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Édition du 1er juillet au 15 juillet 2024

Les victimes de la fusillade de la rue d’Isly bénéficieront-elles d’une reconnaissance refusée aux victimes de l’OAS ?

Comme l'année dernière à pareille époque, d'anciens activistes de l'OAS ont obtenu l'autorisation de participer à la cérémonie du ravivage de la Flamme à l’Arc de Triomphe, le 26 mars prochain. Il s'agit pour eux d'honorer le souvenir des victimes de la fusillade du 26 mars 1962 à Alger 1. Une fois encore, nous nous associons à la douleur des familles, mais nous devons à la vérité de rappeler que les manifestants du 26 mars 1962 répondaient à l'appel de l'OAS, organisation terroriste qui a fait de nombreuses victimes civiles et militaires, françaises et algériennes. La compassion envers les familles des victimes est légitime. Mais la prise en compte d'une seule catégorie d'entre elles ne doit pas être une insulte à la mémoire des autres. A ce titre, nous ne pouvons que nous élever par avance contre le projet, dénoncé par deux associations de défense de la mémoire de victimes de l'OAS, d'accorder le statut de «Morts pour la France» aux victimes de la rue d'Isly.
[Article mis en ligne le 23 mars 2008, complété le 30 juillet 2008]

Communiqué des associations :

Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS,

Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons.

Paris, le 23 mars 2008, 09:24

26 mars 2008 : L’OAS CÉLÉBRÉE À L’ARC DE TRIOMPHE

LES FAMILLES DE VICTIMES MOBILISÉES

À l’annonce d’une cérémonie de ravivage de la Flamme prévue à l’Arc de Triomphe le 26 mars 2008 à 17 h en hommage aux participants à la manifestation insurrectionnelle du 26 mars 1962 à Alger, les deux associations communiquent :

Le 26 mars 1962 en matinée, une semaine après le cessez-le-feu en Algérie, l’organisation séditieuse dénommée OAS (Organisation armée secrète), issue du putsch d’avril 1961, lançait, par voie de tracts, un mot d’ordre insurrectionnel. Elle exhortait les Algérois à s’opposer « jusqu’au bout à l’oppression sanguinaire du pouvoir fasciste » et à former des cortèges, l’après-midi même, en direction du « périmètre de bouclage de Bab-el-Oued ». Les participants à ce rassemblement, préalablement interdit par les autorités civiles et militaires, se heurtaient à un barrage des forces de l’ordre rue d’Isly : la manifestation causait quarante-six morts.

Quarante-six ans après, des dirigeants associatifs, anciens de l’OAS, appellent à une cérémonie sous l’Arc de Triomphe dont l’objet serait, au travers du ravivage de la Flamme, d’honorer le souvenir de ces victimes de la fusillade de la rue d’Isly. Un demi-siècle après, l’OAS s’approprie la mémoire douloureuse des fils et filles ainsi que des frères et soeurs de celles et ceux qu’elle a abusés en les encourageant à défier l’État.

Il n’est pas admissible qu’une telle célébration, encadrée par d’anciens tueurs de l’OAS, puisse se dérouler sur un site aussi hautement symbolique de notre histoire nationale que l’Arc de Triomphe. La tombe du Soldat inconnu et la Flamme éternelle ont vocation à perpétuer le souvenir de ceux qui ont combattu et donné leur vie pour la défense des institutions républicaines et des principes fondamentaux de notre société.

Ce haut lieu de la mémoire française ne saurait être investi, fût-ce le temps d’un dépôt de gerbe, par des factieux qui ont tourné contre la République les armes qu’elle leur avait confiées. Ces terroristes qui, dans leur discours revanchard, comparent le Général de Gaulle à Hitler ne sauraient être admis à en piétiner la mémoire en même temps que l’appel du 18 juin, reproduit à quelques pas seulement de la Flamme du Souvenir.

Pourtant, une différence existe entre ce rassemblement et ceux qui l’ont précédé.

Entre-temps, en effet, Monsieur Nicolas Sarkozy a accédé à la présidence de la République.

Or, le candidat élu à la magistrature suprême avait pris pour engagement de conférer la qualité de Mort pour la France aux manifestants du 26 mars 1962.

Tout indique qu’une telle promesse sera tenue prochainement.

L’attribution de la qualité de Mort pour la France aux manifestants du 26 mars 1962 s’analyserait comme une nouvelle prime octroyée à ceux qui ont soutenu l’OAS. Elle leur conférerait un statut aligné sur celui des poilus de la Grande guerre et des anciens combattants et résistants du conflit de 1939-1945. Elle constituerait une marque de mépris à l’égard des militaires et des fonctionnaires qui ont eu pour mission de faire respecter l’ordre républicain en Algérie et dont certains sont tombés, victimes du devoir, sous les coups de l’OAS, et ont été légitimement reconnus « Morts pour la France ».

