Le 22 août 1962, peu avant 20 heures, le général de Gaulle, président de la République, et son épouse quittent l’Elysée pour leur résidence de Colombey-les-deux-Églises. Au Petit-Clamart, dans la banlieue sud de Paris, la DS présidentielle est mitraillée par un « commando ». Maladresse des tireurs ou sang-froid du chauffeur ? toujours est-il qu’il n’y a aucune victime.
Les membres du commando sont bientôt arrêtés. Leur chef est le lieutenant-colonel Jean-Marie Bastien-Thiry. Ce polytechnicien de 35 ans originaire de Lunéville, marié et père de trois enfants, était un militant de l’Algérie française.
Le procès se déroule du 28 janvier au 4 mars 1963 devant la Cour militaire de justice. Il se conclut par trois condamnations à mort. Deux des condamnés furent grâciés ; seul Bastien-Thiry fut exécuté, fusillé au fort d’Ivry le 11 mars 1963.
« C’est pourtant un officier de l’armée qui se montrera le représentant le plus authentique du traditionalisme catholique, le colonel Bastien-Thiry, cerveau de l’attentat du Petit-Clamart. Quoique son action prenne place sur les marges institutionnelles de l’Organisation secrète, il proclame, au cours de son procès, la coïncidence entre ses vues et celles de l’OAS-CNR (Conseil national de la résistance [de Georges Bidault]). Plaidant non-coupable, Jean-Marie Bastien-Thiry explique clairement l’articulation entre ses convictions religieuses et son engagement suprême en faveur de l’Algérie française. A ses yeux, ayant trahi sa “parole donnée”, de Gaulle est le véritable coupable, d’autant qu’en se conformant au prétendu “sens de l’histoire”, le chef de l’Etat révèle “une très forte imprégnation matérialiste et marxiste” ; l’acte perpétré par le colonel relève donc non seulement du sentiment aigu que l’ “auto-défense” des Européens d’Algérie est “profondément légitime”, mais de la certitude que le tyrannicide l’est également, puisque, selon l’enseignement de Saint-Thomas, “c’est le tyran qui est séditieux”. Sur le point de conclure, Bastien-Thiry ajoute donc : “Nous n’avons pas à nous justifier, devant votre juridiction, d’avoir accompli l’un des devoirs les plus sacrés de l’homme, le devoir de défendre des victimes d’une politique barbare et insensée”.»
Anne-Marie Duranton-Crabol 1
L’exécution de Bastien-Thiry est la dernière qui ait eu lieu en France pour des motifs « politiques ». De là à en faire un héros, il y a un pas qu’on ne peut franchir.
La peine de mort
Il a fallu attendre le 9 octobre 1981 pour que la peine de mort soit, à l’initiative de Robert Badinter, définitivement abolie en France.
En revanche l’extrême-droite demande son rétablissement. Dans son programme de 2002, le FN écrit « la France dénoncera la partie des traités qui rendraient impossible ce rétablissement.
La peine de mort sera donc rétablie et s’appliquera aux crimes suivants …« .
2.
De l’Histoire à la docu-fiction
TF1 a entrepris de diffuser un « documentaire-fiction » (sic) sur l’attentat du Petit-Clamart en s’appuyant sur un texte du journaliste Georges-Marc Benamou 3.
Le journal « Le Monde » contribue à sa façon au révisionnisme ambiant en publiant en page 1 de son édition datée du mardi 7 juin un beau placard publicitaire (9 cm sur 14 cm).
La section de Toulon de la LDH compte parmi ses membres, sympathisants et correspondants plusieurs enfants de victimes de l’O.A.S. L’un d’entre eux nous a déclaré : « Je déplore l’indigne publicité faite autour du livre qu’Agnès Bastien-Thiry a écrit pour tenter de réhabiliter son père. Je ne m’étonne pas que des associations d’extrême droite l’érigent en martyr. Mais je n’aurais pas pu imaginer qu’il devienne le héros d’un téléfilm diffusé à une heure de grande écoute ! Quoi qu’il en soit, je préfère avoir eu pour père une victime du devoir plutôt qu’un terroriste. »
- Le temps de l’OAS, éd. Complexe, Bruxelles 1995, page 55.
- Dans l’exposé des motifs d’une proposition de loi déposée par le groupe des députés FN au cours des années 1986-1988, on lit que « l’Ancien Testament fait obligation de châtier le meurtre par le sang du meurtrier (…). Bien plus, l’exécution apporte au condamné son rachat et lui rend sa dignité.«
- D’après le supplément radio-télé du Monde du 6 au 12 juin,
«le film de Jean-Teddy Philippe fait la part belle au lieutenant-colonel Jean-Marie Bastien-Thiry, le chef du commando du Petit-Clamart.[…] L’empathie du film pour ce croisé de l’Algérie française en fait un héros. Profession de foi : “Au plus profond de moi, je crois en la bonté humaine.” Haute idée de son devoir : “Je suis un père et un soldat.” Ce patriote, prêt à tous les sacrifices, était aussi un excellent père de famille, insiste le scénario, qui le montre entouré de trois fillettes blondes et d’une épouse discrète et aimante. Coiffé d’un feutre mou, Jean-Pierre Michael, de la Comédie-Française, lui prête sa belle gueule. Avec son regard de scout égaré dans les fanges de la politique, il nous convaincrait presque de la noblesse de sa mission.[…]»
Signalons que l’un des prochain « docu-fiction » de TF1 sera consacré à Jacques Mesrine …