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Édition du 1er juillet au 15 juillet 2024
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Il y a 20 ans, débutait le génocide du Rwanda

Il y a 20 ans, le génocide de près d’un million de Tutsis et le massacre de Hutus modérés par le régime du président Habyarimana commençait dans les rues de Kigali avant de se généraliser dans tout le pays. La LDH et la FIDH souhaitent en ce 20ème anniversaire du génocide, honorer la mémoire des victimes et des survivants de ce drame et appeler les autorités rwandaises et la communauté internationale à poursuivre la lutte contre l’impunité des responsables du génocide et œuvrer pour qu’une telle folie ne se reproduise plus, notamment par le soutien à la démocratie et au respect des droits de l'Homme.

Communiqué LDH

Paris, le 7 avril 2014

Rwanda, 7 avril 1994 – 7 avril 2014 : un génocide qui attend toujours le jugement de ses auteurs et la vérité sur toutes les responsabilités

Il y a vingt ans, en moins de trois mois, plus de huit cent mille personnes, femmes, enfants, hommes, ont été assassinées dans des conditions atroces, parce qu’elles étaient, selon la classification héritée de la colonisation, identifiées tutsi ou bien parce que, hutus démocrates, elles tentaient de s’y opposer.

Au-delà du devoir de mémoire que l’on doit aux disparus et de la solidarité qu’il faut manifester aux survivants qui vivent, dans leur corps et dans leur esprit, des séquelles d’une violence extrême, la Ligue des droits de l’Homme affirme qu’un complet travail d’enquête, d’histoire et de justice doit enfin avoir lieu.

Cette effroyable tragédie a encore et toujours des conséquences fortes aujourd’hui, tant au Rwanda, où il faut vivre avec cette plaie toujours ouverte et côtoyer le voisin qui, parfois, a été l’un des exécuteurs, que dans les pays voisins tels le Burundi et la République démocratique du Congo, toujours plongés dans les affres de massacres, dont beaucoup ont pour origine le conflit du Rwanda.

En ce jour anniversaire du début du génocide, la LDH s’engage à continuer l’action, avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et ses organisations membres depuis 1995, en étant partie civile dans de nombreuses procédures en cours contre des présumés coupables ou contre des complices de génocide ou de crimes contre l’humanité, vivant parfois en France même, en toute impunité. Si des progrès significatifs ont été réalisés au sein de tribunaux nationaux (Belgique, Canada, Etats-Unis, Rwanda, Suisse…) et internationaux, nombre de procédures n’ont pas trouvé encore d’aboutissement.

C’est pourquoi la LDH considère que la condamnation, par la justice française, à vingt-cinq ans de prison d’un auteur de crimes de génocide au Rwanda ne doit pas rester exemplaire et unique. Elle attend que les arrestations intervenues à la demande du Pôle crimes de guerre / crime contre l’humanité du ministère de la Justice débouchent sur des procès.

Notant avec satisfaction ces progrès enfin réalisés dans notre pays, la Ligue des droits de l’Homme attend des procédures actuellement en cours qu’elles permettent non seulement de rendre justice aux victimes mais aussi de rendre public le rôle exact que la France a joué dans ces événements tragiques, tant dans son action diplomatique que dans ses interventions armées.

Ce génocide n’est pas tombé du ciel ; il a été parfaitement planifié, organisé. Un discours négationniste a pris de l’ampleur en France ces dernières années. La LDH le réaffirme : NON, il n’y a pas eu « double » génocide, OUI, le génocide était annoncé (rapport de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU de juillet 1993, confirmant les termes du rapport publié en février par des organisations de défense des droits, dont la FIDH et Africa Watch). OUI, les massacres auraient pu être évités si les institutions censées représenter la « communauté internationale » avaient assumé leurs responsabilités, si la justice pénale internationale pouvait fonctionner dans des conditions réellement efficaces.

Il serait temps que la France, à l’instar d’autres organisations et nations (ONU, Belgique, Etats-Unis par exemple), reconnaisse enfin ses responsabilités politiques dans ces mois effroyables où l’indicible a été commis dans l’indifférence générale.