Une distinction de cette nature ne doit viser que ceux qui se sont acquis des mérites en s’impliquant avec honneur au service de la Nation. Elle ne peut s’appliquer à des personnes ayant obéi à des mots d’ordre insurrectionnel émanant d’une organisation à la fois terroriste et raciste.

Dans ce contexte, une dénonciation s’impose non seulement de la présence de l’OAS sous l’Arc de triomphe ce mercredi 26 mars mais aussi de la menace de la réalisation d’une promesse électorale de Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République, allant à l’encontre de l’apaisement des mémoires.

C’est pourquoi les associations soussignées invitent les représentants du monde combattant ainsi que les formations et mouvements qui en soutiennent l’action à venir exprimer leurs sentiments républicains le mercredi 26 mars 2008 à 16 h 45, en haut de l’avenue des Champs-Élysées, place Charles de Gaulle, devant l’entrée du souterrain desservant l’Arc de Triomphe.

La promesse du candidat

Les inquiétudes des deux associations trouvent leur origine dans la promesse que Nicolas Sarkozy, candidat à la présidence de la République, avait confirmée dans la lettre qu’il a adressée au président du Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (CLAN-R), le 16 avril 2007 :

«Je vous confirme qu’outre la mémoire due aux “disparus”, je souhaite que les victimes françaises innocentes de cette guerre, jusqu’à l’indépendance, et je pense tout particulièrement aux victimes du 26 mars, se voient reconnaitre la qualité de “morts pour la France”. »

Si l’attribution de la mention “Mort pour la France” aux victimes de la fusillade de la rue d’Isly se confirmait, il serait inconcevable que les victimes de l’OAS ne puissent bénéficier d’une reconnaissance au moins égale.

La République ne doit pas commettre une telle iniquité !

La question

Le lobby algérianiste n’a pas oublié la promesse du candidat. C’est ainsi que la lecture du Journal officiel du 11 mars dernier (page 1980) nous apprend que Kléber Mesquida, député de l’Hérault dont l’implication personnelle en faveur des « compatriotes provenant de ces contrées» est bien connue, a posé la question écrite suivante au secrétaire d’État chargé des anciens combattants :

M. Kléber Mesquida attire l’attention de M. le secrétaire d’État à la défense, chargé des anciens combattants, sur la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. En effet, la loi du 23 février 2005 dispose, dans ses articles 1er et 2, la reconnaissance par la France «des souffrances éprouvées et des sacrifices endurés» par «les disparus et les victimes civiles» lors «de massacres ou d’exactions commis durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Evian». Cependant, et bien qu’il soit à souligner que cette reconnaissance symbolique intervient pour la première fois dans l’histoire de notre pays, cette loi ne répond concrètement pas à toutes les attentes. En effet, lors des débats sur cette loi, des amendements tendant à reconnaître la qualité de «mort pour la France» aux victimes civiles de cette guerre avaient été rejetés. Le ministre s’était alors engagé à demander aux services du ministère de la défense, en liaison avec les plus hautes juridictions administratives, d’étudier la question avec la plus grande attention et de tenir informer les parlementaires des suites données. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui communiquer les suites données à ce dossier, et il lui demande quelles mesures il compte prendre envers les familles.

La réponse du ministre

La réponse de Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants, a été publiée au Journal officiel du 22 juillet 2008 (page 6364) :

Le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants tient à rappeler à l’honorable parlementaire qu’au lendemain de la guerre d’Algérie, qui n’a été qualifiée de guerre que par la loi n° 99-892 du 18 octobre 1999, deux catégories de victimes ont demandé l’attribution de la mention « Mort pour la France » : les militaires et le personnel employé au maintien de l’ordre, d’une part, et les victimes civiles, d’autre part.

Si la première catégorie peut se voir attribuer cette mention au titre des dispositions de l’article L. 488-12° du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, depuis l’intervention de l’article 21 de la loi n° 55-356 du 3 avril 1955 relative au développement des crédits affectés aux dépenses du ministère des anciens combattants et victimes de guerre pour l’exercice 1955, ce n’est que suite à l’avis rendu par le Conseil d’État le 13 février 2003, sur saisine en 2002 du ministre alors en charge des anciens combattants, que la seconde catégorie, pour partie seulement, peut également bénéficier de ces dispositions, dans le cadre de l’article L. 488-9° du code déjà cité.

En effet, la Haute Assemblée a considéré que, peuvent se voir attribuer cette mention les victimes civiles «décédées à la suite d’actes de violence constituant une suite directe de faits de guerre et dont l’auteur est l’un des belligérants engagés dans cette guerre, ce qui exclut l’Organisation de l’armée secrète (OAS)». Sont donc exclues de cette mention les victimes des attentats qui ont été perpétrés par cette dernière.

A suivre…
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