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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Israël aurait fait preuve de retenue dans Gaza avant d’attaquer ? vous voulez rire !

La journaliste israélienne Amira Hass reprend et démonte quelques-uns des arguments mis en avant par le gouvernement israélien pour justifier sa politique par rapport aux Palestiniens. Un article publié le 14 juillet 2014 dans le quotidien Haaretz 1.

Israël aurait fait preuve de retenue dans Gaza avant d’attaquer ?

Vous voulez rire !

par Amira Hass, Haaretz, le 14 juillet 2014

Nos médias incrustent une terminologie dénaturée qui vient en appui des efforts visant à présenter Israël comme une victime. En voici quelques exemples.

« Gaza est un État indépendant »

Non, il ne l’est pas. Gaza et la Cisjordanie ne sont qu’une unité territoriale composée de deux parties. Selon les décisions de la communauté internationale, un État doit être établi dans ces deux parties, lesquelles sont toujours sous occupation israélienne, comme le sont les Palestiniens qui y vivent.

Gaza et la Cisjordanie ont le même indicatif téléphonique international : 970. (Un indicatif distinct – 972 pour Israël – est un geste sans portée qui reste de la période d’Oslo. Le système téléphonique palestinien est une division de celui d’Israël. Quand le service de sécurité du Shin Bet appelle une maison à Gaza pour annoncer que l’armée de l’air est sur le point de la bombarder, le Shin Bet n’a pas besoin de composer le 970).

Avec sa ruse et sa technique de colonialiste qu’il a acquises au Mapai (Parti des travailleurs, qui a rejoint le Parti travailliste israélien en 1968 – ndt), Ariel Sharon a retiré les colons de la bande de Gaza. En utilisant une forme nouvelle de domination, il a essayé de séparer définitivement l’enclave de la Cisjordanie. Le contrôle effectif de la mer, de l’air, des frontières et de la plus grande partie de la bande de Gaza est resté aux mains d’Israël.

C’est vrai, le Hamas et le Fatah, animés par leur lutte entre factions, ont largement contribué à la déconnexion des deux parties. Avec sa propagande, le Hamas a renforcé l’illusion de l’ « indépendance » de Gaza.

En attendant, Israël continue de contrôler le registre de la population de Gaza et de la Cisjordanie. Tout nouveau-né palestinien, à Gaza comme en Cisjordanie, doit être enregistré auprès du ministère de l’Intérieur israélien (via l’Administration de coordination et de liaison) pour pouvoir obtenir une carte d’identité à 16 ans.

L’information imprimée sur les cartes est aussi en hébreu. Avez-vous entendu parler d’un État indépendant dont les habitants doivent être enregistrés dans l’État « voisin » (occupant et agresseur) – et que sinon, ils n’obtiendraient aucuns papiers et n’existeraient pas officiellement ?

Quand des experts comme Giora Eiland, général en retraite qui a participé à l’élaboration du désengagement de Gaza, disent que Gaza est un État indépendant qui nous agresse, ils essaient de gommer le contexte de ce nouveau cycle d’effusions de sang. La tâche est vraiment aisée. Les Israéliens l’ont déjà fait.

« Légitime défense »

Les deux parties (Hamas et Israël) affirment qu’ils font feu en situation de légitime défense. Nous savons que la guerre est un prolongement de la politique, par d’autres moyens. La politique d’Israël est claire (si vous n’êtes pas consommateur de médias israéliens) : isoler toujours davantage la bande de Gaza, contrecarrer toute possibilité d’union palestinienne et détourner l’attention de l’offensive colonialiste en accélération sur la Cisjordanie.

Et le Hamas ? Il souhaite renforcer sa position en tant que mouvement de résistance après les coups qu’il a pris comme mouvement de gouvernement. Peut-être pense-t-il vraiment pouvoir changer toute la stratégie de la direction palestinienne vis-à-vis de l’occupation israélienne. Peut-être veut-il que le monde (et les États arabes) sortent de leur sommeil.

