4 000 articles et documents

Édition du 15 septembre au 1er octobre 2025

Il y a 60 ans, l’Affaire Ben Barka. Un colloque à l’Assemblée nationale

Le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka, militant tiers-mondiste de premier plan et principal opposant au roi Hassan II du Maroc, était enlevé en plein Paris, puis assassiné, dans des circonstances qui n’ont toujours pas été établies. Son corps n’a jamais été retrouvé. Une information judiciaire pour « enlèvement, séquestration arbitraire et assassinat » court toujours. Notre site reviendra dans sa prochaine édition sur cette affaire. Nous publions ci-dessous deux lettres ouvertes adressées en octobre 2024 au roi du Maroc et au président de la République française par son fils aîné Bachir Ben Barka. Il leur demande de lever les obstacles liés à la raison d’État dans les deux pays. Ces demandes ne sont toujours pas satisfaites.


60ème anniversaire de l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka

Commémoration à l’Assemblée nationale

samedi 18 octobre 2025 – après midi

organisateur : Institut Mehdi Ben Barka – Mémoire vivante

avec le soutien de : SNES-FSU, MRAP, LDH, Collectif secret-défense : un enjeu démocratique

Ouverture par les parlementaires invitant et l’Institut Mehdi Ben Barka – Mémoire vivante


• Première table ronde : Commémoration des soixante ans de la disparition de Mehdi Ben Barka

  • Le combat pour la vérité et la justice (LDH, MRAP, SNES-FSU)
  • Action judiciaire : avancées et blocages en France et au Maroc (Me Marie Dosé et Maurice Buttin)
  • Rappel du parcours politique et militant de Mehdi Ben Barka : Mme Mounia Bennani-Chraïbi (professeure à l’Université de Lausanne)

• Deuxième table ronde : Le secret-défense en France, entrave à la vérité et à la justice

  • Témoignages de membres du Collectif secret-défense : Affaire Borell (30 ans), Affaire Ben Barka (60 ans), Massacres de Sétif (80 ans).

• Troisième table ronde : La disparition forcée et la lutte contre l’impunité

  • Fondation Louis Joinet, associations de lutte contre la disparition forcée : Donde estan (Amérique latine), Maroc, universitaires.

Mehdi Ben Barka (1920-1965)


Adressé à S.M. le Roi du Maroc

Source : Orient XXI

Sire,

Il y a cinquante-neuf ans, le 29 octobre 1965, mon père, Mehdi Ben Barka, était enlevé à Paris et « disparaissait ». Les circonstances de sa mort ne sont toujours pas élucidées, sa sépulture est toujours inconnue à sa famille et ses amis. Les responsabilités marocaines et françaises dans ce crime sont indéniables et ont d’ores et déjà été établies par la justice. Seulement, malgré une instruction toujours ouverte devant le Tribunal judiciaire de Paris, les obstacles au nom de la raison d’État empêchent les magistrats instructeurs saisis d’apporter les réponses à notre légitime quête de vérité. Cette raison d’État se manifeste particulièrement par le refus d’exécuter les Commissions Rogatoires Internationales au Maroc et par celui de lever le secret-défense en France sur les documents détenus par les services secrets français.

Deux ans après votre intronisation, Vous avez déclaré, Sire, dans une interview à un quotidien français, Le Figaro, en septembre 2001 :

[…] Je ne sais pas ce qui s’est passé et les principaux acteurs de l’affaire Ben Barka ne sont plus là. Mais je trouve que la mémoire de Ben Barka est traitée de façon inacceptable ; pour la presse, et certains individus, elle est devenue un produit commercial. C’est une insulte à sa famille. Il est normal que l’épouse de Ben Barka et son fils veuillent savoir où se trouve la dépouille de Mehdi Ben Barka. […] Mais le temps est peut-être venu de voir ce dossier différemment. Et je suis prêt, pour ma part, à contribuer à tout ce qui peut aider la vérité.

