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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
Maïssa Bey, Fatima Besnaci-Lancou et Boualem Sansal.

Harkis : voix croisées pour une mémoire apaisée

Aujourd'hui, Fatima Besnaci-Lancou a champ libre à Roubaix : une exposition et deux week-end de rencontres et d'échanges avec différentes enfants de l'Algérie.6 Au-delà de la nécessaire reconnaissance dûe aux harkis, Fatima Besnaci-Lancou, co-fondatrice et présidente de l’Association Harkis et droits de l’Homme, veut ainsi contribuer par des actes à la réconciliation franco-algérienne.
[Première publication le 3 avril, mise à jour le 4 avril 2007]
Maïssa Bey, Fatima Besnaci-Lancou et Boualem Sansal.
Maïssa Bey, Fatima Besnaci-Lancou et Boualem Sansal.

Qui est Fatima Besnaci-Lancou ?

Née aux environs de Cherchell au début de l’insurrection armée du FLN algérien, Fatima Besnaci a huit ans en 1962 quand plusieurs membres de sa famille sont victimes de massacres visant ceux à qui on reprochait d’avoir été durant la guerre du
côté des Français. Avec ses parents, elle s’échappe vers Alger puis vers une France qu’elle ne connaît pas, mais où elle fera sa vie. Depuis, elle ne s’était intéressée qu’épisodiquement au sort de sa communauté d’origine. Elle s’était efforcée de s’éloigner des camps où on avait voulu enfermer son horizon, de faire des études, d’acquérir un métier et de vivre. Jusqu’au jour où elle entendit le président algérien Abdelaziz
Bouteflika justifier, quarante ans après la guerre, le bannissement des
harkis. Tous ses souvenirs d’enfant, toutes ces histoires racontées au fil
des années contredisent une telle simplification de l’histoire.

C’est pour témoigner de cette histoire complexe que Fatima a écrit ses livres : Fille de harkis, Les treize Chibanis Harkis et Nos mères, paroles blessées. Elle souhaite simplement que l’on cesse, par des simplifications, d’un côté comme de
l’autre de la Méditerranée, de cultiver les haines pour s’en servir.

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Du 3 avril au 5 mai : Les Chibanis Harkis – exposition de Serge Vollin1

L’exposition est un voyage à travers une période sombre et douloureuse de l’Algérie. Serge Vollin, né en Algérie, s’inspire du livre «Les treize Chibanis Harkis» pour retranscrire le témoignage d’histoires personnelles. Les peintures représentent ces déracinés qui sont passés par d’infinies épreuves et dont la seule revendication n’est pas une réparation matérielle mais simplement la quête de la vérité pour les générations futures.

Lors du vernissage, vendredi 6 avril à partir de 19h,
Fatima Besnaci-Lancou et Serge Vollin témoigneront d’un passé douloureux.

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Vendredi 27 avril 20h30 : «Nos mères, paroles blessées» – lecture à deux voix

La comédienne Rachida Brakni2 et la réalisatrice Dominique Cabrera
3 se livrent à une lecture à deux voix de «Nos mères, paroles blessées», où Fatima Besnaci-Lancou a regroupé des témoignages de femmes de harkis de la première génération, celles qui sont arrivées en France en 1962 avec leurs maris…

Dominique Cabrera prépare une adaptation au cinéma du livre «Fille de harkis». Le film racontera quelques mois de l’enfance de Nejma, fille de harki, réfugiée avec sa famille dans le camp de Rivesaltes, au cours de l’hiver 1962.

Samedi 28 avril 20h30 : projection de «Des pleins de vide» de Nicolas Srauss

Le film sera précédé d’un court documentaire de 7 minutes datant de 1963 «C’était les harkis». Le film de Nicolas Strauss (60 min) — il sera projeté en présence du réalisateur — retrace le voyage initiatique de Fatiha, Malika et Larbi Mellal, sur les traces de leurs parents débarqués presque quarante ans plus tôt en France et résidant aujourd’hui à Flers en Normandie. Monsieur Ahmed Mellal, leur père, était pendant la guerre d’Algérie « engagé » dans les forces supplétives françaises — ce que l’histoire a appelé un harki. Tous les trois vont, au fil de leurs rencontres et de leurs
déplacements, se rapprocher progressivement de l’histoire de leurs parents exilés, déracinés et pris en otage par une histoire officielle falsifiée.

