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Manifestation contre la guerre, le 10 août 2006, devant le ministère de l'Intérieur israélien à Tel-Aviv. (AP/D. Shalit)

Israël : première manifestation contre la guerre

Ils n'étaient que quelques centaines à se presser, jeudi à Tel Aviv, devant le ministère de la Défense, mais c'était la première véritable manifestation contre la guerre au Liban. Jusqu'ici, seuls des groupuscules gauchistes ou des partis arabes avaient brandi quelques pancartes pour dénoncer les opérations menées contre le Hezbollah. Cette fois, c'est à l'appel de mouvements plus représentatifs que s'est déroulé le rassemblement : le parti de gauche Meretz, mené par l'ancien ministre Yossi Beilin et le principal mouvement pacifiste, la Paix maintenant.1
Manifestation contre la guerre, le 10 août 2006, devant le ministère de l'Intérieur israélien à Tel-Aviv. (AP/D. Shalit)
Manifestation contre la guerre, le 10 août 2006, devant le ministère de l’Intérieur israélien à Tel-Aviv. (AP/D. Shalit)

Les pacifistes israéliens commencent à donner de la voix

par Frédéric Bobin, Le Monde du 11 août 2006

Est-ce un signe ? Le quotidien Haaretz a publié, mercredi 9 août, une page de publicité du mouvement pacifiste La Paix maintenant (Shalom Arshav). L’encart appelle le gouvernement israélien à « donner sa chance à la voie diplomatique ». Cette sortie de la Paix maintenant n’est pas passée inaperçue. Car c’est une première, les pacifistes israéliens ayant brillé par leur silence depuis le début des hostilités. Faut-il y voir les prémices d’un réveil militant voué à éroder le consensus national sur l’offensive de Tsahal au Liban ?

On en reste encore loin. Israël est balayé par une puissante vague patriotique – illustrée par les drapeaux frappés de l’étoile de David claquant aux vitres des voitures – et tous les sondages confirment un taux d’approbation de 80 % en faveur de la guerre contre le Hezbollah au Liban. Si des critiques sont adressées au gouvernement, c’est de ne pas en faire assez, et non d’en faire trop.

Mais les choses pourraient évoluer et le glissement opéré par La Paix maintenant, un mouvement passablement démobilisé depuis le désengagement de Gaza et ses désillusions, est un indicateur digne d’intérêt.

Dès l’éclatement du conflit le 12 juillet, les animateurs du mouvement s’étaient trouvés au diapason de l’opinion. La guerre anti-Hezbollah était à leurs yeux une « guerre juste ». « L’armée israélienne s’était retirée du Liban en 2000, explique Yariv Oppenheimer, 29 ans, directeur général de la Paix maintenant et militant travailliste depuis l’adolescence. Dès lors, les attaques du Hezbollah constituent une agression contre Israël qui détient toute la légitimité pour se défendre s’il est attaqué à partir d’une frontière internationalement reconnue. »

LOURDES PERTES

Certes, les inconditionnels de la « gauche radicale » ont d’emblée affiché leur hostilité de principe à la guerre, mais le point de vue exprimé par Yariv Oppenheimer reflétait l’état d’esprit d’une écrasante majorité au sein de la Paix maintenant. « Que pouvions nous objecter au gouvernement ? poursuit-il. Pouvions-nous lui demander de tendre la main à une organisation qui s’est jurée de détruire Israël ? »

Deux événements ont modifié la donne ces derniers jours. Le premier est l’effervescence diplomatique autour d’une sortie de crise. Le second est l’option de l’escalade militaire entérinée par le cabinet Olmert. Du coup, La Paix maintenant se sent autorisée à émettre un son de cloche différent des clameurs belliqueuses ambiantes, critiquant non plus le fond, mais la forme que prend la guerre. « Je ne dis pas qu’il faut s’arrêter, précise M. Oppenheimer. Mais il ne faut pas pénétrer plus profondément en territoire libanais. Saisissons plutôt l’occasion offerte par la diplomatie pour négocier un accord préservant au mieux notre sécurité« .

Aujourd’hui minoritaire, le discours de La Paix maintenant pourrait devenir plus audible si Tsahal devait finir pas s’enliser au Liban et essuyer de lourdes pertes. «  Si Tsahal perd trois cents hommes mais finit par écraser le Hezbollah, alors l’opinion, même de gauche, pardonnera au gouvernement, souligne un autre militant pacifiste qui préfère conserver l’anonymat. Mais si le sacrifice de ces trois cents soldats ne permet pas de détruire le Hezbollah, acculant le gouvernement à un cessez-le-feu pour se retirer, alors les gens se diront : on a été trompés ». Le militant, lui, connaît la réponse : « On ne gagne pas contre une guérilla. Tout le monde sait cela depuis Napoléon en Espagne et les Américains au Vietnam. »

Frédéric Bobin
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