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Édition du 1er au 15 décembre 2024
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L’exposition coloniale de 1931

L'exposition coloniale internationale de Paris, dans le Bois de Vincennes, en 1931, est restée dans les mémoires comme l'apothéose de la colonisation française. C'était une immense opération de propagande vivante en faveur de l'œuvre coloniale, à destination de la population de tous les âges, des adultes aux enfants des écoles. Nous reproduisons à son sujet un extrait de la brochure que la section Paris XII de la LDH a consacrée en 2002 à l’Exposition coloniale de 1931.

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Le 6 mai 1931, Gaston Doumergue, Président de la République, en compagnie du Maréchal Lyautey, organisateur de l’événement, avec de nombreux dignitaires français et étrangers, inaugure L’Exposition Coloniale Internationale et des Pays d’Outre-Mer dans le Bois de Vincennes, Porte Dorée à Paris. Pendant plus de six mois, jusqu’au 15 novembre (date de la clôture ), le vaste Empire français – 22 fois plus grand que la France – va éblouir les quelques huit millions de visiteurs venus voir le faste exotique et « la prodigieuse activité de notre Empire d’Outre-Mer, son incomparable développement, ses richesses présentes et les perspectives qu’il ouvre à nos activités et à nos espoirs« , déclare Lyautey dans son discours inaugural.

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A l’époque (il y a à peine plus de 70 ans !), la colonisation était une évidence politique incontestée comme dit Paul Raynaud, ministre des Colonies, le 2 juillet 1931 : « La colonisation est un phénomène qui s’impose, car il est dans la nature des choses que les peuples arrivés à son niveau supérieur d’évolution se penchent vers ceux qui sont à son niveau inférieur pour les élever jusqu’à eux. » Cet état d’esprit s’exprime crûment quand le Prince de Scaela, ministre d’Etat d’Italie, renchérit, au nom des délégués étrangers, en célébrant « l’odyssée homérique de la race blanche qui, ayant atteint désormais chaque coin du monde, a transformé et transforme continuellement des continents barbares en régions civilisées. »

Placée dans un contexte de morosité économique, confrontée à des troubles anticoloniaux, la France a besoin d’affirmer , pour remonter le moral en baisse de « la plus grande France« , son rôle d’Empire colonial face à son rival britannique. Même le choix du Bois de Vincennes, région de Paris-Est, populaire, dont on disait qu’elle était assez gagnée par le communisme, démontre la volonté politique de retrouver la paix sociale agitée par les échos de luttes d’émancipation en lointaine Indochine ou ailleurs.

Le centenaire de l’ Algérie française, célébré partout en France en 1930 (l’Exposition coloniale est alors repoussée en 1931 pour ne pas gêner ce centenaire !), fixe le ton dominant pour l’Exposition de 1931, qui souligne les bienfaits du colonialisme. L’Algérie est montrée comme modèle de réussite coloniale. Même l’Eglise catholique se joint à cette célébration. Le cardinal Verdier vante « le puissant génie colonisateur de notre chère France » et son collègue d’Oran, Monseigneur Durand, déclare: « Oui, que Dieu nous donne à tous venus d’Outre-Mer ou indigènes de ne faire qu’un dans les plis du drapeau de la France si chère au Christ ! »
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Le ministre des Colonies, Paul Reynaud tira les leçons de son succès dans son introduction au livre d’or qui fut édité après l’exposition.

Une apothéose

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« La colonisation est le plus grand fait de l’Histoire. Est-il vrai que nous célébrions aujourd’hui une apothéose qui soit proche d’une décadence ? Jamais, chez nous, l’élan de la pensée et son jaillissement n’ont été plus puissants qu’aujourd’hui. A cette minute, grâce au poste de Pontoise, inauguré hier, le son de la voix que vous entendez est écouté à Nouméa, à Hanoï, à Dakar, à Fort-de-France. Notre emprise sur le monde se resserre chaque jour. Notre idéal est tellement vivant que ce sont les idées d’Europe qui donnent aujourd’hui la fièvre en Asie. Beaucoup pensaient qu’étendre la puissance française dans le monde, c’était la diluer, l’affaiblir, la rendre moins apte à conjurer un péril toujours menaçant. Mais, aux jours tragiques, les colonies vinrent se pla­cer aux côtés de la Mère patrie et l’union de notre Empire se fit à l’épreuve de la douleur du sang. A côté de nos vieilles colonies, ces bijoux de famille égrenés dans l’Atlantique et dans l’océan Indien, c’est la France africaine, grande comme l’Europe […]. »

Paul REYNAUD – ministre des Colonies – Discours inaugural de l’Exposition coloniale – 6 mai 1931

