L’historienne Sophie Bessis interroge dans son nouvel essai le terme « civilisation judéo-chrétienne », qui serait un construit politique récent. Elle revient sur sa genèse et son instrumentalisation dans le débat public, notamment pour redéfinir les rapports entre judaïsme, christianisme et islam.
Avec
- Sophie Bessis, historienne, spécialiste de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb
Sophie Bessis examine l’histoire et l’usage du concept de « civilisation judéo-chrétienne », qu’elle considère comme une construction idéologique récente. Selon elle, cette expression ne s’est imposée dans le langage courant et politique qu’à partir des années 1980, alors qu’auparavant, l’Europe se réclamait principalement d’un héritage gréco-latin. Elle analyse comment cette évolution aurait permis de redéfinir le rapport entre le judaïsme et le christianisme, occultant des siècles d’antagonisme et d’antisémitisme chrétien. Elle avance que l’intégration du judaïsme dans cette identité commune se serait accompagnée d’un rejet de l’islam, exclu du récit civilisationnel occidental. Cette mutation, selon elle, refléterait une volonté de repositionner l’Occident face au reste du monde, dans un contexte de montée des discours identitaires et de tensions géopolitiques. Elle examine également le rôle d’Israël dans cette dynamique, et la manière dont certaines figures politiques, notamment en Europe et en Amérique du Nord, mobilisent ce concept pour justifier certaines orientations idéologiques et stratégiques. À travers cette analyse, Sophie Bessis propose une réflexion sur l’influence des discours historiques dans la construction des identités contemporaines et sur les rapports de force qu’ils façonnent à l’échelle internationale.