
Près de Verdun, deux poilus fusillés ont droit à une cérémonie
Une cérémonie en souvenir de deux officiers fusillés sans jugement pour « abandon de poste » durant la bataille de Verdun, en 1916, et réhabilités dix ans plus tard, se déroule ce matin à 11 heures sur les lieux même de leur exécution. Le secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants, Hubert Falco, n’assistera pas, comme cela était prévu, à l’inauguration d’une stèle portant leurs noms, installée non loin de l’ossuaire abritant les restes de 300.000 soldats français morts au combat. Au cabinet de M. Falco, on explique son absence par un « problème d’agenda » en ajoutant que le secrétaire d’Etat sera à la même heure au Vieil-Armand (Vosges), lieu de combats acharnés en 1915.
La réhabilitation des « mutins » fait débat
Les sous-lieutenants Henri Herduin, 35 ans, et Pierre Millant, 29 ans, avaient été fusillés sans jugement « pour abandon de poste » le 11 juin 1916 sur un ordre écrit. Trois jours auparavant, ils avaient décroché de leur position avec les derniers hommes de leur régiment à ne pas avoir été tués ou faits prisonniers lors de la prise du fort de Vaux par les Allemands. Henri Herduin, dix-sept ans de service et décoré de la médaille militaire, avait tenu à commander lui-même le peloton d’exécution devant ses soldats désemparés. Après la Grande Guerre, une longue bataille menée par sa veuve, soutenue par la Ligue des droits de l’homme, avait abouti au rétablissement de la mention « Mort pour la France » sur l’acte de décès officiel des officiers et à leur réhabilitation posthume par la justice, le 20 mai 1926. Le cas des quelque 800 soldats français fusillés après jugement ou sans jugement en 14-18 et la délicate question de leur réhabilitation collective continuent de faire débat. Le 5 novembre 1998 à Craonne (Aisne), haut lieu des mutineries du chemin des Dames (avril 1917), le Premier ministre socialiste Lionel Jospin avait estimé que les mutins devaient « réintégrer aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ». Il s’était attiré la réaction du président de la République Jacques Chirac qui avait jugé sa déclaration « inopportune ».
« Des hommes dont on a trop exigé »
Dix ans plus tard, le 11 novembre 2008, le président de la République, Nicolas Sarkozy, déclarait pourtant à Douaumont que « beaucoup des soldats français exécutés ne s’étaient pas déshonorés », tout en évitant de prendre position sur la réhabilitation juridique des mutins1. Le président de la République avait alors pris soin de parler de soldats « exécutés », et non pas de mutins, évoquant « ces hommes dont on avait trop exigé, qu’on avait trop exposés, que parfois des fautes de commandement avaient envoyés au massacre ». La réhabilitation de soldats exécutés s’est faite au coup par coup, dès les années de l’après-guerre, comme pour les sous-lieutenants Herduin et Millant en 1926. En 1934, une Cour suprême de justice militaire, composée d’anciens poilus et de magistrats, avait réhabilité une trentaine de mutins. Dans l’un de ses jugements, cette juridiction avait écrit : « Si les nécessités impérieuses de la discipline commandent en temps de guerre le sacrifice de la vie, ce sacrifice ne peut être imposé lorsqu’il dépasse les limites des forces humaines. »
La plupart des exécutions ont eu lieu en 1914 et 1915
De nombreuses condamnations à mort, avec ou sans jugement, ont été prononcées durant la guerre 14-18 à l’encontre de soldats « déserteurs ».
« Près de 800 soldats français ont été condamnés à mort pendant la Grande Guerre après jugement en conseil de guerre ou sans jugement », selon le général André Bach, spécialiste reconnu de la question. D’après des travaux qu’il a réalisés en 1999, « quelque 680 soldats ont été fusillés après jugement par les conseils de guerre qui ont prononcé au total 2.600 condamnations à mort ». Des condamnations prononcées pour désertion, mutinerie, refus d’obéissance ou crimes de droit commun. Cette étude souligne que 66 % des exécutions ont eu lieu en 1914 et en 1915 soit durant les dix-sept premiers mois de la guerre. Les chiffres ont ensuite connu une baisse continue jusqu’en 1918.
« Une centaine de fusillés pour l’exemple »
L’une des raisons de cette baisse : « La loi du 27 avril 1916 », explique le général Bach. En effet, elle a permis aux soldats condamnés à mort de se pourvoir en cassation. La répression des mutineries du chemin des Dames en 1917, qui tient une place essentielle dans la mémoire collective des Français, s’est traduite par 554 condamnations à mort, dont 49 furent effectives. Le président de la République Raymond Poincaré avait alors gracié plus de neuf condamnés sur dix. Par ailleurs, André Bach « estime à une centaine le nombre des fusillés pour l’exemple » (exécutés sans jugement). En 1914, selon lui, le général Foch avait fait fusiller, un soldat sur dix dans une compagnie de tirailleurs qui s’était débandée. Les officiers, qui donnèrent ces ordres d’exécution sans jugement, s’appuyaient notamment sur le règlement de service en campagne, promulgué le 2 décembre 1913 sous la signature du président de la République, qui précisait dans son article 121 : « Les officiers et les sous-officiers ont le devoir de s’employer avec énergie au maintien de la discipline et de retenir à leur place, par tous les moyens, les militaires sous leurs ordres, au besoin en forçant leur obéissance. »
A Besançon également :
11 novembre : hommage à Lucien Bersot et Elie Cottet Dumoulin
Récemment, l’Etat a reconnu au plus haut niveau, que des fusillés pour l’exemple au cours de la première guerre mondiale avaient été condamnés à tort.
A Fontenoy, dans l’Aisne, une stèle rappelle le drame de deux poilus exécutés sur le territoire de cette commune. Parmi eux, le Bisontin Lucien Bersot, réhabilité en 1922 à l’initiative, notamment, de l’association des Mutilés de Guerre de Besançon.
A Besançon, rien ne marquait le souvenir de celui qui fut condamné à mort pour avoir refusé de porter un pantalon sale.
De nombreuses personnes continuent de croire à tort que la rue Bersot est dédiée à la victime d’une procédure expéditive.
Afin de réparer une injustice, la municipalité à décidé d’apposer une plaque à l’entrée de la Maison du Peuple, 11 rue Battant, pour honorer la mémoire de Lucien Bersot, associée à celle d’Elie Cottet Dumoulin, ouvrier ferblantier de Battant condamné à 10 ans de bagne pour avoir protesté contre la sanction frappant son camarade du 60è Régiment d’Infanterie.
L’inauguration aura lieu le 11 novembre à 16 heures. Elle sera suivie d’un exposé de Joseph Pinard qui fera le point sur les recherches relatives aux 600 fusillés (sur 2400 condamnés) de la Grande Guerre.
Toute la population est invitée à participer à cette manifestation.
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