Cette récompense «vous a été attribuée au titre de la guerre d’Algérie»
Un extrait de l’allocution prononcée par le général (2S) Michel Guignon, lors de la remise des insignes de Grand officier de la Légion d »Honneur au commandant Hélie Denoix de Saint Marc, au Fort de Nogent le 26 avril 2003. 1
Et bien oui! Mon Commandant, aujourd’hui nous pouvons dire avec la plus grande conviction, et pour une fois sérieusement: cette récompense, votre récompense, c’est aussi notre récompense.
C’est notre récompense, car elle vous a été attribuée au titre de la guerre d’Algérie, le journal Officiel du 30 novembre dernier le stipule clairement. Et ce point, capital à nos yeux, prend un relief particulier, pour vous bien entendu, mais aussi pour tous ceux d’entre nous qui ont vécu le drame algérien.
Bien sûr, on pourrait épiloguer sur l’étrangeté d’une époque où les mêmes causes peuvent vous embastiller pendant 7 ans et vous élever ensuite parmi les dignitaires du Pays.. Je ne sombrerai pas dans cette sorte de délectation morose mais je voudrais quand même, aujourd’hui, rappeler quelques faits d’Histoire qu’ on s’est efforcé d’occulter pendant quarante années.
Il y a un peu plus de quarante ans, après huit années de guerre où nos deux REP avaient porté et supporté les coups les plus rudes, la France, qui avait remporté sur le terrain une victoire militaire indiscutable, abandonnait l’Algérie dans les pires conditions qui soient, jetant sur les quais de l’exode un million de pieds noir, livrant aux exactions du FLN des centaines de milliers de musulmans qui lui avaient été fidèles: anciens combattants, harkis, tirailleurs, moghaznis, massacrés, égorgés, éventrés, ébouillantés, émasculés, pour avoir servi la France.
Avant que ne se produise l’irrémédiable, quelques hommes d’honneur se sont dressés pour crier leur désarroi, leur refus du parjure, leur fidélité aux engagements du pays.
Vous étiez l’un deux, vous étiez notre chef; le 1REP vous a suivi comme un seul homme.
Vous avez perdu, vous avez assumé seul l’entière responsabilité de vos actes, préservant ainsi votre honneur et également la liberté de vos
officiers.
Ce faisant vous avez payé le prix fort. Ce faisant, vous avez enduré plus que tout autre l’injustice des hommes, la calomnie des scribes, la veulerie des notables, la trahison des clercs.
En évoquant ces heures douloureuses, je ne veux pas rouvrir des polémiques ou raviver des plaies mais quand même, on ne peut oublier que, pendant des années, selon votre expression, les vainqueurs du moment ont imposé leur vérité sans craindre les outrances.
Comment oublier en effet ces régiments couverts de gloire dissous d’un trait de plume? Ces officiers arrêtés, interrogés sans ménagement, mutés et dispersés sans préavis aux quatre coins de l’ hexagone? Ces carrières brisées sur simple dénonciation? L’unité de l’Année malmenée?
Comment oublier ces articles à sens unique, présentant l’élite de l’Armée française comme un ramassis de tortionnaires sans foi ni loi?
Comment oublier même ces brimades stupides et mesquines qui avaient cours dans les années 60 : défense pour les parachutistes de porter leur tenue camouflée, refus de faire défiler la Légion Etrangère sur les Champs-Elysées pour la fête nationale.
Comme souvent hélas en pareil cas, la surenchère des médiocres contribuait à mettre au banc de la Nation ceux de ses fils qui s’ étaient le plus battu pour elle.
Eh bien, la distinction qui vous honore aujourd’hui, pour tardive qu’elle soit, marque je crois la volonté de la République Française, dans un souci
louable de réconciliation de tirer définitivement un trait sur cette période lamentable de son histoire.
Pour ceux qui ont été vos soldats, pour ceux qui ont souffert pour vous et avec vous, cette distinction marque, nous l’ espérons, la fin du sectarisme, de l’ostracisme, de l’esprit partisan qui ont prévalu pendant tant’ d’années.
Voilà pourquoi, je le disais au début, la Dignité qui vous est conférée aujourd’hui est aussi la Dignité de tous ceux qui vous ont été fidèles.