Malheureusement, ces déclarations prometteuses n’ont jamais abouti, malgré l’espoir suscité par les travaux de l’Instance Equité et Réconciliation qui n’ont pas permis d’apporter toute la lumière sur le sort de mon père

En octobre 2015, à l’occasion d’une cérémonie de commémoration du cinquantième anniversaire de la disparition de mon père, à laquelle Vous avez souhaité Vous associer par un message, Vous écriviez :

[…] Et bien que cet anniversaire vienne à un moment où de nombreuses questions restent sans réponse, Nous avons tenu à partager avec vous cet événement, sans inhibition ni complexe par rapport à cette affaire, et en témoignage de l’estime dont il jouit auprès de Nous et des Marocains.

Près de dix ans plus tard, la famille et les proches de Mehdi Ben Barka attendent toujours que cet hommage prenne toute sa mesure par l’établissement de toute la vérité sur sa disparition.

Le souhait le plus cher de ma mère, Rhita Bennani, la veuve de Mehdi Ben Barka était de pouvoir aller se recueillir sur la tombe de son mari et le père de ses enfants. Il y a quatre mois, elle décédait sans avoir pu le réaliser. Son combat de près de soixante années pour la vérité et la justice est resté inabouti.

Bachir Ben Barka

Fils aîné de Mehdi Ben Barka.

Partie civile dans l’information judiciaire ouverte au Tribunal judiciaire de Paris pour enlèvement, séquestration arbitraire et assassinat.


Adressé au Président de la République française

Source : Orient XXI

Monsieur le Président,

Après votre élection à la présidence française, vous avez déclaré, au cours de votre visite officielle au Burkina Faso, le mardi 28 novembre 2017, avoir « pris la décision que tous les documents produits par des administrations françaises pendant le régime de Sankara et après son assassinat, […] couvertes par le secret national soient déclassifiés et consultés en réponse aux demandes de la justice burkinabé. »

Le 13 septembre 2018, après avoir reconnu la responsabilité de l’État français dans la disparition de Maurice Audin, vous ajoutiez : « […] il était temps que la Nation accomplisse un travail de vérité sur ce sujet. »

Dans le cadre de la publication du rapport Stora, vous avez officiellement reconnu en 2021 que Ali Boumendjel, avocat et militant anticolonial algérien avait bien été torturé puis assassiné en 1957.

Ces déclarations, d’une forte portée symbolique, ont appelé de notre part une interrogation légitime : pourquoi ne pas inclure Mehdi Ben Barka dans la reconnaissance de la part de la responsabilité française dans son enlèvement et sa disparition et pourquoi ne pas aider la justice française à établir toute la vérité ? Malheureusement, toutes les démarches que nous avons entreprises auprès de la présidence de la République sont restées vaines ; les demandes de levée du secret-défense des juges en charge du dossier ont été rejetées.

Pour les enfants et les petits-enfants de Mehdi Ben Barka, pour tous ses amis, cette situation est humainement insupportable et politiquement inacceptable. Dans le cadre du respect de l’action de la justice, vous êtes, Sire et monsieur le Président de la République, en mesure de faire les gestes qui s’imposent, de prendre les décisions nécessaires pour que cette affaire sorte de l’impasse dans laquelle elle s’embourbe depuis longtemps, et de permettre ainsi la manifestation de la vérité à laquelle nous aspirons depuis bientôt soixante années.

Deux nations comme le Maroc et la France se grandiraient en assumant pleinement leurs responsabilités pour que la vérité soit établie au grand jour et que justice se fasse. Ainsi, il sera possible de tourner dignement la page d’une affaire qui a scandaleusement entaché les relations entre la France et le Maroc.

Bachir Ben Barka

Fils aîné de Mehdi Ben Barka.

Partie civile dans l’information judiciaire ouverte au Tribunal judiciaire de Paris pour enlèvement, séquestration arbitraire et assassinat.


Facebook
Email

Abonnez-vous à la newsletter

Envoyer un mail à l’adresse
, sans objet, ni texte.
Vous recevrez sur votre mail une demande de confirmation qu’il faudra valider.

Ou alors, remplissez ce formulaire :