Ponctué d’interventions de madame Mellal, leur mère qui nous livre son témoignage, et de l’historien Jean-Jacques Jordi, le film est une véritable rencontre humaine, familiale, entre la mémoire et l’histoire, entre un vécu trop longtemps refoulé et occulté, une histoire en construction, et un besoin pour les nouvelles générations de comprendre et assimiler le vécu de leurs parents afin de combler pour toujours ces pleins de vide.

Vendredi 4 mai 19 h : «Mémoires et paroles d’Algérie» – lectures croisées

Lectures croisées d’oeuvres de Fatima Besnaci-Lancou
et de Maïssa Bey4 par leurs auteures

Samedi 5 mai 14h30 : «L’Algérie aujourd’hui» – lecture-débat

Discussion sur l’Algérie d’aujourd’hui, animée par Gilles Manceron, autour de l’ouvrage de Boualem Sansal « Poste restante : Alger », en présence de l’auteur. Lecture de morceaux choisis par Richard Bohringer qui lira également quelques extraits du livre « Treize chibanis harkis ».

« En France, où vivent beaucoup de nos compatriotes, les uns physiquement, les autres par le truchement de la parabole, rien ne va et tout le monde le crie à longueur de journée, à la face du monde, à commencer par la télé. Dieu, quelle misère ! Les banlieues retournées, les bagnoles incendiées, le chômage endémique, le racisme comme au bon vieux temps, le froid sibérien, les sans-abri, l’ETA, le FLNC, les islamistes, les inondations, l’article 4 et ses dégâts collatéraux, les réseaux pédophiles, le gouffre de la sécurité sociale, la dette publique, les délocalisations, les grèves à répétition, le tsunami des clandestins… Mon Dieu, mais dans quel pays vivent-ils, ces pauvres Français ? Un pays en guerre civile, une dictature obscure, une République bananière ou préislamique ? À leur place, j’émigrerais en Algérie, il y fait chaud, on rase gratis et on a des lunettes pour non-voyants. »5

  1. L’exposition est ouverte du mardi au samedi de 12h30 à 18h30.
  2. Rachida Brakni, comédienne d’origine algérienne, a fait ses premiers pas au cinéma en 1999 dans Une couleur café, puis sous la direction d’André Techiné dans Loin. En 2002, elle se révèle au grand public avec Chaos de Coline Serreau, et reçoit le César du meilleur espoir féminin 2002. Depuis 2004, on a pu notamment la voir dans Ne quittez pas !, Portrait caché, Mon accident, L’ Enfant endormi et Barakat
  3. Née à Relizane (Algérie), Dominique Cabrera tourne en 1991 son premier documentaire , Rester là-bas, sur les pieds-noirs devenus algériens. Très vite, elle tourne d’autres documentaires, notamment à Mantes-la-Jolie : Chroniques d’une banlieue ordinaire, Rêves de ville, et Réjane dans la tour. En 1995, elle poursuit son travail de documentariste avec Une poste à la Courneuve. En 1996, elle revient au thème de son premier documentaire en tournant un long-métrage, L’autre côté de la mer avec Claude Brasseur et Roschdy Zem. Son travail part du postulat que fiction et documentaire sont deux genres indissociables. Son talent continue de s’exprimer dans ces dernières réalisations : Demain et encore demain, Nadia et les hippopotames, Le lait de la tendresse humaine et Folle embellie.
  4. Née au sud d’Alger, Maïssa Bey effectue des études de français avant de devenir enseignante. Elle travaille à l’Education nationale dans l’ouest algérien et est l’auteure d’Au commencement était la mer puis Nouvelles d’Algérie, ouvrage salué par le grand prix de la Nouvelle de la Société des gens de lettres. Cette fille-là, paru en 2001 aux éditions de l’Aube, a été couronné par le prix Marguerite-Audoux.

    Maïssa Beye est fondatrice et présidente d’une association de femmes algériennes Paroles et écriture.
  5. Boualem Sansal, « Poste restante : Alger – Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes », éd. Gallimard, 2006, 64 pages.
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