Présentation de l’éditeur
Quelques mois après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, le gouvernement français décide de mobiliser des dizaines de milliers de travailleurs dans les colonies afin de pallier la grave pénurie de main-d’œuvre en métropole. Il s’agit d’organiser non seulement leur recrutement aux quatre coins de l’Empire – en Indochine, à Madagascar, en Afrique du Nord, et jusqu’en Chine –, mais aussi leur acheminement, leur affectation professionnelle et leur gestion quotidienne.
Cette vaste entreprise, première expérience d’immigration » organisée « , conduit quelque 220 000 hommes dans les usines et dans les exploitations agricoles de l’Hexagone. Et elle secoue en profondeur l’ordre racial et les habitudes coloniales héritées du XIXe siècle.
Les nouvelles circulations impériales font en effet émerger des problèmes inédits. Afin d’assurer la continuité de l’autorité coloniale, comment adapter le régime de l’indigénat en métropole ? Comment empêcher que ces travailleurs transplantés ne s’affranchissent du nouvel ordre disciplinaire que l’administration s’efforce de leur imposer ? Comment prévenir les amours interraciales qui subvertissent radicalement la domination coloniale ? Et que faire des enfants métis qui naissent en métropole ?
Alors que la participation des soldats mobilisés dans l’Empire français à partir de 1914 est désormais bien documentée, le sort des travailleurs coloniaux de la Grande Guerre, perçus comme à la fois indispensables et indésirables, demeure largement méconnu. À l’aide d’archives inédites, Laurent Dornel ouvre un nouveau pan historiographique et éclaire un épisode qui a durablement marqué l’histoire des migrations vers l’Hexagone.
Laurent Dornel est professeur d’histoire contemporaine à l’université de Pau et des Pays de l’Adour. Il est notamment l’auteur de La France hostile. Socio-histoire de la xénophobie 1870-1914 (Hachette, 2004), Les Étrangers dans la Grande Guerre (La Documentation française, 2014) et, avec Céline Regnard, Les Chinois dans la Grande Guerre. Des bras au service de la France (Les Indes savantes, 2018).
Sommaire
Introduction
Une pénurie inédite de main-d’œuvre
Une histoire encore très largement méconnue
Une histoire prometteuse
À l’origine de l’indésirabilité de l’immigration coloniale
Des indigènes en métropole
1. Les colonies, un » merveilleux réservoir d’hommes «
Une réserve de soldats
Un vivier de travailleurs
Une réorganisation générale du marché du travail
Organiser la main-d’œuvre coloniale
2. Quelle administration pour la nouvelle immigration coloniale ?
Un nouveau service pour les travailleurs coloniaux
Le dépôt de Marseille, plaque tournante
de l’immigration coloniale
Une réglementation spécifique inspirée par l’anthropologie coloniale
Le SOTC, un service au cœur de rivalités ministérielles
3. Les travailleurs coloniaux, portrait de groupe
Un maquis réglementaire
Des hommes venus surtout d’Afrique du Nord et d’Asie
Une division raciale du travail ?
4. Discipliner et identifier
Discipliner la main-d’œuvre coloniale
Identifier les populations coloniales : du livret à la carte
5. Une politique indigène en métropole ?
Acculturer, distraire, éduquer
Contrôler et surveiller
Quand Alger fâche Paris
6. Insubordinations
Face au travail, un répertoire d’actions varié
Une » subculture dissidente » ?
» Ils ont perdu tout respect de l’Européen » : une infrapolitique des travailleurs coloniaux ?
7. La grande peur : unions interraciales et métissage
Des relations intimes aux » conséquences fâcheuses » : naissance d’un problème global
La réaction des autorités publiques
Une grande peur exacerbée par la démobilisation (1919‑1920)
8. Le retour, et après ?
Un sauve-qui-peut administratif
Des » hommes nouveaux » ?
De nouveaux indésirables ?
Conclusion
Après la guerre, une surveillance maintenue
Indésirables musulmans
Un tournant dans la racialisation de la société française
Vers la lutte des races ?
Que faire de la main-d’œuvre coloniale ?
Liste des abréviations
Sources
Notes
Remerciements.