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Édition du 1er au 15 novembre 2024

Israël/Palestine : chercheurs et chercheuses prennent position

Le 4 décembre 2023, plus de 600 universitaires appellent « le gouvernement français à s’engager fermement pour obtenir un cessez-le-feu total, permanent et immédiat, et à œuvrer sans plus tarder pour la levée du blocus sur la bande de Gaza. » Le 15 novembre, 1350 chercheurs et chercheuses avaient défendu la liberté d’expression sur ces événements, dénonçant des pressions du ministère de l’Enseignement supérieur.

Le monde académique appelle au cessez le feu permanent à Gaza

Suite à la reprise des bombardements à Gaza, plus de 600 chercheurs·ses, doctorant·es et membre du personnel administratif, ITA et Biatss du milieu universitaire appellent « le gouvernement français à s’engager fermement pour obtenir un cessez-le-feu total, permanent et immédiat, et à œuvrer sans plus tarder pour la levée du blocus sur la bande de Gaza. »

Nous chercheur·es, enseignant·es chercheur·es, post-doctorant·e·s, doctorant·es, étudiant·es, Biatss (Bibliothécaires, ingénieur·es, administratifs, technicien·nnes, personnels sociaux et de santé) et ITA (ingénieur·es, technicien·nnes, Administratif) CDD, CDI et fonctionnaires statutaires, appelons le gouvernement français à s’engager fermement pour obtenir un cessez-le-feu total, permanent et immédiat, et à œuvrer sans plus tarder pour la levée du blocus sur la bande de Gaza.

Le nombre de civils blessés et tués par l’offensive israélienne au lendemain de l’attaque menée par le Hamas et plusieurs factions palestiniennes le 7 octobre continue de croître et le bilan évalué à plus de 15.000 morts au 27.11.23 est insoutenable.

Dans la bande de Gaza, des quartiers entiers ont été rasés, des écoles et des hôpitaux détruits. Le gouvernement israélien ne cache pas son intention de poursuivre cette furie, au mépris du droit humanitaire et des conventions internationales. 1,5 millions de Gazaouis seraient désormais des déplacés internes.

Cette punition collective est rendue encore plus meurtrière par le resserrement ces dernières semaines du blocus qu’Israël impose depuis plus de 15 ans, privant la population d’eau, de nourriture et de soins.

En Cisjordanie, la population palestinienne endure également le bouclage du territoire et la violence redoublée de l’armée et des colons. Est-il besoin de rappeler que ces territoires sont occupés par Israël selon le droit international et que le monde est lourdement coupable d’être resté passif face au déni du droit des décennies durant ?

Nous nous inquiétons aussi de la violence qui s’est abattue sur les milieux académiques et éducatifs palestiniens. À Gaza, 9 universités ont été détruites, tandis que l’armée israélienne vandalise les campus universitaires et procède à des rafles parmi les enseignant.es et les étudiant.es en Cisjordanie. Ces dernières semaines, plus de 3.100 étudiant.es et écolièr.es palestinien.nes ont été tué·es et 67 emprisonné·es. Cette ruine du système éducatif et universitaire palestinien représente une menace grave pour l’avenir de la région.

Plusieurs organisations internationales, dont Amnesty International, dénoncent déjà des crimes de guerre et contre l’humanité, et mettent en garde contre l’éventualité d’un génocide.

Rien ne peut justifier de tels crimes.

Par le soutien déséquilibré qu’elle accorde au gouvernement israélien va-t-en guerre, la France se rend complice de tous ces crimes. Elle trahit aussi sa mission qui est de faire appliquer le droit international et d’œuvrer pour la protection des populations civiles quelles qu’elles soient.

Nous attendons du gouvernement français qu’il entende les voix courageuses qui en France et partout dans le monde appellent à un cessez-le-feu permanent et à la levée immédiate du blocus. Ces voix sont précieuses pour la construction d’un monde que nous voulons de conscience et de solidarité, non pas de terreur et de guerres.

