Henri Alleg : « la loi du 23 février est odieuse »
Propos publiés par Liberté-Algérie le 31 octobre 2005.
Le journaliste, écrivain et militant de la lutte de libération nationale, Henri Alleg, a souligné hier la nécessité d’agir pour que le colonialisme soit reconnu comme “crime contre l’humanité”. “On s’est battu et on continue de se battre pour que le colonialisme soit reconnu comme crime contre l’humanité”, a-t-il dit dans une déclaration à l’APS, en marge d’un colloque sur Albert Camus.
“Nous nous battons pour que le gouvernement et l’État français dénoncent comme un crime d’État le colonialisme”, a-t-il ajouté avant d’estimer que le colonialisme a pris de “nouvelles formes” dans son “exploitation des peuples des pays en développement qui se poursuit”, a-t-il dit.
Il a indiqué qu’il est de plus en plus “nécessaire” pour les générations d’aujourd’hui dans les pays comme la France, un pays ex-colonisateur, de savoir “quel a été le passé de leur pays. Comment leur pays ont pu se développer grâce en grande partie à l’exploitation des autres peuples”.
Insistant sur cette question de reconnaissance, il a souligné que c’est dans cette optique qu’“on s’est battu et on continue à se battre pour une telle reconnaissance”. “Il a fallu plus de 150 ans pour que l’esclavage soit reconnu comme un crime contre l’humanité. Alors, espérons qu’il en faudra moins pour qu’on reconnaisse que la colonisation était un crime contre l’humanité”, a soutenu l’auteur de La Question, livre dans lequel il a révélé les actions de torture pratiquée par l’armée française pendant la lutte de libération nationale.
Rappelant l’adoption, en février dernier, par l’Assemblée nationale française d’une loi glorifiant le colonialisme français, M. Alleg a estimé que cette loi “montre qu’il y a des gens qui veulent continuer à cultiver ce mythe de l’aspect bénéfique de la colonisation. C’est absolument odieux : essayer de cacher à la fois les crimes et en même temps enterrer toute discussion sur ce qu’a été vraiment le colonialisme”, s’est-il indigné.
Pour M. Alleg, “c’est bien aussi, qu’en contrepartie et comme contre-offensive à cet état d’esprit, se développent dans la jeunesse des réactions à ce révisionnisme français”. “Il y a ceux qui condamnent ce qu’ont été la colonisation, la torture et tout ce que cette situation a entraîné” pour les peuples colonisés, a-t-il relevé.
Concernant son dernier livre, Mémoire algérienne, qui vient de sortir en librairie, Henri Alleg a expliqué que dans ce livre, il veut parler de sa mémoire algérienne “au singulier”, de son militantisme contre le colonialisme et de sa vie en Algérie où il a débarqué à l’âge de 18 ans, en 1939. “C’était ma découverte, en Algérie, de la situation coloniale. Je suis arrivé en Algérie très jeune, à 18 ans. Je venais de France où j’avais appris à l’école que l’Algérie est le troisième département français et que tout le monde était heureux comme en province française”, a relevé l’auteur.
“J’ai tout de suite remarqué, même si je n’avais pas encore bien conscience, que j’ai acquise plus tard, que l’Algérie était un pays opprimé qui allait être détruit dans ses différentes composantes. J’ai ensuite compris que ce qui nous était enseigné en classe ne correspondait pas à la réalité”, a-t-il ajouté, expliquant son engagement dans le combat anticolonialiste, qui a occupé la plus grande partie de sa vie active en Algérie.
R. N.