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François Fillon et l’histoire de France

Les éditions de l'Atelier viennent de rééditer Le Mythe national de Suzanne Citron, dont la première édition date de janvier 1987 ; le livre comporte une nouvelle préface et une postface (368 p, format poche, 15 €). L'historienne Suzanne Citron 1 revient sur le thème de la soi-disant «identité nationale». Sur quelle vision de l’histoire doit-elle reposer ? Celle d’une France gauloise continuée par les rois, accomplie définitivement avec la République ? Ou celle d’une France métissée, faite de diversités culturelles et ethniques, ouverte sur l’avenir ? Pour repenser l’histoire de France, il faut d’abord décortiquer à travers les anciens manuels scolaires le schéma du « roman national » de la Troisième République. Ce récit linéaire et continu d’une France pré-incarnée dans la Gaule légitime, en occultant victimes et vaincus, les pouvoirs et les conquêtes qui ont non seulement créé la France mais encore la « plus grande France », c’est-à-dire un empire colonial. Les recherches portant sur l’histoire de Vichy, la colonisation et l’immigration de la guerre d’Algérie, tout comme les débats autour des lois mémorielles, ont provoqué d’incontestables avancées. Mais ont-ils vraiment révisé le mythe hérité de l’avant-dernier siècle ou n’en ont-ils égratigné que quelques pans ?

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Depuis trente ans, l’histoire de France est devenue un enjeu politique. D’un côté, quelques nostalgiques d’un nationalisme décomplexé appellent au retour du « roman national », ce récit fortement teinté de patriotisme élaboré par les historiens du XIXe siècle. De l’autre, les chercheurs et les enseignants mettent en récit une histoire de France « retrouvée » et « mondiale ». Une histoire complexe et discontinue, pas uniquement « gauloise » et ne débutant pas par le sacre de Clovis.

Suzanne Citron montre que le vrai danger ce n’est pas la complexité de notre histoire, mais bien la simplicité du roman national. Véritable réécriture de l’histoire, il en occulte certains pans, quitte à mutiler notre mémoire et la réinterprète de façon à en faire un récit glorieux héroïque et victorieux. Instrumentalisation de l’histoire, le roman national, c’est l’histoire des vainqueurs.

Le livre de Suzanne Citron replace dans le contexte actuel ce débat sur le roman national. Il réaffirme la nécessité de porter un regard critique sur la logique historiographique héritée du XIXe siècle afin d’appréhender la France comme un pays à l’histoire discontinue et aux multiples racines, fait de métissages anciens et d’immigrations récentes, morceau de la planète et segment de l’histoire humaine.1

Roman national et origines chrétiennes 2

France Info est revenu dans une vidéo sur la question de l’enseignement du « roman national ». « Pour certains, il faudrait avant tout enseigner à nos enfants que les origines de la France sont gauloises, chrétiennes, et héroïques. » Les journalistes en ont discuté avec un étudiant et un professeur d’histoire croisés lors d’un micro trottoir mais ont aussi recueilli les avis forcément divergent de Laurence de Cock et Dimitri Casali. On est admiratif du calme conservé par la première qui sans nier « une fonction identitaire de l’enseignement de l’histoire » atténuait son importance, et fut coupée par un « on n’est pas au zuzuland » de l’historien zémmourien.

On pourrait le renvoyer à cet interview de Paul Veyne paru fin décembre dans Le Monde des religions, dans lequel le grand historien de l’Antiquité proclamait : « La question des origines chrétiennes de la France est un faux débat. » Il y précisait que « l’Europe actuelle est démocrate, laïque, partisane de la liberté religieuse, des droits de l’Homme, de la liberté de pensée, de la liberté sexuelle, du féminisme et du socialisme. Toutes choses qui sont étrangères, voire opposées, au catholicisme d’hier et d’aujourd’hui. La morale chrétienne prêchait l’ascétisme et l’obéissance. L’individualisme de notre époque, par exemple, est aux antipodes de la soumission, de la piété et de l’obéissance chrétiennes. » Et pour lui, si ce thème de nos racines religieuses revient si souvent sur le tapis depuis quelques décennies, « les raisons sont purement politiques. Parler de racines religieuses permet de se montrer vertueux, attaché à certaines valeurs comme la charité. »

On a toutefois vu les limites de ce pari quand on se proclame chrétien sans vraiment être vertueux…

François Fillon président, il promet de refaire l’Histoire. Il pense que les Français en ont besoin. Il veut demander à des Académiciens de réécrire les programmes d’Histoire en France. «Avec l’idée de les concevoir comme un récit national», précise-t-il.

Ce qu’il entend par « récit national », c’est Clovis, premier roi baptisé, c’est Jeanne d’Arc qui repousse les Anglais, c’est Louis XIV ou encore Napoléon Bonaparte et son épopée conquérante. C’est une histoire faite d’hommes et de femmes dont le destin aurait forgé l’identité de la France. Mais cette Histoire-là, des historiens veulent pouvoir en discuter. Car l’Histoire est une science et certains de ces épisodes sont des légendes voulues par les pouvoirs politiques. Exemple avec la colonisation.


Pour François Fillon, «le récit national, c’est une histoire faite d’hommes et de femmes, de héros, de symboles, de lieux, de monuments, d’événements qui trouvent un sens et une signification dans l’édification progressive de notre nation. Il faut rétablir la continuité de ce récit en partant de la France et en axant ce récit sur celle-ci et non en le diluant, comme on le fait aujourd’hui, dans l’étude de faits généraux “mondialisés”.» 3

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Invitée jeudi soir, 23 mars 2017 de « L’Émission Politique » sur France 2, Laurence De Cock 4 a remis à François Fillon la nouvelle édition du livre de l’historienne Suzanne Citron : Le Mythe national que les éditions de l’Atelier viennent de rééditer.

  1. Extraits d’une présentation de l’éditeur : http://www.editionsatelier.com/index.php?option=com_content&view=article&id=545&catid=145.
  2. Source : Les Cahiers pédagogiques du 14 février 2017.
  3. Le Figaro, 1er septembre 2016
  4. Laurence De Cock est professeure d’histoire-géographie en lycée à Paris, Docteure en Sciences de l’éducation, et chargée de cours en didactique de l’histoire. Elle est membre du bureau du Comité de Vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH).
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