Parmi les premier.es 600 signataires:

Houria Abdelouahed, Professeure des universités, Université Sorbonne Paris Nord
Fariba Adelkhah, chercheuse, Sciences Po Paris
Solenn Al Majali Doctorante Aix-Marseille Université / Ifpo Amman
Guillemette Andreu, égyptologue directrice honoraire du département des Antiquités égyptiennes du Louvre
Chakib Ararou, doctorant en littérature arabe, IREMAM, Aix-Marseille Université
Mariette Ballon, doctorante en science politique, Université Lumière Lyon 2
Ludivine Bantigny, professeure agrégée, Université de Rouen
Ali Bensaad Professeur des Universités, Paris 8
Sam Bourcier sociologue, IUF, université de Lille
François Burgat Politologue, Aix-en-Provence
Louis-Jean Calvet, linguiste, Aix-Marseille Université
Dominique Caubet, PU émérite, INALCO-LACNAD, Paris
Abdallah Cheikh-Moussa, professeur émérite, Sorbonne Université – Lettres
Sylvie Denoix, CNRS, UMR 8167
Francoise Dreyfus, professeur émérite Université Paris 1
Anne-Marie Eddé, professeur émérite, Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Catherine Goldstein, directrice de recherche au CNRS, IMJ-PRG, SU, Université Paris-Cité
Flora Gonseth Yousef, Doctorante – Université Paris VIII
Nacira Guénif, Professeure, Université Paris 8, LEGS
Michael Harris, professeur émérite, Université Paris-Cité
Richard Jacquemond, professeur, IREMAM/Aix-Marseille Université
Samirah Jarrar, doctorante en anthropologie, Aix -Marseille
Taher Labadi, chercheur, IFPO
Stéphanie Latte Abdallah, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS)
Elisabeth Longuenesse, CNRS
Karine Lamarche, chargée de recherche en sociologie (CNRS/CENS), associée au Centre de Recherche Français à Jérusalem (CRFJ)
Pierre Lory, directeur d’études émérite (EPHE)
Simon Mangon, IFPO, Sciences Po Aix
Pascal Menoret, anthropologue, directeur du CEDEJ
Sabrina Mervin, directrice de recherche, CNRS/IREMAM
Alain Mille, Professeur émérite, Université Lyon1
Alastair Northedge, professeur émérite, Université de Paris I
Inês Oseki-Dépré, professeure émérite en littérature comparée, Aix-Marseille Université
Joseph Oesterlé, professeur émérite, Sorbonne Université, Paris
Livia Perosino, doctorante, Les Afriques dans le Monde (LAM), Sciences Po Bordeaux
Marwan Rashed, professeur des universités, Sorbonne Université
Esther Ravier, doctorante Sciences du langage, ENS Paris
Eugénie Rébillard, chercheuse, IFPO
Laura Ruiz de Elvira, chargée de recherche, IRD
Anna Roussillon, professeure d’arabe, Paris 1 Panthéon Sorbonne
Michele Scala, chercheur associé à l’Institut français du Proche Orient
Leila Seurat, chercheure, Centre Arabe de Recherches et d’Études Politiques de Paris
Pierre Signoles, Professeur honoraire, Université de Tours
Maboula Soumahoro, Institute for Ideas and Imagination, Columbia University
Julien Théry, Professeur des Universités, Université Lumière Lyon 2
Heidi Toelle, Professeure émérite, Université Paris III
Chantal Verdeil, PU, Inalco
Eric Verdeil, Professeur, Sciences Po/CERI
Tassadit Yacine, Directrice d’études, EHESS
Héla Yousfi, Maître de conférence, Université Paris-Dauphine PSL Liste des signataires

Défendre les libertés d’expression sur la Palestine : un enjeu académique

Face aux « intimidations, diffamations et restrictions de la parole scientifique » au sein des universités depuis les événements dramatiques du 7 octobre, plus de 1300 chercheur·ses et universitaires dénoncent « ce climat de menace qui engendre peur et autocensure au détriment de la libre expression ». Ils et elles souhaitent réaffirmer leur « droit de pouvoir soutenir des causes et exprimer des solidarités à titre individuel, comme tout·e citoyen·ne. »

Le 9 octobre dernier, la Ministre de l’ESR adressait une lettre aux président·es d’université et directrices et directeurs d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche où elle rappelait que la France « a exprimé sa pleine solidarité envers Israël et les Israéliens ».

Par là même, elle invitait les chef·fes d’établissement à faire respecter « la loi et [l]es principes républicains » en apportant « à tout manquement les sanctions disciplinaires et suites judiciaires appropriées, y compris en les signalant au Procureur de la République, en application de l’article 40 du Code de procédure pénale ». Elle mentionnait également « la possibilité d’étudier des procédures de dissolution de toute structure s’engageant dans des agissements répréhensibles ».

Le 12 octobre, le Président-directeur général du CNRS envoyait un message à l’ensemble des agent·es pour leur rappeler que, « dans le contexte de l’actualité dramatique du Proche-Orient », leur liberté d’expression est « encadrée par les règles de droit applicables à tous et toutes, en particulier celles concernant l’injure, la diffamation, toute atteinte concernant les lois mémorielles, l’apologie du terrorisme, l’incitation à la haine ou à la violence ou tout autre manquement prévu par la loi, qui peuvent faire l’objet de poursuites pénales et disciplinaires ».