Pourtant, sauf le respect dû à Clausewitz, les calculs rationnels n’expliquent pas tout. N’oublions pas l’envie pour les missiles – qui a les plus gros, les plus longs, les plus impressionnants et ceux avec la plus longue portée ? Les garçons jouent avec leurs jouets et nous avons pris l’habitude d’appeler cela de la politique.

« Israël a fait preuve de retenue »

Quand commence-t-on à mesurer la retenue ? Pourquoi ne pas commencer avec les pêcheurs qui ont essuyé les tirs, qui ont été blessés et parfois tués par la marine israélienne, même si les ententes de 2012 ont parlé d’étendre la zone de pêche ?

Pourquoi pas avec les agriculteurs et les ramasseurs de métaux près de la clôture, qui n’ont pas d’autres revenus, qui subissent nos tirs et sont parfois blessés et tués par les soldats ? Ou avec la démolition des maisons palestiniennes prétendument pour raisons administratives en Cisjordanie et à Jérusalem ?

Ne prétendons-nous pas à cette retenue parce que c’est une violence que les médias israéliens ignorent avec arrogance ? Et pourquoi n’entendons-nous pas parler de la retenue palestinienne après que Nadim Nawara et Mohammed Abu Dhaher eurent été tués par des soldats israéliens au check-point d’Ofer ? « Retenue » est un autre mot pour effacer les contextes et renforcer le sentiment de victimisation de la quatrième plus grande puissance militaire du monde.

« Israël fournit l’eau, l’électricité, la nourriture et les médicaments à Gaza »

Non, il ne le fait pas. Il vend 120 mégawatts d’électricité et au prix fort, tout au plus un tiers de la demande. Sur la facture, sont déduits les frais de douane qu’Israël collecte sur les marchandises qui arrivent à ses ports et sont destinés aux territoires occupés. La nourriture et les médicaments que les commerçants palestiniens achètent, aussi au prix fort, entrent dans Gaza par des passages frontaliers contrôlés par Israël.

Selon le Gisha, Centre juridique pour la liberté de mouvement, en 2012, des produits israéliens pour une valeur de 1,3 milliard de shekels (environ 280 millions d’€) ont été achetés par la bande de Gaza. Ce qui fait que Gaza est aussi un marché captif pour Israël.

Quant à l’eau, Israël a imposé une économie autarcique de l’eau sur Gaza ; c’est-à-dire que les Gazaouis doivent se contenter de l’eau de pluie et des eaux souterraines qu’ils recueillent dans leur territoire. Israël, qui impose un quota d’eau aux Palestiniens, ne les laisse pas partager les sources d’eau de Cisjordanie avec la bande de Gaza.

Conséquence, la demande dépasse l’offre, et il y a pompage excessif. L’eau de mer s’infiltre dans les nappes phréatiques, de même que les eaux usées de leurs canalisations vétustes. À 95 %, l’eau de Gaza est impropre à la consommation. Et sur la base des accords passés, Israël vend 5 millions de mètres cube d’eau à Gaza (une goutte d’eau dans l’océan).

« Israël n’identifie que les cibles légitimes. »

Les maisons des membres jeunes et anciens du Hamas sont bombardées – avec ou sans enfants à l’intérieur – et d’après l’armée, ce seraient des cibles légitimes ? Y-a-t-il une maison juive en Israël qui n’abrite pas un officier ayant participé à planifier ou à lancer une offensive ? Ou un soldat qui n’a pas tiré, ou ne tirera pas, sur un Palestinien ?

« Le Hamas utilise la population comme boucliers humains »

Si je ne me trompe pas, le ministère de la Défense se trouve bien au cœur de Tel Aviv, alors qu’il est le principal « centre de guerre » de l’armée. Et que dire de la base d’entraînement militaire de Glilot, près du grand centre commercial ? Et du siège du Shin Bet à Jérusalem, à la limite d’un quartier résidentiel ?

Et à quelle distance notre « usine de couture » (centre nucléaire d’Israël avec l’arme atomique – ndt) à Dimona se trouve-t-elle des zones résidentielles ? Pourquoi est-ce normal pour nous, et pas pour eux ? Simplement parce qu’ils n’ont pas la capacité phallique de bombarder ces lieux ?

Amira Hass

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