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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
Des conquêtes louis-quatorziennes à l'expansion républicaine, les soldats de France apportent « progrès, civilisation, commerce » aux peuples coloniaux asiatiques, africains, maghrébins ou indiens.

l’activisme mémoriel d’Hubert Falco

Le secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens Combattants, Hubert Falco, a annoncé qu'il installera aux Invalides, mardi 19 octobre 2010, la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc1. Cette fondation, loin d'être «au service de l’histoire » comme ne cesse de le marteler le secrétaire d'État, vise à «choyer les milieux nostalgiques de l'Algérie française» en tentant de «redresser l'image de la “présence” française “outre-mer”». C'est ce que l'historienne Sylvie Thénault expose dans cette tribune publiée dans l'édition de Libération datée du 15 octobre 20102.
Des conquêtes louis-quatorziennes à l'expansion républicaine, les soldats de France apportent « progrès, civilisation, commerce » aux peuples coloniaux asiatiques, africains, maghrébins ou indiens.
Des conquêtes louis-quatorziennes à l’expansion républicaine, les soldats de France apportent « progrès, civilisation, commerce » aux peuples coloniaux asiatiques, africains, maghrébins ou indiens.

« La mémoire divise, l’histoire rassemble.»

Pierre Nora

Le passé colonisé par la droite dure

Le 19 octobre, Hubert Falco, secrétaire d’État aux Anciens Combattants, devrait inaugurer la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de la Tunisie. Son inscription dans la loi du 23 février 2005, dont l’article 4 appelait à la promotion des «aspects positifs» de la colonisation, rend limpide sa signification politique : il s’agit de choyer les milieux nostalgiques de l’Algérie française qui, hérissés par le débat médiatique sur la torture en 2000, ont entrepris de redresser l’image de la «présence» française «outre-mer».

A ce titre, la fondation relève d’une politique publique de gestion de la mémoire à vocation électoraliste qui, si elle fantasme sur un «vote pied-noir» dont l’existence est loin d’être prouvée, touche certainement les nationalistes, irréductibles défenseurs de l’Algérie française, campés à la droite de l’UMP.

La fondation exercera un contrôle à la source car, dotée d’un budget de 7 millions d’euros, elle devrait financer la production de travaux – une aubaine au moment où les coupes budgétaires amputent les crédits des laboratoires de recherche.

Clandé Bébéar, ancien PDG d’AXA, qui commanda des harkis pendant la guerre
et défendit leur cause, est pressenti pour en présider le conseil d’administration, au sein duquel doivent siéger des associations militaires comptant des généraux signataires d’un manifeste justifiant la torture.

Ainsi conçue, la fondation porte en elle une vision de l’histoire inscrite dans un.
cadre national, célébrant une époque révolue ou la France, pays des Lumières, apportait la civilisation dans des sociétés condamnées à rester en hors-champ ; comme si la colonisation n’avait été qu’une affaire d’exportation européenne dans des contrées vides d’hommes et sans passé.

Les historiens ont pourtant largement – et depuis longtemps – dépassé une telle conception. Politiquement même, alors que la réconciliation franco-allemande n’a pu faire l’économie d’un réexamen critique de ce passé commun, est-il cohérent de traiter la mémoire de la guerre d’Algérie en ignorant son autre protagoniste ?

Des historiens, réunis par un désir consensuel d’indépendance, au-delà de leurs opinions et de leur rapport personnel à ce passé, ont dénoncé cette fondation depuis 2005, au point que son installation a été plusieurs fois repoussée, faute de trouver des volontaires pour le conseil scientifique.

La composition de ce dernier est la nouvelle majeure attendue ce 19 octobre.

Sylvie Thénault

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