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hommages illégitimes à d’anciens activistes

Après Toulon, Nice, Théoule, Perpignan ... bientôt Marignane ... Peut-on laisser se multiplier les hommages à des membres d'une organisation terroriste dont le but était de renverser la République ? [Première mise en ligne, le 2 janvier 2005,
dernière mise à jour : le 24 janvier 2005]

Une stèle à Marignane pour honorer les morts de l’OAS.

par Alexandre Nasri [Le Figaro, 6/7 novembre 2004, section « France/Société »]

Le maire de Marignane (Bouches-du-Rhône), Daniel Simonpiéri (DVD)1, vient d’attribuer à l’ Association de Défense des Intérêts Moraux et Matériels des Anciens Détenus et Exilés politiques de l’Algérie française (ADIMAD) une parcelle vierge dans le nouveau cimetière de sa ville. L’ADIMAD souhaite y ériger un monument à la mémoire d’anciens membres de l’Organisation Armée Secrète (OAS) emprisonnés ou condamnés à mort. L’inauguration a été fixée au 6 juillet 2005, si l’association réussit à rassembler les 30 000 euros nécessaires. Elle affirme avoir déjà récolté les deux tiers de cette somme par le biais d’une souscription. Le monument de bronze sera dédié «aux fusillés et combattants morts pour que vive l’Algérie française».

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Deux monuments du même type existent déjà dans le sud de la France. Le premier a été inauguré à Théoule (Alpes-Maritimes) le 1er novembre 2002 : il s’agit d’une simple stèle portant l’inscription : «A tous nos camarades tombés pour la défense de l’Algérie française.» Le second monument, baptisé Stèle des fusillés, est beaucoup plus imposant – celui de Marignane sera bâti sur le même modèle : inauguré à Perpignan le 5 juillet 2003 2, il s’agit d’un cénotaphe de bronze et de marbre : on y voit, attaché à un poteau, un homme qui s’effondre. Cette sculpture symbolise la mort d’un condamné au peloton d’exécution. Sous cette icône est gravé : «Terre d’Algérie.» Dessous, une autre plaque énumère quatre noms : Bastien-Thiry, Degueldre, Dovecar et Piegts.

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Jean-Marie Bastien-Thiry, ingénieur militaire et membre de l’OAS, a été fusillé le 11 mars 1963 pour avoir tenté, lors de l’attentat du Petit-Clamart du 22 août 1962, d’assassiner le général de Gaulle 3. Roger Degueldre, responsable des commandos Delta de l’OAS, a été condamné à mort par la cour militaire de justice et fusillé le 6 juillet 1962. Albert Dovecar et Claude Piegts, qui agissaient sous les ordres de Degueldre, ont eux participé à l’assassinat du commissaire de police Gavoury. Ils ont été fusillés le 7 juin 1962.

«Nous étions tous des résistants, explique aujourd’hui Jean-François Collin, président de l’ADIMAD. Bastien-Thiry et tous nos camarades se sont rebellés contre de Gaulle, qui avait trahi la Constitution en ouvrant la voie à la sécession de départements français. Les barbouzes gaullistes ont torturé à qui mieux mieux nos camarades. Aujourd’hui encore, la France honore les porteurs de valises du FLN. Nous, nous honorons nos combattants.»

Le président de l’ADIMAD précise aussi que Daniel Simonpiéri a rapidement donné son accord à l’implantation du monument sur le territoire de sa commune. Dans cette ville de 30 000 âmes vivent principalement des ouvriers, des employés et des retraités. Environ 4 000 pieds-noirs y résident : «Peut-être que son électorat lui en sera reconnaissant ?», ajoute Jean-François Collin. Mais du côté de la mairie de Marignane, on ne souhaite plus aujourd’hui faire trop de publicité autour de cette affaire. Daniel Simonpiéri, élu la première fois à la tête de sa ville en 1995 sous l’étiquette Front national, puis membre du MNR, a intégré le 31 mars dernier le groupe UMP au Conseil général des Bouches-du-Rhône. Il refuse de faire le moindre commentaire sur l’octroi de la parcelle à l’ADIMAD. Son service de communication se contente de dire que «l’an dernier, une stèle similaire a été inaugurée à Perpignan et cela n’a pas soulevé autant d’émotion».
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L’article précédent oublie au moins deux monuments de ce type.

– Dans les Jardins d’Alsace-Lorraine à Nice, se trouve une stèle en pierre (d’environ 1m60 de haut) « Aux martyrs de l’Algérie Française », avec au dos l’effigie de Roger Degueldre.

