Gaza : impossible de se taire
Pourquoi cette peur, cette retenue à condamner sans réserves les crimes d’Israël ? La population civile de la prison à ciel ouvert qu’est Gaza est soumise à un véritable carnage. Ce sont des femmes et des enfants qu’on assassine de façon aveugle et disproportionnée. Le déséquilibre des forces en présence est criant. D’un côté près de 2000 Palestiniens qui ont été tués, dont environ 80% de civils et plus de 250 enfants, et de l’autre 64 militaires et 3 civils israéliens.
Pourquoi cette passivité, cette complaisance, cette impuissance ? L’opération « Bordure protectrice » est un épiphénomène dramatique qui ne doit pas occulter une réalité de beaucoup plus longue durée, qui est qu’Israël ignore depuis près de 50 ans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies qui ont toutes exigé le retrait des territoires occupés et l’arrêt de la colonisation.
Pourquoi l’Etat d’Israël est-il le seul vis-à-vis duquel est tolérée l’absence de soumission au droit international ? Les agissements israéliens dans le cadre de l’opération militaire en cours constituent sans discussion possible des crimes de guerre tels que définis par le Statut de la Cour pénale internationale, à savoir le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des biens de caractère civil, qui ne sont pas des objectifs militaires.
Certes les tirs de roquette du Hamas visent de façon également indiscriminée des populations civiles. Ces actes sont tout autant condamnables et identiquement qualifiables. Mais il suffit de se référer au nombre de victimes occasionnées par les uns et les autres pour en mesurer la disproportion. Alors qu’Israël ne connaît pratiquement que des pertes militaires, Gaza est soumis à un déluge de feu et de sang et avec des victimes principalement civiles.
Bien sûr Israël a droit à la sécurité mais ce n’est pas en utilisant toujours plus la force, la répression et la violence aveugle qu’il obtiendra cette sécurité. Qu’Israël respecte le droit international, les droits des palestiniens et alors en cas de viol de sa sécurité cet Etat aurait toute légitimité à se poser en victime. Mais les autorités israéliennes préfèrent jouer aux pompiers pyromanes : pousser les palestiniens vers toujours plus de désespoir et de radicalisation. Demain sera alors pire qu’aujourd’hui.
LA VIOLENCE AVEUGLE NE CONDUIT PAS À LA SÉCURITÉ
Israël se targue souvent d’être la seule démocratie de la région, mais précisément une démocratie pour mériter ce nom doit respecter les règles de droit vis-à-vis de tous et pas seulement de ses propres citoyens, ou alors il s’agit d’un leurre. Il est choquant de constater que les plus courageux et les plus lucides pour dénoncer la politique du gouvernement israélien sont des israéliens eux-mêmes, malheureusement minoritaires. Il serait souhaitable que les Occidentaux puissent avoir le même courage. Contester la politique israélienne comme on est en droit de contester celle de n’importe quel autre pays n’est pas être ennemi du peuple juif et ne saurait être assimilé de façon malhonnête à une marque d’antisémitisme.
Il faut revenir à l’application de la règle de droit et contraindre Israël à suivre cette voie, et ne pas laisser les autorités israéliennes déployer leur propagande sur l’utilisation de la légitime défense : tuer des femmes et des enfants réfugiés dans une école ne pourra jamais être considéré comme tel au regard du droit international.
Qui aura le courage d’affirmer et d’imposer ces principes, seuls de nature à mettre un terme à un engrenage infernal qui ne peut conduire qu’au pire, y compris pour Israël ? Il n’est pas d’exemple dans l’histoire que l’on puisse indéfiniment bafouer les droits de tout un peuple par le recours à la force. Cela doit être le rôle de l’Union européenne, avec la France en tête : avoir le courage et la clairvoyance de mettre des mots sur ce qui est en train de se passer, et contraindre par tous moyens Israël à cesser cette opération meurtrière.
Aussi, cet engrenage ne fera que se répéter éternellement si l’impunité demeure la règle. La justice pénale internationale doit pouvoir agir, qualifier les actes commis et sanctionner les auteurs, pour rendre justice aux victimes et créer l’espoir que ces crimes ne se répètent pas à l’avenir. Forte de son statut d’Etat observateur auprès des Nations unies, l’Autorité palestinienne doit accepter la compétence de la Cour pénale internationale, et le Bureau du Procureur de la CPI doit au plus vite ouvrir un enquête sur les crimes commis à Gaza.