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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

L’Algérie demande à la France de reconnaître son passé avant de signer le traité d’amitié

A Sétif, puis à Bechar, le président Bouteflika demande à la France de reconnaître son passé colonial. Jacques Chirac confirme quant à lui sa volonté de conclure un traité d'amitié avec l'Algérie.

[AFP 25.08.05 | 17h05]

La France doit reconnaître ses fautes durant la colonisation de l’Algérie de 1830 à 1962, a estimé jeudi le président algérien Abdelaziz Bouteflika dans un discours à Sétif (300 km à l’est d’Alger).

Evoquant les massacres du 8 mai 1945 à Sétif qui ont fait 45 000 morts selon les historiens algériens, de 15 000 à 20 000 selon des estimations de sources françaises, M. Bouteflika a affirmé qu’il n’y avait pas d’autre choix pour la France que de reconnaître ses torts.

« Nous rappelons à nos amis en France, à ceux dont la conscience est encore vive, qu’ils n’ont pas d’autre choix que de reconnaître qu’ils ont commis des fautes à l’encontre du peuple algérien depuis 1830« , a-t-il clamé devant une foule nombreuse au stade de la ville.

« Ils n’ont pas d’autres choix que de reconnaître qu’ils ont torturé, tué, exterminé de 1830 à 1962 […] qu’ils ont voulu anéantir l’identité algérienne« , faisant que « nous n’étions ni berbères, ni arabes, ni musulmans, nous n’avions ni culture, ni langue, ni histoire« , a-t-il expliqué.

[…]

Le président Bouteflika n’a pas évoqué le traité d’amitié que l’Algérie et la France devraient signer avant la fin de l’année ni la loi française controversée du 23 février sur « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » qu’il avait, plusieurs fois, dénoncée.

A propos de cette loi, il avait dénoncé des « laudateurs d’un terrorisme […] crapuleux » et affirmé qu’elle relevait d' »une cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme« .

Le président Bouteflika avait suscité une autre polémique, en mai, en comparant aux « fours crématoires des nazis » les fours à chaux ayant servi à incinérer les cadavres des victimes de la répression des manifestations du 8 mai 1845 dans l’est de l’Algérie, notamment à Sétif et à Guelma.

Jacques Chirac confirme sa volonté de conclure un traité d’amitié avec l’Algérie

PARIS [AP 26.08.05 | 11h17] – Jacques Chirac a confirmé lundi la volonté de la France de conclure un traité d’amitié avec l’Algérie, sans préciser aucun calendrier.

« Il y va de la prospérité, de la sécurité et de la stabilité de la région« , a déclaré le président français devant les ambassadeurs de France réunis à l’Elysée pour l’ouverture de leur 13e conférence annuelle.

Le futur traité aura pour ambition de renforcer les liens entre les deux pays pour bâtir « un Maghreb plus uni et solidaire« , a expliqué Jacques Chirac.

La signature d’un traité d’amitié entre la France et l’Algérie, prévue en principe d’ici la fin de l’année, est au centre de tensions entre Paris et Alger. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a conditionné dimanche la signature du texte à la reconnaissance par la France de son passé colonial.

Alger pose ses exigences pour le traité d’amitié avec Paris

par Florence Beaugé [Le Monde, daté du 30 août 2005]

Pour la première fois depuis des mois, Abdelaziz Bouteflika a évoqué, dimanche 28 août, la question du traité d’amitié entre la France et l’Algérie, prévu d’ici à la fin de l’année. Alors qu’un doute plane sur la signature de ce traité dans les délais annoncés, le chef de l’Etat algérien a déclaré que cet objectif était toujours à l’ordre du jour mais qu’il ne se ferait que « dans le respect mutuel » .

Lors d’un discours prononcé à Bechar, ville du grand sud algérien, M. Bouteflika a souligné qu’il ne parlait pas dans un esprit « de revanche » mais qu’il serait bon de « clarifier les choses« . « Notre seul but est d’avoir des relations paisibles et amicales. Nous ne voulons qu’une paix et une quiétude sur un pied d’égalité » , a-t-il expliqué, dans le cadre de sa campagne pour le référendum sur la réconciliation nationale qui doit avoir lieu le 29 septembre et prévoit une amnistie pour les derniers combattants armés qui se rendraient. « Ce que nous demandons – à la France – ne relève pas de l’impossible […] Les uns et les autres doivent faire preuve de bonnes intentions » , a ajouté le président algérien, avant de lancer « un autre message » en direction de Paris : « la France n’aurait pu atteindre un tel niveau de progrès sans ses essais nucléaires » dans le Sahara algérien.

Jeudi 25 août, le M. Bouteflika avait délivré un premier « message » à l’ancienne puissance coloniale, en « rappelant à nos amis en France, à ceux dont la conscience est encore vive, qu’ils n’ont pas d’autre choix que de reconnaître qu’ils ont torturé, tué, exterminé de 1830 à 1962 […] qu’ils ont voulu anéantir l’identité algérienne« . Dans cette allocution prononcée à Sétif ­ ville où furent massacrés plusieurs dizaines de milliers d’Algériens, en mai 1945, et qui est considérée par les historiens comme le véritable point de départ de la guerre d’indépendance algérienne ­ le président Bouteflika n’avait pas soufflé mot du traité d’amitié envisagé par l’Algérie et la France. Il n’avait pas non plus évoqué le geste de l’ambassadeur de France à Alger, Hubert Colin de Verdière qui, en février, avait rendu un premier hommage aux victimes du massacre de Sétif et parlé de « tragédie inexcusable« .

L’INITIATIVE DE M. DOUSTE-BLAZY

En dépit de ce geste inédit, les relations entre Paris et Alger traversent un coup de froid depuis quelques mois. A l’origine de cette dégradation : l’adoption par le Parlement français, le 23 février, d’une loi dont un article fait référence au « rôle positif de la présence française en Algérie » . Depuis lors, le président Bouteflika ne cesse de crier sa colère. Pour lui, une telle loi est « un acte de cécité mentale » qui relève « du négationnisme » et du « révisionnisme » .

L’irritation des autorités algériennes est d’autant plus forte que Philippe Douste-Blazy, nommé à la tête de la diplomatie française en juin, est perçu à Alger comme l’un des promoteurs de cette loi. Pour tenter de désamorcer la tension, M. Douste-Blazy a prôné, le 26 juillet, la création d’une commission d’historiens franco-algériens chargés d’évaluer cette loi, très controversée en France même.

Florence Beaugé

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