– Le premier monument aux « Martyrs de l’Algérie Française » a été inauguré à Toulon en juin 1980, dans des conditions dramatiques. Et Toulon possède également une plaque qui rend hommage au « général Raoul Salan, libérateur de Toulon », cadeau de la municipalité d’extrême-droite en mars 2001 5

Le midi de la France n’a malheureusement pas le monopole des hommages à d’anciens activistes : le 10 janvier 2005, le député François Lamy protestait solennellement contre l’installation d’une rue Raoul Salan à Wissous (Essonne).
Le député a sollicité l’intervention du président de la République pour que cessent « ces initiatives immorales ».
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Après une telle énumération, on peut se poser quelques questions.

–  » Que pense le gouvernement de la multiplication de stèles à la mémoire de quatre membres de l’OAS exécutés pour leurs actions criminelles contre le Chef de l’Etat, contre un Commissaire de police républicain, contre les six inspecteurs des Centres sociaux éducatifs, service de l’Education nationale créé à l’initiative de Germaine Tillion ?  »

–  » La République peut-elle accepter que soient honorés les membres d’une organisation terroriste dont le but était de la renverser ? »

COMMUNIQUÉ LDH

Contre la multiplication des « hommages aux combattants de l’Algérie française » :
pour un retour critique sur le passé colonial

La Ligue des droits de l’Homme s’inquiète de l’annonce de nouveaux hommages aux anciens membres de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) célébrés comme « combattants de l’Algérie française ».

Après un carrefour Raoul Salan à Toulon, une rue Raoul Salan est annoncée à Wissous dans l’Essonne.

Après les monuments érigés à Toulon et à Nice, portant l’effigie de Roger Degueldre, chef des commandos Delta de l’OAS auteurs notamment de l’assassinat des inspecteurs de l’Éducation nationale Marchand, Feraoun et leurs compagnons ; après ceux érigés à Théoule (Alpes-Maritimes) en 2002 et à Perpignan en 2003, un nouveau monument est annoncé à Marignane en juillet 2005, avec une plaque portant quatre noms : outre celui de Degueldre, ceux de Bastien-Thiry qui a tenté d’assassiner le chef de l’État le général de Gaulle au Petit-Clamart en 1962, de Dovecar et de Piegts, assassins du commissaire de police Gavoury.

Contre la propagande de l’extrême droite qui, à l’aide de telles commémorations, entretient la nostalgie de l’Algérie française et gratifie ces hommes d’être « restés fidèles à la parole de la France », seul un retour critique des plus hautes autorités de la République sur le projet colonial que celle-ci a mis en œuvre dans le passé, et auquel elle a été contrainte de mettre fin, peut constituer une véritable réponse.

Paris, le 24 janvier 2005

  1. Daniel Simonpieri, a été membre du F.N. de 1974 à 1999 puis du M.N.R. de 1999 à 2002. Il a défilé avec Jean-Marie Le Pen entre les deux tours de la présidentielle de 2002, avant de rejoindre le groupe UMP-UDF au Conseil général des Bouches-du-Rhône.
  2. L’inauguration a eu lieu en présence du premier adjoint de Perpignan représentant le Sénateur-Maire, Jean-Paul Alduy (UMP), et de Pierre Sidos, fondateur du mouvement d’extrême droite Jeune Nation.
  3. Interrogé sur cette initiative, Pierre Messmer a déclaré : « Construire un monument à Bastien-Thiry, qui a tout raté dans sa vie, y compris les attentats contre le général de Gaulle, c’est de la bêtise ou de la provocation. » [Le Canard enchaîné du 12 janvier 2005.]
  4. Dans un article paru le 8 novembre 2004, dans le journal gratuit Métro, Alexandre Nasri donne la réaction d’Armand Gide, président (local) de la Fnaca. Ce dernier se dit « scandalisé par l’accord donné par le maire de Marignane, ancien du FN et du MNR. C’est comme si l’on honorait la mémoire des collabos sous l’Occupation. Les fusillés de l’OAS étaient des traîtres à la nation« . « Je suis surpris, ajoute-t-il, que ni les élus UMP de la Région, ni les élus socialistes n’aient réagi dans cette affaire« .
  5. Les Toulonnais attendent toujours que leur maire, Hubert Falco, fasse disparaître ce vestige des années frontistes.
  6. Signalons également l’APUMAF, association qui milite pour que Raoul Salan soit « élevé au MARÉCHALAT DE FRANCE » (sic), et qui recherche une ville acceptant d’ériger sur une place publique  » un grand monument mémorial  » avec une sculpture dudit général.
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