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Rwanda : La FIDH honore la mémoire des victimes et des survivants du génocide au Rwanda

Le 7 avril 1994, les 100 jours du génocide au Rwanda commençaient à Kigali, au lendemain de la mort du président Habyarimana. Près d’un million de personnes trouvent la mort dans les massacres systématiques des Tutsis et de tous ceux qui s’opposent au génocide, pourchassés, tués méthodiquement dans d’atroces souffrances. Les milliers de rescapés témoigneront plus tard de la logique de mort implacable mise en œuvre par les tenants du « pouvoir Hutu ».

« Le génocide au Rwanda est une plaie béante dans notre histoire commune, une folie destructrice dont les survivants sont marqués à jamais. En ce triste anniversaire, ce sont les victimes et les survivants que nous souhaitons honorer, en nous souvenant de chacun d’eux » a déclaré le président de la FIDH, Karim Lahidji.

En mars 1993, la FIDH et six autres organisations de défense des droits de l’Homme avaient publié un rapport sur les violations massives et systématiques des droits de l’Homme commises au Rwanda depuis le 1er octobre 1990, qui alertait sur la perpétration en cours de violations des droits de l’Homme « massives et systématiques, avec l’intention délibérée de s’en prendre à une ethnie déterminée » prémices de la logique génocidaire mise en œuvre en avril 1994.

Après le génocide, la FIDH a initié des enquêtes pour établir les responsabilités et l’ampleur des crimes, en particulier avec Human Rights Watch (HRW), qui ont donné lieu à l’un des ouvrages les plus complets sur le génocide au Rwanda, Aucun témoin ne doit survivre dont l’auteure principale est Alison Desforges, aujourd’hui décédée.

« Avec Alison Des Forges, nous avons tenté non seulement de comprendre et de prouver la planification, l’intention génocidaire, mais aussi de décortiquer comment les rouages de l’état ont été utilisée comme une machine de mort sans laquelle il aurait été impossible d’atteindre un tel niveau d’efficacité et de sophistication » témoigne Me Eric Gillet, chargé de mission de la FIDH à l’époque.

Une équipe de la FIDH et de HRW a aussi enquêté, en 1996, sur les violences sexuelles à grande échelle commises pendant le génocide au Rwanda et leurs conséquences. Ce rapport, « Vies brisées : Les violences sexuelles lors du génocide rwandais et leurs conséquences », témoignages et analyses à l’appui, retrace les mécanismes, les ressorts et les conséquences sur les femmes et la société, de cet aspect du crime génocidaire.

« Le viol comme arme de guerre a été largement utilisé pendant le génocide au Rwanda pour punir les femmes tutsis d’être Tutsis » a déclaré Sheïla Muwanga Nabachwa, vice-présidente de la FIDH. « Malheureusement, les corps des femmes sont toujours un champ de bataille, même en Afrique et même 20 ans après ce drame. Nous devons agir pour que cela change » a-t-elle ajoutée.

La FIDH souhaite aussi placer ce 20ème anniversaire sous le signe de la lutte pour la justice des victimes et survivants du génocide rwandais et publie un dossier spécial consacré à 20 ans de la lutte pour la justice et contre l’impunité des génocidaires rwandais. Constituée partie civile dans une vingtaine de procédures judiciaires engagées contre les présumés génocidaires présents en France, la FIDH et son Groupe d’action judiciaire (GAJ) ont contribué, le 14 février 2014, une première victoire pour les victimes avec la condamnation, par la Cour d’assises de Paris, du capitaine rwandais Pascal Simbikangwa à 25 ans de réclusion criminelle pour crime de génocide et complicité de crimes contre l’humanité.

« La lutte contre l’impunité des auteurs du génocide rwandais n’est pas finie, elle se poursuit à l’échelle mondiale. Pour la France uniquement, pas moins de 27 procédures judiciaires sont en cours dont une vingtaine dans lesquels la FIDH est partie civile » a rappelé Me Patrick Baudoin, avocat de la FIDH dans ces procédures judiciaires et responsable du Groupe d’action judiciaire de l’organisation.

La FIDH qui sera présente aux commémorations du 20ème anniversaire du génocide à Kigali, se rappelle aussi de ces hommes et de ces femmes, activistes de la Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (LIPRODHOR), organisation membre de la FIDH au Rwanda, qui sont morts pendant le génocide et pour la liberté. Malgré le travail courageux de la LIPRODHOR avant, pendant et après le génocide, l’organisation membre de la FIDH fait l’objet d’attaques et de tentatives de contrôle de la part des autorités rwandaises. La FIDH publie également une note Rwanda : Garantir les libertés publiques et individuelles, l’envers du décors, sur la situation actuelle au Rwanda, qui démontre que le combat pour les libertés est toujours d’actualité au Rwanda.

