, une centaine de manifestants 10 se sont rassemblés devant la mairie de Marignane, à l’appel du Mrap et de la Ligue des droits de l’homme.
Mouloud Aounit (MRAP) a redemandé la destruction de la stèle. Les manifestants se sont séparés dans le calme après que Gilles Manceron (LDH) ait dénoncé « le vent mauvais qui souffle sur notre pays …« . Tous deux ont appelé à une mobilisation de tous les citoyens.
Des maires plus ou moins résistants
Il y a les maires qui cajolent les nostalgiques de l’OAS. Il y a ceux qui leur résistent.
Daniel Simonpieri, maire (ex-FN et ex-MNR) de Marignane, fait partie des premiers. La stèle érigée hier l’a été sur une parcelle d’un cimetière offerte par la municipalité à l’ADIMAD, à l’origine de l’opération.
Jean-Paul Alduy, sénateur-maire de Perpignan, est sensible au poids électoral du lobby pied-noir. Mardi, l’édile a officialisé la création d’un Mur des noms des disparus entre 1954 et 1963 en Algérie. Ce monument sera inclus dans un centre de l’oeuvre française en Algérie.
D’autres élus finissent par reculer. Ainsi Hubert Falco, maire UMP de Toulon. Lorsqu’il est élu, en 2001, il hérite d’un carrefour «Général Raoul Salan – Libérateur de Toulon» inauguré par le précédent maire, Jean-Marie Le Chevallier (FN). La Ligue des droits de l’homme lui demande de le rebaptiser, mais Falco traîne. Le 24 juin, enfin, le conseil municipal vote le changement de nom. Désormais, le carrefour s’appellera «Colonel Salan - Libération de Toulon».
A Louvroil (Nord), ville natale de Roger Degueldre, enfin, l’Adimad a renoncé, sous la pression de la maire, Annick Mattighello, à un dépôt de gerbe, prévu mercredi, à la mémoire de cet ex-chef de l’OAS.
11.
- Une entreprise de pompes funèbres avait été chargée de sa mise en place.
- Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française.
- Voici une description de la stèle.
- On doit notamment aux commandos Delta l’assassinat de six inspecteurs des centres sociaux éducatifs, dont Mouloud Feraoun.
- L’interdiction par le préfet de la cérémonie d’inauguration n’a été diffusée que la veille (5 juillet) vers 18h30.
- Le préfet de Paca maintient sa vigilance. Il a laissé entendre que si les noms des fusillés de l’OAS étaient finalement gravés, il pourrait attaquer devant le tribunal administratif l’acte par lequel la commune de Marignane a cédé la parcelle où est dressée la stèle. [Le Figaro, 7 juillet 05.]
- Jean Favarel, vice-président de l’Adimad, a déclaré au Figaro : « Nous ressentons une profonde amertume et une profonde injustice face à cette décision. (…) Tout a été fait dans la plus stricte légalité, comme ce fut le cas lorsque nous avons érigé des monuments du même type à Perpignan ou à Théoule».
- D’après le journal Français d’abord du vendredi 8 juillet, « Roger Holeindre, vice-président du FN, président du CNC, Conseiller régional d’Ile-de-France, Jacky Blanc, Ronald Perdomo , Stéphane Durbec, Thibaut de La Tocnaye, Marie-France Stirbois Marie-Claude Bompard, Michèle Carayon, Conseillers régionaux de Paca, François Bonnieux, Evelyne Ruty, Conseillers régionaux de Languedoc Roussillon, le président de Chrétienté-Solidarité Bernard Antony ou encore Pierre Sidos, fondateur du mouvement Jeune Nation, ont tenu à être présents à Marignane. »
- Safia Hammoutene, fille de Ali Hammoutene, autre enseignant assassiné le 15 mars 1962, a estimé que « cette cérémonie est un affront fait à mon père qui est mort quand j’avais 3 ans. C’est une douleur immense. En Algérie, nous avons une très bonne image de la France. Je ne comprends pas comment la France peut laisser faire ce genre de choses ».
Egalement présent parmi les anti-OAS Jean-François Gavoury, fils de Roger Gavoury, le commissaire central d’Alger assassiné le 31 mai 1961 par l’OAS. Albert Dovecar et Claude Piegts, deux des personnes honorées par la stèle, ont été condamnés à mort et fusillés pour cet assassinat. AP
- Militants de la LDH (Toulon, Aix en Provence, Marseille, Vitrolles), MRAP, Ras-l’Front, ADN (Nice), FSU, CGT, PC, Verts, LCR …
- Saluons la détermination de la maire de Louvroil dont la réaction est un exemple pour tous les élus – notamment ceux du Sud-Est. Merci, Madame Annick Mattighello !