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La vocation coloniale

« Le Français a la vocation coloniale. Cette vérité était obscurcie. Les échecs passagers du XVlllème siècle avaient fait oublier deux siècles d’entreprise et de réussite. En vain, depuis cent ans, nous avions retrouvé la tradition, remporté des succès magnifiques et ininterrompus: Algérie, Indochine, Tunisie, Madagascar, Afrique occidentale, Congo, Maroc. Malgré tout, le préjugé subsistait: le Français, répétait-on, n’est pas colonial. Il a fallu l’exposition actuelle et son triomphe inouï pour dissiper les nuées. Aujourd’hui la conscience coloniale est en pleine as­cension. Des millions et des millions de Français ont visité les splendeurs de Vincennes. Nos colonies ne sont plus pour eux des noms mal connus, dont on a surchargé leur mémoire d’écoliers. Ils en savent la grandeur, la beauté, les ressources: ils les ont vues vivre sous leurs yeux. Chacun d’eux se sent citoyen de la grande France, celle des cinq parties du monde.

Cette révélation vient à son heure. Alors que la lutte économique est plus sévère que jamais, les colonies enseignent aux Français le courage et la confiance. Elles n’accueillent point les faibles, il faut avoir l’âme bien trempée pour y prospérer et seulement pour y vivre. L’élite qu’elles exigent et qu’elles forment aura le corps robuste et le coeur sans défaillance: ceux à qui manqueraient ces qualités s’élimineront d’eux-mêmes: la rudesse de la tâche à accomplir fera les soldats ouvriers. […]. »

Paul REYNAUD, ministre des Colonies, Le Livre d’or de l’Exposition coloniale internationale de Paris 1931.

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Les tracts surréalistes

À quelques jours de l’ouverture de Vincennes, les surréalistes publient et diffusent un premier tract intitulé Ne visitez pas l’Exposition Coloniale. Il s’agit, pour les douze signataires (André Breton, Louis Aragon, René Char …), d’alerter l’opinion publique.
En voici quelques extraits :

Ne visitez pas l’exposition coloniale !

A la veille du 1er mai 1931 et à l’avant-veille de l’inauguration de l’Exposition Coloniale, l’étudiant indo-chinois Tao est enlevé par la police française. […] Le crime de Tao ? Être membre du Parti Communiste, lequel n’est aucunement un parti illégal en France, et s’être permis jadis de manifester devant l’Elysée contre l’exécution de quarante Annamites.[…]

On n’a pas oublié la belle affiche de recrutement de l’armée coloniale: une vie facile, des négresses à gros nénés, le sous-officier très élégant dans son complet de toile se promène en Pousse-pousse, traîné par l’homme du pays – l’aventure, l’avancement.

Rien n’est d’ailleurs épargné pour la publicité: un souverain indigène en personne viendra battre la grosse caisse à la porte de ces palais en carton-pâte. La foire est internationale, et voilà comment le fait colonial, fait européen comme disait le discours d’ouverture, devient fait acquis.

N’en déplaise au scandaleux Parti socialiste et à la jésuitique Ligue des droits de l’homme 2,
il serait un peu fort que nous distinguions entre la bonne et la mauvaise façon de coloniser. […]

Aux discours et aux exécutions capitales, répondez en exigeant l’évacuation immédiate des colonies et la mise en accusation des généraux et des fonctionnaires responsables des massacres d’Annam, du Liban, du Maroc et de l’ Afrique centrale. »

Lorsque, le 27 juin, un incendie ravage le pavillon des Indes néerlandaises, les surréalistes réagissent par un autre tract, Premier bilan de l’Exposition Coloniale : « ainsi se complète l’œuvre colonisatrice commencée par le massacre, continué par les conversions, le travail forcé et les maladies ».

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Une Contre Exposition ouvre ses portes au public, le 19 septembre 1931.

Elle comporte trois sections. La première offre une rétrospective de la colonisation. On y montre les crimes des conquêtes coloniales. On y parle des troupes coloniales mortes durant la guerre de 1914. On se sert des témoignages d’Albert Londres et d’André Gide sur le travail forcé… Dans la seconde salle, entièrement consacrée à l’URSS, les organisateurs opposent « au colonialisme impérialiste l’exemple de la politique des nationalités appliquées par les Soviets ». La visite se termine par une présentation des problèmes culturels soulevés par le colonialisme.

Restée ouverte jusqu’en 1932, la contre-exposition n’eut pas le succès escompté par ses organisateurs.

  1. Tout ce qui précède est extrait de la brochure que la section Paris XII de la LDH a consacrée à l’Exposition coloniale de 1931 – éd. 2002
  2. La LDH, lors de son congrès de Vichy en mai 1931, avait adopté une résolution demandant « qu’à la colonisation impérialiste soit substituée une colonisation démocratique, qui se donne invariablement pour but de répandre ce qu’il y a de meilleur dans notre effort scientifique, dans notre idéal rationaliste et démocratique, et d’habituer les peuples colonisés à se gouverner eux-mêmes et à être, non plus des sujets, mais des peuples libres.« 
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