« Ne pas oublier le génocide au Rwanda, les victimes et écouter les survivants, c’est se souvenir que le 20ème siècle a été celui des génocides et des meurtres de masse. La communauté humaine doit s’organiser pour que l’Afrique et le monde ne soient plus endeuillés par ces logiques de morts et de destruction systématique de l’autre » a déclaré Me Drissa Traoré, vice-président de la FIDH.


Pour aller plus loin :

  • Une séance de présentation du livre de Jean-Pierre Chrétien sur l’idéologie hamitique – 5598 – est prévue à la FNAC à Paris le 10 avril.

Et parution de deux livres excellents sur le Rwanda :

  • Le Génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda
    par Hélène Dumas, éd. Seuil, coll L’Univers historique, parution le 6 mars 2014, 384 pages – 23.00 € TTC

Fruit d’une enquête d’une dizaine d’années dans une commune du Rwanda, cette histoire « à la loupe » reconstitue, à travers ses lieux, ses acteurs et ses rescapés, l’exécution à l’échelle locale du dernier génocide du XXe siècle, concentré sur quelques mois (avril-mi-juillet 1994), et révèle la très grande proximité géographique, sociale, familiale des bourreaux et de leurs victimes. Nourri des témoignages aux procès, ceux des survivants, des tueurs et des témoins, mais aussi de déambulations sur les lieux de l’extermination, le récit met en lumière les mécanismes de ces massacres de proximité et la créativité meurtrière des bourreaux qui ont assuré la redoutable efficacité du génocide des Tutsi. Il éclaire l’ampleur de la participation populaire, ainsi que le rôle des imaginaires de guerre défensive et d’animalisation des victimes qui ont animé les tueurs.

Ce texte est aussi l’histoire de la confrontation d’un chercheur à la violence inouïe d’une parole et de la commotion produite par les traces physiques de l’extermination. À ce titre, il invite à une réflexion sur les manières de faire l’histoire d’un événement dont tant de dimensions demeurent inédites au regard des autres configurations de violence extrême.

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  • Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda.

    Chronique d’une désinformation

    par Jean-François Dupaquier, éd Karthala, mars 2014, 480 pages, 19 €.

L’élimination en masse des Tutsi du Rwanda en 1994 est trop souvent présentée comme le résultat d’une « colère populaire spontanée » dans un contexte de « fatalité tribale » en Afrique. Cet ouvrage démontre l’inanité de ces clichés. Le troisième génocide du xxe siècle fut le résultat d’une machine de propagande, de désinformation et de subversion des masses hors du commun. Les intellectuels et les hauts gradés rwandais qui conçurent et organisèrent en cent jours l’extermination d’environ un million de Tutsi et de Hutu démocrates utilisant sciemment les méthodes de la propagande nazie.
Jean-François Dupaquier dissèque ce compte à rebours vers le crime des crimes. L’auteur s’appuie sur des sources jusqu’ici inconnues pour montrer comment le régime du président Juvénal Habyarimana obtint le consentement préalable de l’Elysée à la possibilité de génocide, puis la préconisation depuis Paris d’un « front racial » contre la rébellion du FPR. Les agents de la Direction du renseignement militaire (DRM ) furent-ils dupes de la propagande de leurs homologues rwandais qui présentaient les Tutsi comme une « race » à éliminer « dans l’intérêt de la France », où bien y trouvaient-ils « un os à ronger », selon l’expression du patron de la DGSE ? François Mitterrand, obsédé depuis toujours par un « complot anglo-saxon » contre la francophonie, apparaît, avec ses courtisans, comme le premier responsable de ce naufrage.

L’auteur met aussi en lumière le jeu d’hommes de l’ombre, politiques, militaires et mercenaires, qui n’hésitèrent pas à manipuler le juge Jean-Louis Bruguière pour dissimuler leur responsabilité dans le génocide. Au terme d’une longue investigation, Jean-François Dupaquier apporte de nombreuses révélations sur une des plus impressionnantes séries d’opérations de désinformation du XXe siècle…

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