Jean-Louis Debré appelle Algériens et Français à un « indispensable devoir de mémoire »
Un article de Patrick Roger, Le Monde du 23 janvier 2007.
En visite officielle en Algérie, du 19 au 22 janvier, cinquante ans après le début de la « bataille d’Alger », Jean-Louis Debré a appelé à « un indispensable devoir de mémoire » sur le chapitre des relations unissant la France et l’Algérie. « Tout grand pays se doit d’assumer son histoire, les pages les plus glorieuses comme les épisodes les plus sombres», a déclaré, dimanche, le président de l’Assemblée nationale devant les députés de l’Assemblée populaire algérienne.
« Nous devons ensemble assumer notre histoire commune pour nous tourner vers un rêve d’avenir partagé», a-t-il insisté, formulant le souhait «que la France, dans le cadre de ses lois, permette aux historiens et aux chercheurs l’examen des archives ». M. Debré envisage qu’une commission mixte franco-algérienne puisse être constituée « dans des délais rapprochés » pour travailler sur la période de la colonisation et de la guerre d’indépendance.
C’est avec des égards habituellement réservés aux chefs d’Etat que le président de l’Assemblée nationale, accompagné d’une délégation des quatre groupes représentés au Palais-Bourbon1, a été reçu : entretien de trois heures et demi, dimanche, avec le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, suivi d’un déjeuner « d’Etat » au Palais du peuple, rencontre avec les principaux dignitaires du régime algérien.
PROJETS COMMUNS
En décembre 2006, M. Bouteflika avait dépêché un émissaire pour renouveler à M. Debré une invitation qui lui avait été faite plus de deux ans plus tôt, insistant pour qu’elle se concrétise avant la fin du mandat de Jacques Chirac. Outre les liens personnels, datant du début des années 1960, qui unissent le président algérien au père et au grand-père de M. Debré, c’est au familier du chef de l’Etat qu’elle s’adressait.
La visite a été préparée avec un luxe d’attentions. M. Debré était lui-même porteur d’un message écrit de M. Chirac à l’intention de M. Bouteflika. Autant de signaux témoignant d’une volonté partagée de redonner un cap à une relation franco-algérienne qui, depuis le vote en France de l’article 4 de la loi du 23 février 2005 évoquant le « rôle positif » de la colonisation, a été mise à mal. C’est une approche plus pragmatique qui prévaut désormais.
En ce qui concerne le traité d’amitié franco-algérienne par lequel devait s’instaurer « un partenariat d’exception » selon les termes de la déclaration d’Alger signée le 2 mars 2003 entre MM. Chirac et Bouteflika, le sujet n’a pas été abordé, en dépit des spéculations qui avaient accompagné l’arrivée de M. Debré à Alger2.
L’accent a, en revanche, été mis sur la coopération et les filières prioritaires d’investissement à réactiver. Les interlocuteurs ont manifesté la volonté de relancer des projets communs dans des domaines multiples sans que le traité d’amitié ne constitue un préalable. « Une nouvelle page s’ouvre, s’est félicité M. Debré. Il fallait que Chirac et Bouteflika en prennent l’initiative. Il reviendra à la prochaine mandature d’écrire la suite. »
- Le président de l’Assemblée nationale était accompagné de Jean-Christophe Lagarde (vice-président du groupe parlementaire UDF), Jean-Marc Ayrault (président du groupe parlementaire PS), ainsi que de Jacques Bruhnes (PCF) et de l’ancien ministre des affaires étrangères Hervé de Charette (UMP) (Le Monde du 20 janvier 2007).
- Le traité d’amitié franco-algérien annoncé lors de la visite de Jacques Chirac en Algérie en 2003 demeure dans l’impasse depuis la loi française du 23 février 2005, dont un article, abrogé depuis, soulignait le rôle positif de la colonisation. Cette loi, passée à l’Assemblée nationale sous la présidence UMP de Jean-Louis Debré, avait suscité l’émotion du peuple algérien tandis que le président Bouteflika réclamait des « excuses officielles » de la France pour les « crimes » commis durant la colonisation. (Le Monde du 20 janvier 2007).