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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
Manuel Valls, le 18 juin 2012.

François Hollande : “on ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution”

Le 30 juillet 2010, dans un discours sécuritaire musclé prononcé à Grenoble, Nicolas Sarkozy stigmatisait les comportements de « certains parmi les gens du voyage et les Roms ». Au cours de la campagne électorale du printemps 2012, le candidat socialiste, François Hollande, a promis qu’il n’y aurait pas d’expulsion sans solutions de relogement1. Que faut-il alors penser de la déclaration récente du nouveau ministre de l'Intérieur Manuel Valls : «les camps de Roms continueront à être démantelés chaque fois qu'une décision de justice le permettra» ? Pour rappeler que les promesses de campagne doivent devenir des réalités, le Collectif national droits de l’Homme Romeurope dont la LDH est membre et la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale – la Fnars – publient un communiqué commun. Nous reprenons également la lettre ouverte qu'Alain Fourest, de Rencontres tsiganes, adresse à Manuel Valls.

Communiqué Romeurope-Fnars

Deux ans après le discours de Grenoble :

A quand le changement ?

« Je souhaite que, lorsqu’un campement insalubre est démantelé, des solutions alternatives soient proposées. On ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution. Cela les conduit à s’installer ailleurs, dans des conditions qui ne sont pas meilleures. »

C’est en ces termes que le Président de la République, François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, s’était exprimé le 27 mars 2012 lorsque Romeurope l’avait interpellé sur la situation des Roms en France. Cependant, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, annonce la poursuite du « démantèlement de campements », tout en reconnaissant que ce n’est pas une réponse satisfaisante. Les engagements de François Hollande avaient fondé de grands espoirs au sein de l’ensemble des associations et des intéressés eux-mêmes qui attendaient un vrai changement de politique.

Partout en France les évacuations des lieux de vie se poursuivent, comme à Aix en Provence, à Saint Etienne, à la Tronche… sans solutions alternatives, abandonnant à nouveau des hommes, des femmes et des enfants à la rue, dans une précarité toujours plus grande. Ces pratiques actuelles ne sont conformes en rien aux engagements du Président de la République d’un changement de politique plus respectueuse des droits de l’Homme et de la dignité.

Des solutions sont possibles, des expérimentations sont déjà menées par des collectivités territoriales et des associations, et plusieurs sont volontaires pour travailler à des réponses durables et efficaces. Elles n’attendent plus que le soutien de l’Etat.

Le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope et la FNARS demandent donc au gouvernement :

  • l’arrêt de toute évacuation de lieux de vie sans proposition d’hébergement ou de relogement avec un traitement individualisé des situations,
  • l’accès effectif au droit commun : droit à la protection sociale, droit à l’éducation, accès aux soins, et à la protection de la santé.
  • la levée des mesures transitoires qui limitent l’accès au marché du travail et à la formation professionnelle des ressortissants roumains et bulgares de manière discriminatoire (comme vient de le décider l’Irlande). L’accès à un emploi et à la formation professionnelle sont la première des conditions nécessaires à l’intégration de ces ressortissants européens.

Paris, le 31 juillet 2012

Manuel Valls, le 18 juin 2012.
Manuel Valls, le 18 juin 2012.

Lettre ouverte à Manuel Valls

Monsieur le Ministre de l’Intérieur

Ôtez moi d’un doute ? Est ce bien vous qui avez, devant les Sénateurs tenu les propos suivant reproduit dans une interview au journal Le Figaro du 25 juillet 2012 ?
: « Je suis très inquiet de la concentration dans une série de campements », a expliqué le ministre. « La situation aujourd’hui à Lyon, à Aix-en-Provence, en Seine-Saint-Denis, dans une partie de l’agglomération lilloise, nous oblige à prendre des décisions de démantèlement », a-t-il expliqué. « Je ne dis pas que ça règle le problème », a-t-il insisté.

Est ce bien vous qui avez donné l’ordre au Préfet des Bouches-du-Rhône d’utiliser la force publique pour jeter une nouvelle fois à la rue des centaines de familles et d’enfants à Marseille Aix-en-Provence et ailleurs ?

Ils sont ici chez nous depuis parfois plus de dix ans après avoir fui les guerres, la misère, le racisme le plus odieux et la chasse à l’homme dont ils sont l’objet dans leur pays d’origine. Ces pays, vous les connaissez, ils font certes partie de l’Union Européenne, mais leur politique d’extermination assumée devrait vous rappeler quelques mauvais souvenirs.

Que vont devenir Maria ou Olga et leurs enfants qui ont fui l’ex-Yougoslavie depuis plus de dix ans et ont réussi à survivre avec l’aide des nombreux militants et bénévoles associatifs mais aussi des travailleurs sociaux, des médecins et des enseignants qui ont su leur donner un peu d’espoir et leur faire comprendre la générosité de la France et sa capacité à accueillir la “misère du monde”. Quelle a été notre fierté lorsque la jeune Irina nous a présenté son premier diplôme attestant qu’elle maîtrisait le français à l’oral comme à l’écrit !!

Tout cela et bien d’autres choses, vos agents l’ont détruit la semaine dernière en quelques minutes à coup de bulldozers ! Nous sommes très nombreux ici et partout en France à ne plus comprendre et ne plus accepter un tel acharnement mais aussi un tel aveuglement. Nous avions cru au ’changement’ et nous avons milité pour qu’enfin un “ordre juste” soit la règle dans notre pays. Nous sommes nous donc trompés ou avons-nous été trompés ?

Plus inquiétant encore, ôtez-moi d’un doute : Est ce bien votre long et remarquable témoignage dans un ouvrage écrit en dialogue avec Edgar Morin et Patrick Singaïny ou encore Eva Joly sous le titre : La France, une et multiculturelle publié en mars 2012 (éditions Fayard) : « Merveilleux Hexagone ! Ton creuset connaît les secrets des plus improbables rencontres … Toute tentative de définir un Français ne sera jamais qu’une reconstruction partielle et partial de notre histoire … Et puis, l’école républicaine ne m’a pas seulement transmis le goût des chansons de geste ; j’y ai surtout appris la valeur concrète de notre devise. J’ai eu la chance d’avoir des professeurs qui furent des éducateurs …. Pour la Gauche, l’enjeu est majeur en 2012. Nous devrons convaincre les Français que les principes de notre Nation ne sont pas des abstractions creuses, mais les moteurs actifs du progrès social » ?

Depuis que vous avez écrit ce texte, nous avons paraît-il gagné les élections et grâce à nous vous êtes devenu Ministre de l’Intérieur. Le franchissement des grilles dorées de la place Beauvau et l’attrait du pouvoir vous auraient-ils fait perdre la tête ?

Comment pouvez vous supporter ce grand écart ? Ressaisissez vous avant que le ciel ne vous tombe sur la tête !! Dés demain, donnez l’ordre à vos préfets et vos policiers de respecter les valeurs de la République que vous chérissez et d’arrêter le massacre de nos valeurs ! Entendez les voix de tous ceux qui croient encore dans la justice et les droits de l’homme et du citoyen et pas seulement quelques uns de vos conseillers qui parlent au nom de la France de Buonaparte, Mazarin ou Sarkozy. Ceux que nous défendons sont des citoyens d’une Europe qui reste à construire et qui, malgré ses faiblesses doit nous servir de guide. Entendez la voix des Roms et du monde ; entendez la voix des 49 prêtres indignés qui à Marseille affirment que toute expulsion est intolérable…

Marseille le 30 juillet 2012

Alain Fourest

Rencontres tsiganes

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