Si l’on ne peut qu’adhérer aux principes éthiques à l’origine de ces dispositifs légaux, force est de constater que ces rappels à la loi s’inscrivent dans un moment particulier où se multiplient les injonctions à soutenir de manière inconditionnelle la politique de l’État israélien et à couper court à toute forme de discussion ou d’analyse contradictoire.

Ainsi, des chercheur·es et enseignant·es-chercheur·es subissent en ce moment des procédures disciplinaires relatives à leurs expressions plurielles, privées ou professionnelles, qui dérogent à la ligne du gouvernement français et qui sont taxées d’apologie du terrorisme.

Cela a installé un climat de délation, de censure et d’autocensure (annulation ou report d’événements scientifiques) rapporté par plusieurs collègues, dont des précaires. En effet certain.es ont fait l’objet de poursuites internes encouragées par l’institution ; d’autres ont été exclu·es des comités scientifiques de revue où iels siégeaient; d’autres ont été menacé·es et poussé·es à démissionner d’organismes de coordination scientifique, d’autres enfin convoqué·es pour des conseils de discipline en vue d’éventuelles sanctions suite à leur prises de position ou travaux de divulgation scientifique. La tribune ci-dessous est publiée à leur initiative.

***

« Nous chercheur·ses, juristes, anthropologues, sociologues, historien·nes, géographes, économistes, politistes, spécialistes des sociétés du Moyen-Orient et des mondes arabes, ainsi que nos collègues de l’ESR solidaires »

Nous souhaitons interpeller nos tutelles et collègues face aux faits graves de censure et de répression auxquels nous assistons dans l’espace public français depuis les événements dramatiques du 7 octobre. Au sein de nos universités, nous subissons des intimidations, qui se manifestent par l’annulation d’événements scientifiques, ainsi que des entraves à l’expression d’une pensée académique libre.

Nous recensons de plus en plus de messages envoyés par les directions des universités, des laboratoires de recherche, du CNRS et par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche lui-même, invitant les chercheur·ses et enseignant·es-chercheur·ses à signaler l’expression des idées jugées non conformes. Des accusations graves d’antisémitisme ou d’apologie du terrorisme ont déjà été proférées à l’encontre de certain·es collègues spécialistes de la région. 

Le conflit israélo-palestinien est un des révélateurs de la police de la pensée qui s’est installée dans le monde académique français depuis plusieurs années, dans la continuité de l’invention de l’islamo-gauchisme pour disqualifier certains discours scientifiques.

Cela a pu engendrer des phénomènes d’autocensure chez les chercheur·ses, entravant notre réflexion intellectuelle et remettant en cause notre déontologie professionnelle, dans une conjoncture où celle-ci s’avère d’autant plus cruciale. Cette (auto) censure ne concerne d’ailleurs pas tout le monde puisque des collègues non spécialistes ont, quant à elles et eux, pu librement multiplier tribunes, articles et communiqués sans réelle contradiction.        

La recherche libre, qui est une garantie du bon fonctionnement démocratique d’une société, a pour objectif d’informer et d’éclairer des réalités au moyen d’outils d’analyse historiques, géographiques, anthropologiques, sociologiques, économiques, juridiques et politiques. Ces outils nous permettent de produire des connaissances et des regards critiques et pluriels sur le monde.

Les dynamiques inquiétantes que nous observons au sein de la sphère académique reflètent un phénomène structurel plus large de répression des paroles et d’expressions de pensées non hégémoniques. Les censeur·ses ont un biais idéologique qu’ils et elles imposent sans précaution, en refusant l’échange intellectuel, qui est au cœur de nos pratiques.    

Notre communauté scientifique, constituée en large partie de précaires, doit dénoncer ce climat de menace qui engendre peur et autocensure au détriment de la libre expression de nos paroles, analyses et positions politiques. Notre éthique de chercheur·ses repose sur le droit à exposer nos travaux et analyses sans détournement, interruption et procès d’intention.

Nous souhaitons également réaffirmer notre droit de pouvoir soutenir des causes et exprimer nos solidarités à titre individuel, comme tout·e citoyen·ne. Pour cela nous demandons à nos tutelles de veiller à ce que cessent les intimidations, diffamations et restrictions de la parole scientifique et que nos collègues puissent être protégé·es dans leur mission de diffusion des savoirs scientifiques. Liste des signataires

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